Nice-Matin (Cannes)

L’homme qui a dit « no »

- ROBERT YVON ryvon@nicematin.fr

Les diamants sont éternels. Les regrets apparemmen­t pas. En tout cas pas pour Peter Bubb, plus connu sous le nom de Peter Anthony, mannequin en vogue dans les années soixante à quatre-vingt. Désormais discrèteme­nt installé dans une maison du vieil Antibes en compagnie de son épouse, Katherine Pastrie, elle aussi top-modèle des sixties, Peter Bubb coule des jours heureux. Une existence paisible qui ne laisse donc aucune place aux regrets. Notamment celui d’avoir refusé, en 1962, le rôle de James Bond dans le premier film d’une très longue série : James Bond 007 contre Dr No. Aujourd’hui âgé de 84 ans, Peter Bubb-Anthony, dont l’allure est toujours celle d’un dandy so british, a donc définitive­ment laissé le soin à Sean Connery et consorts d’aller sauver le monde au nom de Sa Très Gracieuse Majesté. À l’immense gloire réservée aux plus grandes stars du cinéma, il a préféré la lumière des studios et des décors naturels que lui a réservée son métier de mannequin. Un job plutôt bien rémunéré puisqu’à l’époque, ses prestation­s pouvaient être facturées jusqu’à l’équivalent de 500 € par jour ! Cela dit, aussi éphémère fut-elle, la relation que Peter Bubb-Anthony a entretenue avec James Bond l’a marqué à vie.

Une petite annonce... Nous sommes en 1962. Les producteur­s Harry Saltzman, Cubby Broccoli et l’écrivain Ian Fleming, le “père” de James Bond, sont à la recherche d’un jeune homme susceptibl­e d’incarner celui qui deviendra le plus célèbre espion play-boy du cinéma. Un casting est lancé pour dénicher la perle rare et ainsi débuter le tournage de James Bond contre Dr No. « Un ami comédien m’a poussé à répondre à une petite annonce parue dans le Daily-Express .Il m’a convaincu d’envoyer des photos de moi publiées dans les magazines de mode de l’époque. J’ai été sélectionn­é pour un test. Je suis allé dans un studio à Twickenham, près de Londres. On m’a prêté un costume et un pistolet Walther PPK. J’ai eu droit à une séance de photos avec d’autres candidats, puis une autre en solo », se souvient Peter Bubb-Anthony. La suite ? « Le producteur Cubby Broccoli m’a rappelé disant qu’il voulait me voir. Pour lui comme pour Ian Fleming, d’ailleurs, il n’y avait aucun doute. J’avais le physique et la carrure de Bond. Mais il fallait que j’apprenne le métier d’acteur. Que je suive des cours de comédie. »

Seconde chance en  Loin de se douter de l’immense succès promis aux aventures de 007, Peter Bubb-Anthony décline la propositio­n. À cette époque, il est un mannequin très demandé et qui craint que cette aventure cinématogr­aphique ne lui enlève du travail. « On me payait 40 livres par semaine pour apprendre la diction et le métier d’acteur. Je devais aller au théâtre dans la banlieue de Londres. De l’autre côté, on m’offrait 100 dollars par jour pour faire le mannequin. J’ai donc dit non pour le rôle. Et je ne l’ai jamais regretté. Finalement Broccoli a fini par choisir un vrai comédien : Sean Connery qui était en concurrenc­e avec David Niven et Cary Grant.» Peter Bubb-Anthony poursuit donc sa carrière de mannequin. « J’étais toujours entouré de très belles femmes et je voyageais dans le monde entier. La belle vie », se souvient-il avec malice. Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’entre lui et Bond, le lien n’est pas définitive­ment rompu. Cubby Broccoli, devenu l’un des plus grands producteur­s de cinéma grâce au succès des aventures de 007, recontacte Peter Bubb-Anthony. Nous sommes en 1971. Après cinq films, Sean Connery ne veut plus être de l’aventure. Pour le tournage de Au service secret de Sa Majesté, réalisé par Peter Hunt, l’acteur écossais est remplacé au pied levé par George Lazenby. Mais Broccoli n’entend pas poursuivre la collaborat­ion avec ce comédien. Il veut que Peter Bubb-Anthony, son choix initial, endosse le costume de l’agent secret. « Cette fois je suis allé à Hollywood. J’y ai même rencontré un avocat qui m’a déposé une série de contrats dans ma chambre d’hôtel. Il fallait que je signe immédiatem­ent. J’ai une nouvelle fois refusé, parce que je ne voulais pas me précipiter. J’ai quand même accepté quelques essais filmés, sans plus. » Finalement, comme en 1962, Sean Connery – qui est revenu sur sa décision d’abandonner le rôle – sera de nouveau choisi pour incarner Bond dans Les Diamants sont éternels.

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