Nice-Matin (Cannes)

FOOTBALL Houllier : « Il faut faire confiance à Deschamps »

Rencontré au Sportel à Monaco, le conseiller du président Aulas nous a offert son oeil d’expert

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE DEPIOT

En vieux briscard rusé, autant qu’en tacticien chevronné, il a commencé par bétonner sa défense face à notre dictaphone : « On ne parlera pas de l’Olympique Lyonnais... » Pardon ? Ah non, Gérard, ça mérite le carton jaune, là ! Vous avez face à vous le ‘‘conseiller extérieur’’ du président Jean-Michel Aulas et il faudrait passer à côté de toute question relative aux Gones ? C’est pas du boulot ça... Enfin, bref, on a fini par le convaincre de distiller quelques réponses sur l’OL. Mais là n’était pas - seulement - le sujet. A l’occasion de sa venue au Sportel de Monaco, c’est bien de son oeil avisé, de sa connaissan­ce encyclopéd­ique du football et de son parcours abouti d’entraîneur (de Noeux-lesMines au New York Red Bull, en passant par le PSG, l’équipe de France, Liverpool et Lyon) dont nous avions besoin. Pour décrypter l’actualité du ballon rond. Un consultant de sa dimension, gratuit qui plus est, c’est toujours du bonus, non ? Allez, ‘‘magnéto Gérard’’, comme dirait Ardisson...

La famille ‘‘OL’’, comment se porte-t-elle ces tempsci, Gérard ?

Ben plutôt bien, non ? Ce que je peux vous dire, c’est que c’est une équipe qui a été renouvelée à pratiqueme­nt %...

(On le coupe) C’était un pari ?

Non, pas du tout, c’était nécessaire. Beaucoup de joueurs et non des moindres sont partis, comme Lacazette, Tolisso, Valbuena, Gonalons, et il fallait probableme­nt partir sur un autre cycle.

Vous êtes conseiller extérieur du président Aulas : pour le profane, ça consiste en quoi ?

Mon rôle est important, il est défini, il touche à la cellule de recrutemen­t, dirigée brillammen­t par Florian Maurice, il y aussi le centre de formation et de post-formation où on a réajusté un certain nombre de choses, mais tout marche bien. Et puis bien sûr, la relation que je peux avoir avec le secteur profession­nel.

Genesio, selon la formule anglaise consacrée, c’est ‘‘the right man at the right place’’ ? (la bonne personne au bon endroit)

Vous savez combien de fois il a perdu depuis le début du championna­t ? Une seule fois. Y compris en compétitio­n européenne. Voilà. Et son équipe progresse. Parce qu’un entraîneur, c’est pas

seulement des résultats. Lui il prend une équipe qui est neuve et je sais par expérience qu’il faut du temps pour que ça prenne. Il a le vestiaire avec lui, il ne se trompe pas dans ses choix et ses joueurs progressen­t. Donc je n’ai pas compris la campagne médiatique contre lui...

Vous avez regardé le ‘‘Clasico’’ OM-PSG ?

Oui, bien sûr. Je vais vous dire, j’ai trouvé que c’était un match bizarre parce qu’il n’y avait pas de tirs au but... (il rit) Plus sérieuseme­nt, les deux équipes étaient très proches l’une de l’autre. J’ai trouvé que le jeu de l’OM a été au-dessus de son niveau habituel.

Comme beaucoup de gens, vous diriez que le PSG version Qatar, c’est une bonne chose pour la L ou plutôt, comme votre président, que sa puissance financière fausse la donne...

La seule chose que je peux dire, c’est que compte tenu de la qualité de leur effectif, on imagine mal qu’ils puissent perdre le titre une deuxième fois.

Vous auriez aimé entraîner cette équipe ?

Vous savez, dans ce métier, on a de la tension, on a du stress, donc il vaut mieux l’avoir avec des bons joueurs (sourire) !

Admettons, Gérard, que nous ayons une baguette magique : nous vous offrons une équipe à entraîner. Laquelle choisiriez-vous ? Malheureus­ement j’ai plus le droit... (suite à de graves problèmes cardiaques en , NDLR)

Et ne nous dîtes pas l’OL !

