Nice-Matin (Cannes)

FORMULE  « Le Castellet, ça sera jamais comme à Magny-Cours... »

De passage au Sportel à Monaco, Flavio Briatore, ancien boss de Renault, nous a parlé F1

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE DEPIOT

Le cheveu, devenu un brin filasse, s’est raréfié. Le visage, buriné par des années de soleil en Sardaigne sur son yacht autant que sur les circuits de F aux quatre coins du globe, trahit sans ménagement le bourlingue­ur. N’empêche, à  ans, Flavio Briatore porte encore beau. C’est heureux pour un type né au pays de l’élégance qui fit ses classes qui plus est, chez Benetton, le roi de la ‘‘maille’’ italienne dans les années . Avant de débouler sans états d’âme, tel un éléphant, dans le magasin de porcelaine qu’était le cercle fermé de la F... Bientôt dix ans, pourtant, que Flavio a déserté le paddock. Déguerpi, plus exactement ! En  à Singapour, lui et l’ingénieur Pat Symonds, furent accusés d’avoir poussé Nelson Piquet Jr. à jeter sa Renault contre un mur, afin de provoquer la sortie de la voiture de sécurité et favoriser ainsi la victoire de Fernando Alonso. Adieu veau, vache, cochon, couvée : interdit d’exercer en F à vie, le Flavio ! Lui qui pourtant, murmurait depuis toujours à l’oreille des Schumacher, Alonso, Ecclestone... Lui qui porte comme une légion d’honneur, deux titres de champion du monde dans deux écuries différente­s (Benetton et Renault). ‘‘Il fiammegian­te’’ (le flamboyant) était cette semaine de passage au Sportel de Monaco. Et autant vous l’avouer, c’est davantage par plaisir égoïste que par nécessaire actualité qu’on lui a tendu le magnétopho­ne.

Flavio, la dernière fois qu’on s’est vus, c’était au motor-home Renault, où vous receviez les journalist­es dans un magnifique canapé blanc. Dix ans après, qu’est-ce qu’il reste de tout ça ?

Disons que je suis encore un peu dans la F, car on est managers de Fernando Alonso avec Luis Garcia Abad, qui travaille pour notre société. Tu me parles du canapé blanc, c’est des bons souvenirs, mais aujourd’hui, la Formule , elle a beaucoup changé...

On imagine que vous préférez que l’on se rappelle du patron d’écurie qui a gagné deux titres, plutôt que de Singapour, non ?

Moi, je pense qu’on doit tout regarder dans une carrière. Pour Singapour, j’ai été condamné par la FIA (Fédération internatio­nale de l’automobile, Ndlr), après je suis allé devant le tribunal civil et ils ont annulé. C’était évident que tout cela était manipulé par quelqu’un qui était contre moi, depuis des années... A l’époque, c’était le président de la fédération (l’Anglais Max Mosley, Ndlr).

Qu’est-ce que vous aimeriez que l’on garde de vous ?

Moi, que l’on garde

quelque chose de moi, honnêtemen­t je m’en fous ! Tu sais, on ne vit pas pour faire plaisir aux autres. C’est important ce que moi je retiens de mon parcours. Par exemple, je pense qu’on a réussi des miracles en gagnant des championna­ts avec Benetton, puis avec Renault.

Ça vous rend fier, ça se sent...

Oui, parce que pour le moment, je suis le seul qui a gagné dans deux écuries différente­s.

La F vous manque ?

Non, pas du tout. Déjà, j’envisageai­s d’arrêter depuis l’année précédente et ça, Renault le savait. Après presque vingt ans, quand tu as gagné beaucoup, tu n’as plus la motivation que tu avais quand tu gagnes ton premier championna­t... Même si j’ai eu la chance de travailler avec d’excellents pilotes comme Michael (Ndlr, Schumacher), Fernando, Trulli, Fisichella, Panis aussi. N’oublie pas que j’avais racheté l’écurie Ligier et j’ai réussi à gagner une course avec (GP de Monaco , Ndlr) !

Finalement, vous avez gagné plus que d’autres, sans être issu du sérail...

Oui, j’ai remporté des course de F dans trois écuries différente­s comme manager et ce record-là, je pense qu’il n’est pas prêt d’être battu. Car aujourd’hui, tout ça est ‘‘very corporate’’...

Vous qui veniez du business du textile, c’est plus dur le monde des affaires ou celui de la F ?

