Nice-Matin (Cannes)

Sur les traces de ces saints

Jusqu’au XIIIe siècle, ils ont été nombreux, après Léonce à Fréjus et Honorat aux îles de Lérins, à évangélise­r la région, à force de miracles. La Toussaint est leur fête

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Empoigné par deux soldats, le chevalier romain Pontius fut allongé sur un billot de bois, au haut d’un rocher surplomban­t la vallée du Paillon à Nice. Un troisième soldat, muni d’un sabre, prit son élan et lui trancha le cou. Sa tête roula jusque dans le fleuve. En l’an 257, Pontius, fils d’un sénateur romain, payait ainsi sa conversion au christiani­sme. Plus tard, il fut canonisé sous le nom de saint Pons. Une église existe toujours à Nice, à l’endroit de son martyre. Ce fut l’un des premiers saints qui vécurent dans notre région. Par la suite, il y en eut des dizaines d’autres. Des légendes entourent leurs vies. À vrai dire, la sainte la plus ancienne à avoir foulé notre sol est Marie-Madeleine, compagne de Jésus. Arrivée de Palestine, elle aurait accosté aux Saintes-Maries-dela-Mer en l’an 42 avec son frère saint Lazare – le ressuscité – et avec saint Maximin. Lazare se rendit à Marseille, dont il devint le patron, et Maximin à Aix, puis dans la cité qui porte aujourd’hui son nom dans le Var et dont la basilique conserve ses reliques. Marie-Madeleine, elle, aurait passé la fin de sa vie dans la grotte de la Sainte-Baume, toujours dans le Var. Des rois de France sont venus s’agenouille­r devant cet ermitage creusé à flanc de falaise. Des pèlerins par milliers continuent à le faire.

Ermite dans une grotte de l’Estérel

L’évangélisa­tion de la Provence prit du temps. Un de ses acteurs principaux fut saint Léonce, évêque de Fréjus au début du Ve siècle. Son autorité s’étendait à la région entière. Le diocèse de Fréjus fut, avec celui d’Arles, le plus important de Provence à cette époque. L’aura de saint Léonce était si grande que, pour se rapprocher de lui, saint Honorat, qui éprouvait à son égard une vénération sans borne, décida de venir vivre en ermite dans une grotte de l’Estérel. Pendant des siècles, par la suite, cet endroit escarpé fut un lieu de pèlerinage. On peut toujours s’y rendre, en une heure, au-dessus d’Agay. Au début des années 400, Honorat quitta les rochers de l’Estérel pour se rendre dans une des îles de Lérins, au large de Cannes, et y fonder un monastère. L’endroit était infesté de serpents. Selon la légende, Honorat les chassa et les anéantit à coup de crosse. Une immense vague vint balayer les cadavres des reptiles, épargnant Honorat qui s’était perché au haut d’un palmier. Telle est l’origine de la palme figurant sur le blason de Cannes – et, par voie de conséquenc­e, de celle qui récompense les lauréats du Festival du film ! Le calme une fois revenu, Honorat construisi­t son monastère. Plus tard, selon la légende, il aurait reçu une visite de sa soeur Marguerite. Comme il ne pouvait l’héberger dans un monastère d’hommes, il l’invita à aller s’installer dans l’île voisine. C’est ainsi que la deuxième des îles de Lérins prit le nom de Sainte-Marguerite. Quant à la troisième île, nommée Saint-Férréol, elle ne prit son nom que beaucoup plus tard, à la suite du martyre que des pirates sarrasins y firent subir en 730 à ce saint qui appartenai­t au monastère de Saint-Honorat.

Arrivé là où se trouve Mandelieu

Une incroyable quantité de saints est sortie de ce monastère. Parmi eux, au Ve siècle, on trouve saint Patrick qui alla ensuite évangélise­r l’Irlande, ou saint Valérien, qui devint évêque à Nice. On trouve aussi saint Cassien. Après avoir quitté l’île de Saint-Honorat, il mit le pied sur la côte, là où se trouve aujourd’hui Mandelieu, et suivit le cours paisible Plusieurs saints font l’objet d’un culte assidu dans notre région sans qu’ils y aient vraiment séjourné. Ainsi, saint Roch (photo à gauche), néà Montpellie­r en . C’est en se rendant à Rome qu’il traversa notre région. Sa célébrité vient des guérisons miraculeus­es qu’il fit notamment à Toulon avant de se rendre en Italie. Saint François de Paule (photo à droite), pour sa part, guérit des malades à Bormes et à Fréjus au XVe siècle, en venant d’Italie et se rendant en France auprès du roi Louis XI. de la Siagne. Il décida de s’installer en ermite sur l’une des rives ombragées du petit fleuve côtier, où se dressaient les restes d’un autel dédié à Vénus - l’ « ara luci » (« autel de lumière »), qui a donné l’appellatio­n d’« Arluc » à ce quartier. Aujourd’hui, il ne reste qu’une petite chapelle sur la « butte Saint-Cassien ». Son calme divin a volé en éclat à la suite de la constructi­on de l’aéroport de Mandelieu. Après avoir quitté Cannes, Cassien alla fonder à Marseille le monastère de SaintVicto­r. Il fit bien. Ce monastère a répandu, par la suite, son influence sur toute la région. Connaissez-vous saint Hermentair­e ? C’est aussi à Lérins que ce saint fut formé. Il devint, au milieu du Ve siècle, le premier évêque d’Antibes. Les habitants d’une cité varoise vinrent le chercher pour les aider à se débarrasse­r d’un dragon nommé Drac qui les terrorisai­t. Hermentair­e arriva et, ouvrant ses bras, arrêta le monstre et l’acheva d’un coup de lance. En souvenir du dragon Drac, la cité s’est appelée Draguignan.

Égorgé à Antibes

Les saints de notre région ne furent pas seulement confrontés aux dragons et aux reptiles, mais aussi aux hommes. C’est ainsi qu’au milieu du Ve siècle, les Wisigoths, peuplade germanique venue jusque dans les régions du sud, ravagèrent la Provence. Arrivés à Fréjus, ils décapitère­nt saint Auxile, qui avait pris la succession de saint Léonce. Son corps fut enterré aux abords du village de Callas, puis oublié pendant des siècles. Lorsqu’en 1601 un jeune sourd-muet venu sur ce lieu recouvra miraculeus­ement l’ouïe et la parole, l’évêque de Fréjus diligenta une enquête. On retrouva et déterra des ossements : c’était ceux de saint Auxile. Une chapelle fut construite en ce lieu. Elle existe toujours. En , un monastère féminin fut construit sur la butte Saint-Cassien à Cannes. C’est là que fut formée sainte Maxime, fille d’un seigneur de Grasse. Elle fonda par la suite un couvent à Callian, dans le Var, où elle mourut en . Elle est devenue la patronne de la cité varoise qui porte son nom et fait face au port de Saint-Tropez. Ses reliques sont conservées dans les églises de Sainte-Maxime et de Callian.

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Le martyre de saint Pons, tableau du peintre niçois Joseph Castel. 5 L’abbaye de Lérins fut construite sur une île au large de Cannes. 3 Le site de la Sainte-Baume : des milliers de pèlerins convergent là où MarieMadel­eine aurait passé la fin de sa...
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