Changement climatique : des Varois et des Azuréens devront déménager
Certains n’échapperont pas à la hausse du niveau de la mer, aux effondrements de falaise et vagues de submersion. Le rachat par les pouvoirs publics des logements les plus menacés est une piste
Mettre la clé sous la porte, pleurer et aller vivre plus à l’intérieur des terres. Ce scénario n’est pas exclu pour certains habitants des AlpesMaritimes et du Var, qui vivent sur le littoral. Car le changement climatique fait naître de nouveaux risques, qui vont s’aggraver d’ici à la fin du siècle : effondrements rocheux, érosion du littoral, vagues de submersion, retrait du trait de côte, en raison de la hausse du niveau de la mer. François Sabatier est géographe, maître de conférence à l’Université d’AixMarseille, membre du Grec Paca (Groupe régional d’experts sur le climat), calqué sur le très connu Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Selon lui, «àlafin du XXIe siècle, on s’attend à ce que le niveau de la mer monte de 80 centimètres à un peu plus d’un mètre. Il est difficile d’être plus précis à l’échelle du Var ou des AlpesMaritimes, mais ce qui est sûr c’est que la mer va monter plus vite que par le passé.» Du coup, les vagues de 1 à 3 mètres, qui déjà aujourd’hui se forment les jours de forte tempête, déferleront de plus en plus loin dans les terres. Des secteurs qui n’étaient pas inondables vont le devenir au fur et à mesure que le siècle prendra de l’âge. « Les problèmes n’ont pas véritablement débuté même si on en a déjà », précise-t-il. Les sites des préfectures du 06 ou du 83 donnent la liste des communes exposées à des inondations dues à des vagues de submersion : Bandol, Hyères, Gassin, Fréjus, Saint-Raphaël, Ramatuelle, Saint-Mandrier, Le Pradet...en tout 27 communes varoises. Dans les Alpes-Maritimes sont citées Mandelieu-La Napoules, Cannes, Vallauris, Antibes, Villeneuve-Loubet, Cagnes, SaintLaurent-du-Var et Nice.
Perdre son droit de propriété
Cette vulnérabilité annoncée du bord de mer n’est pas criée sur les toits. Pourtant des chercheurs travaillent déjà à la prise en compte de ces risques dans les documents de planification et d’urbanisme, dans l’évolution du droit, et surtout dans l’élaboration d’un repli urbain stratégique. Ces chercheurs sont écologues, juristes, économistes, anthropologues ou encore géomorphologues, géographes... Parmi eux, MarieLaure Lambert, enseignantchercheur en droit de l’environnement à l’université d’Aix-Marseille et membre elle aussi, du Grec Paca. « Plusieurs pistes juridiques ont été envisagées, soulignet-elle, et notamment, l’étalement dans le temps de la perte du droit de propriété pour les propriétés littorales menacées par l’érosion ou la montée du niveau de la mer.» Les biens seraient alors rachetés par les pouvoirs publics qui pourraient accepter une occupation dans le cadre d’un usufruit provisoire. Sachant que le jour où le risque deviendra trop grand, il faudra partir sans discuter. Les propriétaires seraient indemnisés par le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, plus connu sous le nom de fonds Barnier. Mais il est déjà un puits sans fonds [lire ci-dessous].
Céder la place à la nature
« Il faut, à plus long terme, envisager de faire de la bande littorale menacée un domaine public ou un patrimoine commun. Il faudrait en dehors des zones urbaines existantes, ne plus construire, garder ces espaces à l’état naturel ou les renaturaliser. Les milieux naturels, comme les forêts littorales, étant la défense la moins coûteuse contre ces risques », poursuit Marie-Laure Lambert. Les posidonies, qui atténuent la houle, ont leur place dans cette stratégie. Cependant, malgré leur protection, le tourisme de masse et la densification du bord de mer les fragilisent toujours un peu plus.