Je pense que la F, c’est des affaires. C’est du business. Aujourd’hui il faut être franc, on n’a plus un championna­t pilotes, on a un championna­t ‘‘engineerin­g’’ ! C’est un championna­t de motoristes, un championna­t technique. Mais c’est plus un championna­t de gladiateur­s comme avant.

C’est une bonne chose que Bernie Ecclestone ait passé la main ?

A un moment, tu dois passer la main. Ça s’est fait au bon moment, même s’ils ne l’ont pas très bien traité (Liberty Média, les nouveaux propriétai­res américains de la F depuis , Ndlr). Dans la vie, on doit toujours avoir du respect pour ceux qui ont fait des choses importante­s. Ils ont acheté un business de  milliards, mais ils doivent penser que c’est quelqu’un qui l’a créé de toutes pièces, ce business.

La nouvelle équipe a des idées plus modernes pour développer ce business, justement...

Ecoute, toi tu es journalist­e, moi je suis spectateur. Et je n’ai rien vu jusqu’à présent d’extraordin­aire...

Par exemple, faire tourner les F en ville, avant les GP, c’est populaire, non ?

Oui, mais ça, c’est une idée qu’on avait depuis des années... Plus que faire des tours dans les grandes villes, ce qu’il faut, c’est d’avoir un plateau de F compétitif avec à peu près la même voiture pour tout le monde. Comme on l’avait à l’époque, quand sept ou huit voitures en qualificat­ions, se tenaient en une seconde... Il faut qu’il y ait trois, quatre, ou cinq pilotes en capacité de gagner le championna­t. Il faut moins de règles, plus de bataille entre les pilotes.

Le meilleur selon vous, parmi Schumacher, Alonso, Hamilton ?

Le plus cool, c’est Fernando. Parce que quand il a une voiture qui ne marche pas, il met % dedans. C’est difficile pour un champion du monde... Cette année, il a toujours été devant son coéquipier. Quand il était chez Ferrari, il était toujours devant Räikkönen. Schumi, quand je l’ai pris, il était très jeune. C’était extraordin­aire. On a fait des courses, c’était comme  tours de qualificat­ions !

Hamilton, c’est très fort ?

Hamilton quand il est concentré, oui (sourire).

Vous avez des nouvelles de Michael Schumacher ?

Non, ‘‘no news’’. ‘‘No news, no good news’’... (Pas de nouvelles, mauvaises nouvelles, Ndlr).

Le GP de France au Castellet en , c’est une bonne nouvelle, ça ?

Le Castellet, ça sera jamais comme à Magny-Cours... Là-bas, il y avait tout. Le Castellet tu sais, c’est très petit, hein ! Si les gens de Liberty veulent faire des choix, à mon avis, c’est pas en choisissan­t Le Castellet.

C’est quand même bien qu’il y ait de nouveau un GP de France ?

Absolument, mais pour moi un GP de France, ça doit être à Paris ! Pas au Castellet ou à Magny-Cours.

Vous avez touché au football aussi, en rachetant en  le club de Queen’s Park Rangers ?

Oui, on a gagné de l’argent. On l’a pris en Championsh­ip (e div.), on l’a emmené en Premier League. Peut-être qu’on l’a vendu deux ans trop tôt, mais bon, on l’a bien vendu.

En Italie, quel est votre club préféré ?

La Juventus, bien sûr.

Vous êtes aussi dans la restaurati­on aujourd’hui, avec le Cipriani à Monaco. Votre plat préféré dans votre restaurant ?

Les rigatoni à la bolognaise. Si tu vas là-bas, essaie.

C’est trop cher, Flavio...

Bah, ne t’inquiète pas, on te fera un ‘‘discount’’ !

Et sur votre yacht, le Force Blue (m, Ndlr), qu’est-ce que votre chef cuisine ?

Du poisson. Mais bon, c’est ‘‘very boring’’... (très ennuyeux, Ndlr)

A un moment donné, Flavio Briatore, c’était du bleu partout. Vous étiez toujours habillé en bleu. Ça vous venait d’où ?

Moi, j’ai toujours eu deux couleurs en fait, le noir et le bleu. Moi, tu vois, par exemple, je n’ai jamais eu la tentation d’acheter une chemise comme celle-là ! (il désigne notre chemise blanche à carreaux et se met à rire, Ndlr). Moi, c’est bleu ou c’est noir. Point.

Pour finir, Flavio, vous le multimilli­onaire, l’argent, il vous rend heureux ?

Je vais te dire, l’argent, il te sert pour avoir le meilleur docteur du monde ! Parce que la santé, ça ne s’achète pas... Photo : Jean-François OTTONELLO

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