Ah, je dois avouer que j’aime bien ce que fait Zizou. Je trouve quand même que le Real, est toujours parmi les meilleurs.

Justement, quand vous regardez jouer le Real, vous l’entraîneur, que voyez-vous sur la pelouse du travail de Zidane ?

Zizou, il a passé des étapes pour devenir entraîneur. Il a commencé avec des jeunes en équipe réserve, puis adjoint d’Ancelotti, il est revenu à la réserve. Il a passé beaucoup de temps dans l’antichambr­e, et je pense qu’il était prêt.

Ça ne fait pas forcément un bon entraîneur !

Non, mais lui il a tout, il a les diplômes, il a appris. Il a un style, il a un charisme et tactiqueme­nt, effectivem­ent, ça tient la route.

De l’extérieur, on pourrait tout aussi bien se dire qu’avec de tels joueurs, l’équipe joue toute seule !

Non, il a introduit Isco, il a aussi fait jouer Asensio. Il a dû faire avec des absences. C’est une équipe qui donne l’impression d’être solide mais aussi d’avoir une âme, une identité.

Ça vous manque de ne plus pouvoir coacher ?

Quand vous avez ça dans la peau, oui ça vous manque...

C’est comme une drogue ?

Non, mais il y a une forme de challenge permanent que vous aimez bien.

Les entraîneur­s sont quand même des gens à part, hermétique­s à la vie extérieure...

C’est pas ça. Au contraire, il faut s’efforcer d’avoir du recul, sinon, vous êtes absorbé, vous n’êtes plus lucide dans vos décisions.

Combien de matchs visionnez-vous ?

J’avais fait le compte un jour, je pense que je suis à peu près à ,  matchs par an. Les matchs en ‘‘live’’ je veux dire. Après, je regarde probableme­nt au moins un match tous les deux jours. Je suis un malade ! (il rit)

Vous apprenez encore ?

Tout le temps, car ça évolue. Au niveau technique, physique. Il faut aujourd’hui qu’il y ait une précision technique en plein effort. La qualité internatio­nale maintenant, c’est la vitesse. Vitesse de réaction, vitesse de pied, vitesse d’oeil. C’est pas seulement le sprint à la Bolt...

La tactique aussi évolue ou se limite à deux ou trois schémas ?

Oui, --- ou --, -- ou --... On revient au --. Il était banni et on y revient. Monaco joue souvent en --. Vous savez, il ya trois types d’équipes : celles qui construise­nt en partant de derrière, sans sauter d’étape, celles qui aiment le jeu plus direct, plus long et enfin, les équipes qui, de toutes façons, sont attentiste­s car elles ont moins de vitesse derrière ou se sentent costaudes défensivem­ent. Et voilà.

Qu’avez-vous appris du foot aux Etats-Unis ?

(sourire) Pas grand-chose... Ils sont en retard. Ils commencent seulement à se mettre à la formation.

Liverpool, ce ne sont que de bons souvenirs ?

Oui, la plupart. J’y étais six ans, j’ai gagné six trophées.

Vous irez en Russie ?

Bien sûr. C’est déjà réservé.

Vous regardez les matchs des Bleus comme nous, vous devez sacrément vous ennuyer, non ?

Pas du tout, non ! C’est difficile quand il y a une pression intense, la plupart sont jeunes, ils seront plus libérés en Coupe du monde et ils prendront plus de risques.

On a des chances ?

Oui. Faites confiance à Deschamps, pour l’instant, il a fait une finale d’Euro et un quart de finale de Coupe du monde.

On est quand même loin de l’Espagne et de l’Allemagne en termes de jeu, non ?

C’est pas les mêmes conception­s. Il ne faut pas essayer de copier. Nous, on a notre propre identité. Notre culture, notre philosophi­e. Je ne suis pas du tout étonné que les derniers matchs aient été plus tendus. C’est comme le tennisman qui va gagner, il devient d’un seul coup petit bras...

Le meilleur dans votre corporatio­n, c’est Guardiola et c’est tout ?

Ah, je ne peux pas en citer qu’un. Vous savez, moi j’aime bien Arsène (Wenger, NDLR). C’est énorme ce qu’il a réalisé et je vous le dit, bon courage à celui qui va passer après Arsène !

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