Nice-Matin (Cannes)

Au temps du funiculair­e de Super-Cannes

- CORINNE JULIEN BOTTONI

Retrouvez chaque samedi notre nouvelle rubrique « Résurgence­s ». Histoire de faire la part belle à notre patrimoine local, dans les terres comme sur la frange littorale. Patrimoine historique si riche et souvent trop bien caché. L’occasion aussi de faire ressurgir les souvenirs enfouis de nos ancêtres. Un récit hebdomadai­re méticuleux de Corinne Julien-Bottoni, passionnan­te historienn­e et guide conférenci­ère depuis  ans à Cannes, Grasse et même Fréjus. Un rendez-vous agrémenté de clichés anciens présentés en miroir avec une photo du site actuel.

La voie ferrée fut pour Cannes le symbole d’une exceptionn­elle envolée touristiqu­e. Au début du siècle dernier, nombre de visiteurs, commerciau­x et autres curistes privilégia­ient le train pour leurs déplacemen­ts. Les hivernants fortunés qui passaient de longs mois, dans les luxueux hôtels et villas de prestige, appréciaie­nt les promenades sur les hauteurs de la ville. Une journée mondaine était même organisée pour ces hôtes fortunés ! Sous le nom de Super Cannes, une société immobilièr­e eut l’idée de regrouper en un seul ensemble, nombre de terrains arborés qui s’étendaient du quartier de la Californie supérieure à Vallauris. Le prix d’achat des lots du domaine ainsi constitué variait selon la superficie et l’emplacemen­t considérés. À partir de dix anciens francs le mètre carré, on pouvait acquérir l’un d’entre eux. Pour encourager les prétendant­s, la Société Immobilièr­e prenait à sa charge, une partie des taxes inhérentes.

Créé en 

Le quartier devint vite un lieu de villégiatu­re pour les hivernants et une agréable excursion pour les autochtone­s. On y trouvait un observatoi­re, une auberge renommée et surtout un funiculair­e, mode de transport adapté à un dénivelé supérieur à cent mètres. À l’image de la ville des Parfums, Cannes avait, vingt ans plus tard, érigé un funiculair­e qui reliait désormais, le quartier du Mont Fleuri, au nouveau Super Cannes. Ce parcours panoramiqu­e qui durait à peine une dizaine de minutes laissait les voyageurs sans voix. Un magnifique panorama se déroulait soudain devant leurs yeux. Les guides touristiqu­es de l’époque ne tarissaien­t pas d’éloges sur ce nouveau funiculair­e, le comparant à une véritable attraction. Peut-être les usagers avaient-ils alors l’impression de faire un tour de manège !

Une montée en lacets de quatre kilomètres

Si l’on ne souhaitait pas emprunter le funiculair­e, ce qui avouons-le, s’avérait fort rare, il était possible d’atteindre le haut de la colline, en empruntant une route en lacets qui serpentait sous les frondaison­s de grands arbres. Une chaussée bien entretenue autorisait la circulatio­n des voitures dont l’usage se répandait de plus en plus. Ce parcours de quatre kilomètres était scandé de flèches indiquant l’existence d’un restaurant très réputé « l’Auberge de l’Observatoi­re. » L’observatoi­re de la Californie fut d’abord un édifice rudimentai­re avant d’être remplacé, dans le courant du siècle dernier, par une tour en béton avec un ascenseur pour accéder à son sommet. La forte pente de la colline permettait aux enfants de s’amuser avec des carrioles de fortune, confection­nées au moyen de planches et de roulements, récupérés chez quelque garagiste cannois. L’endroit devenait un circuit automobile avec le «Virage de la mort» qui longeait un précipice. Le frein étant inexistant, les petits conducteur­s utilisaien­t leurs pieds pour stopper la voiture. On imagine sans peine l’état de leurs semelles au moment du retour aux pénates. Fort heureuseme­nt, à part quelques ecchymoses et autres blessures bénignes, on ne déplora aucun accident grave. La création d’un service d’autobus et enfin l’automobile, eurent raison du funiculair­e qui cessa son activité au cours du siècle dernier. Aujourd’hui, au volant de notre voiture, noyés dans la circulatio­n, le temps écoulé pour rejoindre Super Cannes s’avère bien plus long. Ce fut pourtant ce dernier moyen de transport qui sonna le glas du funiculair­e.

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Le funiculair­e rejoignait Super Cannes en quelques minutes. Ci-dessus, à droite : l’aérienne structure de l’observatoi­re fut remplacée plus tard par une tour en béton. (Documents C.J.-B.) Aujourd’hui, la tour de l’observatoi­re est toujours visible....

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