Signé Roselyne
SIGNÉ ROSELYNE
La semaine de Roselyne Bachelot
Mardi
Réunion ce mardi soir à la direction de Les Républicains. L’ordre du jour appelle l’exclusion du Premier ministre, Édouard Philippe, et de deux de ses ministres, ceux-là mêmes qui font exactement la politique que les Républicains auraient conduite s’ils avaient gagné les élections. Pour que la charrette qui conduit le trio à l’échafaud soit bien lestée, on y fera monter deux députés dits « constructifs », qui défendent la position incongrue que si le gouvernement propose des mesures conformes aux idées de la droite, ils les voteront. Il a été question de mettre sur leur tête le bonnet avec les inscriptions : hérétique, apostat, relapse, mais le tribunal de l’Inquisition, lâché par bon nombre de hiérarques qui s’étaient mis à l’abri des balles perdues, s’est trouvé dans l’impossibilité de réunir le quorum qui aurait permis de zigouiller les traîtres. Rendez-vous donc la semaine prochaine pour liquider le quintet des fourbes mais d’ores et déjà, nul doute que cette affaire déjà joyeusement menée va redorer le blason de l’équipe de branques qui sévit rue de Vaugirard.
Mercredi
Pauvre Nicolas Hulot ! Me remonte en mémoire le militant intraitable que j’avais reçu dans mon bureau de ministre de l’Écologie il y a une quinzaine d’années. Les choses étaient simples alors : lui était du côté du bien et les ministres en charge de ces dossiers étaient au mieux des ignorants manipulés ou pire des cyniques à la solde d’intérêts sordides. Avec le glyphosate, cet herbicide contenu dans le Round Up de Monsanto et dénoncé comme cancérogène par l’Organisation Mondiale de la Santé, le voilà aujourd’hui au coeur d’un conflit gouvernemental bien poisseux. Faisons crédit à chacun des protagonistes de la pureté de leurs intentions. Nicolas Hulot aurait bien voulu le retrait immédiat de cette substance, mais a reculé en concédant une limitation à ans. De son côté, le ministre de l’Agriculture, avec l’appui des syndicats agricoles, accepterait un retrait d’ici à ans. Quant à la Commission européenne, jadis campée sur une autorisation pour ans, elle pourrait se laisser fléchir pour ans, le Parlement européen, lui, votant une résolution réclamant l’interdiction dans ans. Le désordre est total. Les membres du gouvernement s’en mêlent et s’emmêlent avec chacun des avis différents, Monsanto grenouille à Bruxelles, les lobbies de toutes tendances s’activent, le Premier ministre et le président de la République cajolent Hulot, dont certaines indiscrétions laissent deviner qu’il est au bord de la dépression, en essayant d’empêcher une démission qui serait catastrophique pour l’image de l’exécutif. J’attends avec impatience la décision sur l’aéroport de Notre-Dame-desLandes,
prévue fin novembre. Si comme cela paraît probable, le gouvernement renonce à ce projet, l’estomac de Nicolas Hulot sera disponible pour avaler d’autres boas, pourquoi pas assaisonnés avec un peu de glyphosate ?
Jeudi
Le thème des « cadeaux fiscaux faits aux riches » fait florès dans tous les médias et les hebdomadaires publiés ce jeudi n’échappent pas au cliché. Il est d’ailleurs curieux de voir que même les organes d’information « pro-business » emboîtent le pas de la meute dans leurs titres. Ils tentent péniblement de rétablir la vérité dans le corps des articles mais, trop tard, le mal est fait. Les députés macronistes de LREM semblent confondus de culpabilité et, pour s’excuser, proposent des amendements en peau de lapin lors de la discussion de la loi de finances. Ceux de LR, cyniques ou amnésiques, condamnent des mesures qu’ils soutenaient - en pire- pendant la campagne présidentielle, Mélenchon, Le Pen et les syndics de faillite du PS se retrouvent dans un choeur en canon « plus populiste que moi, tu meurs ». La chasse aux riches étant ouverte dans ce pays, il convient de rappeler quelques chiffres. % de l’impôt sur le revenu est payé par % des contribuables et % des ménages en sont exonérés. La France va rester le seul pays européen à garder un impôt sur la fortune avec l’IFI (Impôt sur la fortune immobilière), auquel il faut ajouter, on a tendance à l’oublier, des droits de succession confiscatoires qui rapportent milliards à l’État, là encore une
situation sans équivalent en Europe. Ceux qui s’indignent de voir dorénavant appliquer un prélèvement fiscal unique de « seulement » % sur les revenus des valeurs mobilières oublient que nous allons garder un taux supérieur à tous nos concurrents. On me rétorquera que la TVA est supportée par tous. Certes, encore faut-il rappeler que des taux réduits ou des exonérations sont appliqués sur tous les produits de base : alimentation, médicaments, loyers, énergie…Quant à la CSG créée par les socialistes, ce n’est pas un impôt, mais bien une cotisation intégralement fléchée vers la Sécurité sociale et qui, à l’instar des autres cotisations, n’est donc pas progressive. Cette folie fiscale a néanmoins un corollaire : elle permet une redistribution sociale massive. La France concentre % des dépenses sociales de l’ensemble de la planète pour % de la population mondiale ! Il faut s’en féliciter et préserver ce modèle qui, malgré bien des défauts et des errances, a su protéger les plus faibles. Mais franchement, quand nous aurons mis nos riches à la porte, les pauvres s’en porteront-ils mieux ?
Samedi
L’Europe regarde, sidérée, la Catalogne se précipiter dans l’abîme. Tout peut maintenant arriver, surtout le pire. Il y aura peut-être - vous me pardonnerez cet optimisme invétéré - deux effets bénéfiques à ce gâchis. Les sécessionnistes de tout poil qui sévissent en Europe ne pourront plus présenter à des gogos exaltés le processus d’indépendance comme une simple rupture de bail. Quand des populations, des administrations, des économies sont intriquées depuis des siècles, la séparation ne peut résulter que d’une violence insupportable ou d’un détricotage patient, fil à fil, mené sur plusieurs années et même plusieurs décennies. Celui-ci doit se bâtir dans un dialogue responsable, démocratique et partenarial. La simple évocation de ce qui doit être construit par la Catalogne dans un environnement mondialisé devrait donner des sueurs froides à Carles Puigdemont : ambassades, alliances militaires, traités internationaux et commerciaux, statut des résidents espagnols, candidature d’adhésion à l’Union européenne… Sur tout cela et le reste, le leader catalan s’est comporté en énergumène mystique et roublard, se gardant bien d’évoquer les questions concrètes. L’autre effet bénéfique de cette désastreuse aventure est de répliquer aux populistes qui, tels Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen, s’attaquent au fameux chèque européen qui fait que la France verse à l’Union européenne une contribution supérieure à ce qu’elle reçoit en subventions. Aux côtés d’indépendantistes romantiques à défaut d’être raisonnables, de nombreux citoyens de régions dites «riches» rallient en effet les séparatistes, au motif qu’ils en ont assez « de payer pour les pauvres ». La justification éthique est évidemment irrecevable, mais elle est de plus insoutenable économiquement. Promouvoir le développement de voisins moins favorisés, c’est se créer des marchés et des clients. C’est vrai à l’intérieur de l’Union européenne, mais c’est aussi le cas pour les États-nations. Le superbe isolement de l’opulente Catalogne n’amènera que désordre et paupérisation et ce processus mortifère est malheureusement déjà lancé.
« L’Europe regarde, sidérée, la Catalogne se précipiter dans l’abîme. Tout peut maintenant arriver, surtout le pire.»