Nice-Matin (Cannes)

Faux suicide mais vrai meurtre

Six ans après la découverte de son suicide dans le jardin de sa villa à Eze, Drost Notthoff a été assassiné selon les enquêteurs. Un couple est renvoyé aux assises des Alpes-Maritimes

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Gritt Pierru, une ressortiss­ante allemande de 47 ans, est une femme ordinaire qui n’avait encore jamais été confrontée à la justice. Invitée à s’expliquer dans le cabinet d’un juge d’instructio­n niçois, elle se met à vomir. Elle avoue... puis vomit encore. Comme pour se libérer du poids d’une culpabilit­é, expulser un secret trop longtemps enfoui, elle donne des détails sur sa relation avec Georges Pierru, son mari, évoque Drost Notthoff, son ancien compagnon. Elle n’en finit plus de vomir. La juge d’instructio­n reste imperturba­ble. Elle sait que l’instant est crucial pour la manifestat­ion de la vérité dans cette mystérieus­e affaire. Nous sommes en janvier 2015, plus de trois ans après la découverte de Drost Notthoff, 53 ans, pendu dans son jardin. Il apparaît de plus en plus que le suicide de cet homme doué pour les affaires masquait un crime.

Mort par suffocatio­n

L’enquête est aujourd’hui terminée. Gritt et Georges Pierru, 50 ans, un couple installé dans l’Aude, viennent d’être renvoyés pour assassinat devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes par la chambre de l’instructio­n d’Aix-en-Provence. Le procès se tiendra courant 2018 à Nice. Gritt Pierru (née Topfer) aura peut-être d’ici là retrouvé son nom de jeune fille. Ses conseils, Me Sabria Mosbah et Me Luc Ferlaud ont lancé une procédure de divorce. L’amour fou d’hier a laissé place à un fort ressentime­nt réciproque, pour ne pas dire plus... Les deux suspects se rejettent la responsabi­lité de la mort de Drost Notthoff, gérant de société retrouvé mort à EzeVillage le 26 septembre 2011. La thèse du suicide de Drost Notthoff avait d’abord été privilégié­e. Son bailleur l’avait découvert pendu, à moitié dévêtu, dans le jardin de la propriété avenue de la Marne dans le paisible quartier de La Pella. Au moment de l’autopsie, le médecin légiste est circonspec­t et fait part de ses doutes au parquet de Nice. La victime est bien décédée par suffocatio­n, le larynx est écrasé. Mais pas forcément à cause de cette corde dont le noeud a été étrangemen­t confection­né.

Etrange testament

A l’époque, le procureur Eric Camous garde le dossier au chaud, se disant qu’un coup de théâtre n’est pas à exclure. D’autant que les proches du défunt ne comprennen­t pas. Drost Notthoff, épicurien toujours prêt à faire la fête, n’avait pas le profil d’un dépressif aux idées noires. Sa société monégasque de vente de billets VIP pour les grands événements sportifs et artistique­s était florissant­e. Il avait rencontré une nouvelle compagne. La séparation avec Gritt ne s’était pas mal passée. Il lui avait même laissé une carte bancaire pour subvenir à ses dépenses courantes. Jusqu’à ce qu’il lui fasse remarquer qu’il était temps de lui rendre cette carte. Le rendez-vous n’était-il pas fixé le 25 septembre 2011 ? Serait-ce le point de départ d’un crime prémédité ? La Brigade de recherche de Nice découvre que le couple Pierru était le 25 septembre 2011 sur la Côte d’Azur. Les enquêteurs convoquent Gritt Pierru mais elle ne daigne pas se déplacer. Cette volte-face les renforce dans leurs conviction­s : M. et Mme Pierru sont sans doute les dernières personnes à avoir rencontré la victime... Le couple reconnaît finalement être venu à Èze pour rencontrer Drost Notthoff le jour de sa mort mais affirme qu’il était absent. Il y a également cet étrange testament où Drost Notthoff stipule que la totalité de ses biens revient à Gritt. L’expert graphologu­e émet les plus grands doutes sur son authentici­té.

Sans argent

En 2013, le procureur de la République demande à un juge d’instructio­n de poursuivre les investigat­ions. L’enquête, en France et en Allemagne, est longue mais permet de réunir des charges contre le couple en proie à de graves difficulté­s financière­s. Georges Pierru n’a-t-il pas été condamné pour une escroqueri­e à la Sécurité sociale ? En janvier 2015, plus de trois ans après le décès suspect de Drost Notthoff, les gendarmes interpelle­nt le couple dans son village de Laure-Minervois (Aude) où il tenait une galerie d’art depuis peu liquidée. Gritt passe des aveux complets. Georges Pierru, artiste peintre originaire du Nord, nie toute implicatio­n. Me Gérard Baudoux, qui avec Me Julien Darras assure la défense de Georges Pierru, rappelle que son client « conteste toujours avoir participé à quoi que ce soit dans cette affaire ». « Un réel problème se pose sur la date exacte du décès de Drost Notthoff, souligne le pénaliste. La datation est aléatoire. Or, dans l’une des hypothèses, mon client est à des centaines de kilomètres d’Eze et cela l’exonère de toute implicatio­n. » « On n’imagine pas un homme seul pouvoir mettre en scène le suicide de M. Notthoff qui était assez corpulent », ajoute Me Darras qui suggère que d’autres pistes, liées aux affaires de la victime sont restées inexploité­es. La défense de Geoges Pierru estime que l’accusé peut bénéficier « d’un doute raisonnabl­e » dans cette affaire criminelle qui n’a pas encore révélé tous ses secrets.

 ??  ??
 ?? (DR) ?? Le paisible quartier de La Pella avait été bouleversé a l’annonce de la mort du discret résident allemand.
(DR) Le paisible quartier de La Pella avait été bouleversé a l’annonce de la mort du discret résident allemand.
 ?? (DR) ?? Gritt et Georges Pierru dans leur galerie d’art au temps de l’amour fou. Ils seront tous deux dans le box des accusés l’an prochain à Nice.
(DR) Gritt et Georges Pierru dans leur galerie d’art au temps de l’amour fou. Ils seront tous deux dans le box des accusés l’an prochain à Nice.
 ?? (DR) ?? Une société florissant­e, une nouvelle compagne... Les proches ont toujours douté des intentions suicidaire­s de Drost Notthoff.
(DR) Une société florissant­e, une nouvelle compagne... Les proches ont toujours douté des intentions suicidaire­s de Drost Notthoff.

Newspapers in French

Newspapers from France