La France, colonie de la Silicon Valley
Questions à Luc Ferry, essayiste
L’essayiste et ancien ministre Luc Ferry était l’invité du CGA mardi. Une soirée privée dont on vous livre le concentré. Le conférencier s’est exprimé sur l’intelligence artificielle.
Quels secteurs sont concernés ?
Tous les secteurs de la vie humaine. Quelques chiffres à avoir en tête pour ne pas sous-estimer le tsunami qui va frapper tous les pays, même si la vague vient quasi exclusivement de la Silicon Valley et de l’est de la Chine. Notre vieux pays, plus soucieux d’investir dans les JO que dans la révolution des NBIC, est hélas déchu au rang très inférieur de colonie de ces deux régions. En , l’Allemand Konrad Zuse était fier d’annoncer que son ordinateur pouvait réaliser une opération par seconde ; la dernière génération d’ordinateurs chinois traite millions de milliards d’opérations par seconde ; en , ils en traiteront un milliard de milliards. Une masse de données que le cerveau humain sera incapable d’embrasser. Cela rendra l’intelligence artificielle incontournable.
Quelles conséquences pour l’homme ?
Elles seront multiples et contrastées. Laurent Alexandre le montre dans son dernier livre La guerre des intelligences, grâce à l’IA, quelques minutes suffisent à séquencer l’adn humain pour un budget dérisoire. Cela permet d’analyser la signature d’une tumeur cancéreuse, de repérer ses faiblesses pour un traitement précis. En même temps, l’IA détruira beaucoup d’emplois, ce qui posera la question: quels savoirs transmettre à nos enfants pour qu’ils soient complémentaires et pas victimes de l’IA ?
Où en est-on du transhumanisme ?
Le transhumanisme, pensée philosophique et scientifique financé notamment par Google à coups de milliards, suscite outreatlantique des milliers de publications. Il vise d’abord à passer d’une médecine classique, dont la finalité était de «réparer», à l’augmentation du potentiel génétique de l’espèce humaine. De là l’ambition de combattre la vieillesse en recourant à l’ingénierie génétique et l’hybridation homme/machine. Pour le moment, rien de réel ne prouve que c’est possible pour l’homme, mais à quoi ressembleront la technomédecine, les nanotechnologies et la biochirurgie demain ? Il faut anticiper dès maintenant les problèmes éthiques et politiques.