Nice-Matin (Cannes)

« Passer à autre chose »

A une semaine du départ de sa 4e « Course du café », Jean-Pierre Dick expose ses ambitions. Le skipper niçois évoque aussi son choix de ne pas s’aligner sur le Vendée Globe en 2020

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE­R ROUX

Jean-Pierre Dick est un homme sous tension. Pressé d’en découdre avec la concurrenc­e et de décrocher une e Jacques Vabre. Parce qu’à partir du  novembre, jour de départ de la « Course du café », JP, épaulé par le Breton Yann Eliès, ne visera rien d’autre que la gagne pour sa dernière sur le circuit Imoca. Mardi, à quelques heures de mener son St-Michel/Virbac de Lorient au Havre, port où les fauves seront lâchés jusqu’au Brésil et Salvador de Bahia, le Niçois s’est penché sur la course.

Jean-Pierre, où en êtesvous des préparatif­s de cette Jacques Vabre ?

C’est toujours un peu le même processus, un rituel. Je suis par exemple allé chez le dentiste ce matin (mardi, ndlr). Le dernier jour (avant de partir pour Le Havre), on s’occupe des sacs. Il y a pas mal de matériels électroniq­ues auxquels il faut penser. On a beaucoup travaillé sur ordinateur­s, on a nos imprimante­s, leurs cartouches. Il faut à la fois être léger, embarquer le moins de choses possibles mais avoir ce qu’il faut en cas de problème. C’est une équation très difficile à résoudre.

Avoir déjà remporté trois Jacques Vabre *, c’est forcément un avantage…

Oui, l’expérience est là. Ça fait quelques années que je n’ai pas gagné de grandes courses donc l’envie est vraiment forte. Je suis excité de partir.

Sur quoi se joue une Jacques Vabre ?

Il faut clairement un brin de réussite. Il va falloir que les conditions soient favorables, qu’il y ait pas mal de vent. Pour nous, il ne faut pas de petit temps. Le niveau est très relevé. On ne peut pas se permettre de faire de grosses erreurs. Il faut déjà éviter de la perdre, parer à l’impossible (rire). C’est toute la difficulté de la préparatio­n de cette course. Je pense qu’on a bien bossé avec Yann.

Après avoir pas mal couru en solitaire, il a fallu retrouver des automatism­es en double…

Oui, on a fait tous les entraîneme­nts au pôle France (à Port-la-Forêt, Finistère). Il y a eu un gros travail de fond. On a eu le temps de se remettre dans une configurat­ion de double, de se préparer et préparer le bateau. Nous sommes prêts mentalemen­t. C’est nous qui avons le plus navigué. On a essayé de mettre le maximum de chances de notre côté mais rien n’est acquis.

Se prépare-t-on de la même manière pour un Vendée que pour la Jacques Vabre ?

C’est un peu différent. Pour le Vendée on construit généraleme­nt un bateau, l’implicatio­n personnell­e est plus forte. On se retrouve tout seul donc il faut tout savoir. Sur une Jacques Vabre, on peut se reposer sur un autre skipper.

Comment se repartisse­nt les rôles en mer ?

Il ne faut pas écraser l’autre, sinon on n’est pas productif. On a des fonctions très similaires. On ne veut pas que l’un soit responsabl­e spécifique­ment de la navigation par exemple. Chacun est capable d’avoir une vision critique sur le travail de l’autre. C’est ce qui est important. Il faut qu’on puise se parler, échanger d’égal à égal. Cela permet de prendre des décisions plus mûries. On connaît le niveau du risque et on l’assume à deux. Après, si on doit affronter une grande tempête et aborder des mesures de sécurité, j’aurai le dernier mot. Il faut quelqu’un qui tranche. C’est mon projet et mon bateau. Quels sont vos principaux concurrent­s ? Il y a SMA de Paul Meilhat et Gwénole Gahinet, avec un bateau à dérive qui a ses chances sur ce genre de parcours moins sélectif que celui du Vendée. C’est un équipage très affûté et qui a l’expérience de ce genre de défi. Ensuite, il y aura deux bateaux avec des profils de performanc­e très similaires au nôtre. Des voiles et vous et Malizia, équipages de jeunes aux dents longues.

Avec Eliès vous portez le statut de favoris. Est-ce une source de pression ?

Oui mais elle est positive.

Outre la Transat, vous avez décidé de ne pas vous aligner sur le prochain Vendée Globe… Pourquoi avoir pris cette décision ?

On est deux (avec Jean Le Cam) sur cette planète à avoir débuté quatre Vendée Globe et à en avoir terminé trois. Moi, le petit Niçois, j’ai eu l’honneur d’accomplir ça. Je fais partie d’un cercle très fermé. C’est déjà énorme. Le Vendée, c’est une montagne, une course où il faut une motivation hors du commun. Aujourd’hui, je n’ai plus l’envie et l’abnégation pour y retourner. J’ai eu la chance de gagner cinq grandes courses océaniques, avec des marins géniaux, comme Loïc Peyron ou Jérémie Beyou, mais le Vendée s’est toujours refusé à moi. J’ai été en tête dans toutes les éditions auxquelles j’ai participé mais il y a finalement eu un gros grain de sable. Maintenant, rien n’est définitif. Peut-être que dans deux ans, je vous dirai j’y retourne. Pour moi, l’une des plus grosses déceptions, reste l’abandon de . J’ai mené la course tout le long de l’océan Indien. Ça a été un moment difficile. C’est cette année-là où j’ai été le plus proche de gagner.

Vous soutiendre­z donc Yann Eliès sur la prochaine édition. Quel sera votre rôle à ses côtés ?

Je passe la barre à un skipper qui a cette volonté farouche de gagner. On travaille en confiance, c’est quelqu’un de proche. Je souhaite continuer à m’impliquer pour gagner cette course avec Yann. C’est un bateau qu’on va concevoir ensemble. Je serai partie prenante du projet même si je suis amené à naviguer sur d’autres supports. Je vais lui apporter mon expérience de la course au large par l’intermédia­ire de l’écurie que j’ai créé il y a  ans, Absolute Dreamer.

Jugez-vous Yann mieux placé que vous pour remporter le Vendée ?

J’ai l’humilité de dire qu’à un moment, il faut savoir passer à autre chose. En , le facteur de l’âge sera important (il aura  ans). La faculté de récupérati­on sera moins présente. Par sa motivation extrême, il sera potentiell­ement mieux placé que moi pour le gagner.

Virbac va mettre fin à sa collaborat­ion avec vous, il faudra trouver un nouveau sponsor pour ce Vendée…

On cherche des sous, oui. Au sujet de Virbac, il n’y a rien à redire. Je remercie le groupe pour son implicatio­n à mes côtés mais un cycle est passé. Au bout de  ans, cette fin est logique avec le fait que je me mette en retrait.

Une fois la Jacques Vabre bouclée, comment dessinerez-vous l’avenir ?

Je ne sais pas vraiment. On reparlera de mon avenir après la Transat. C’est encore un peu tôt. J’ai lancé une petite série Easy to Fly. J’ai l’objectif de continuer à régater avec ces catamarans volants. J’ai envie d’en faire une série majeure en Europe.

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Dick et Eliès ont passé plusieurs jours en mer pour peaufiner les réglages.
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