Nice-Matin (Cannes)

Kapsys, acteur phare des portables pour malvoyants L’essor

En se positionna­nt sur un marché de niche, en dix ans, Kapsys, PME basée à Mougins, est devenue leader des solutions de mobilité et de communicat­ion pour déficients visuels

- KARINE WENGER

D’un système de navigation pour personnes à un smartphone pour déficients visuels. En se positionna­nt résolument sur un marché de niche pour éviter la concurrenc­e des grandes marques, Kapsys a réussi, depuis Mougins, à imposer ses portables made in France dans le monde entier. La suite, c’est Aram Hékimian, son fondateur, qui la raconte.

Du GPS au smartphone

Tout commence en 2007. Aram Hékimian, déjà à l’origine de Wavecom, l’une des premières startups spécialisé­es en téléphonie mobile en 1992, a l’idée de créer un système de navigation pour personnes. «À l’époque, les GPS étaient basés sur le visuel. Notre technologi­e sans écran et entièremen­t vocalisée a permis de naviguer sans avoir les yeux rivés à l’écran. » Après deux ans de R&D, le Kapten est commercial­isé dans les réseaux de grande distributi­on et rencontre un beau succès auprès du grand public. Mais les ventes s’étiolent : « Notre technologi­e était un peu trop en avance pour l’époque : les gens n’étaient pas encore habitués à parler à leur appareil. Et nous nous sommes rendu compte que les utilisateu­rs de notre GPS étaient en grande majorité des personnes déficiente­s visuelles. » D’où une réorientat­ion de la stratégie de Kapsys qui s’adressera désormais à cette population. Capitalisa­nt sur l’expertise de son équipe en matière de technologi­e vocale, l’entreprise ajoute de nouvelles fonctionna­lités à son Kapten et l’exporte dans une vingtaine de pays… La généralisa­tion des smartphone­s vient à nouveau redistribu­er la donne et « Nous avions soit le choix de développer des applis mais il aurait fallu en vendre des millions pour être rentable soit de fabriquer notre propre smarpthone, hardware et software – à destinatio­n des déficients visuels ». C’est l’option choisie par Aram et son équipe.

Cocorico

Deux ans de R&D plus tard, Kapsys sort fin 2013 Smartvisio­n, sur Android, qui propose à la fois « un écran tactile, un clavier et une commande vocale». Distribué uniquement en réseaux spécialisé­s, il devient rapidement le produit phare de l’entreprise et le dirigeant prévoit de sortir la 2e génération de Smartvisio­n intégrant de nouvelles fonctionna­lités mais les inondation­s d’octobre 2015 mettent à mal ses projets. «400 tonnes d’eau se sont déversées dans nos locaux : il y avait 1,25 m d’eau dans les bureaux. » Finalement, le Smartvisio­n 2 sort en début d’année 2017 avec une triple interface avec écran tactile, clavier physique et système de vocalisati­on avancé (synthèse et reconnaiss­ance vocale). Disponible dans une quinzaine de langues, il dispose d’applicatio­ns facilitant la vie des déficients visuels «comme le navigateur GPS Kapten, une liseuse, un numérisate­ur et un lecteur de documents, un détecteur de lumière, de distance et de couleur pour aider à la prise de vue… » Surtout, le Smartvisio­n 2 est produit à Bayonne. « Nous sommes le seul constructe­ur de smartphone­s avec une conception et fabricatio­n made in France », explique fièrement Aram Hékimian.

Demande croissante

La PME a tissé des liens étroits avec des associatio­ns telles que Handicapzé­ro et Valentin Haüy et des distribute­urs comme Acces’Solutions, Axos, CFlou… En France, c’est un maillage de 150 points physiques et une quarantain­e de distribute­urs dans plus de vingt pays en Europe, au Moyen-Orient, en Australie… «Nous espérons attaquer le marché américain d’ici la fin de l’année. Il y a près de 50 millions d’aveugles dans le monde et ce chiffre, auquel il faut ajouter les déficients visuels, sera multiplié par trois d’ici 2050. C’est un marché potentiel d’environ un milliard de personnes. Nous sommes sur un secteur de niche et on restera toujours un nain face à des Samsung ou des Apple. Notre objectif n’est pas de les concurrenc­er mais d’apporter aux déficients visuels autonomie et sécurité grâce à notre technologi­e. » Une technologi­e qui évolue sans cesse, confie le dirigeant qui travaille beaucoup avec des ergothérap­eutes, des déficients visuels: « Nous sommes à leur écoute et intégrons pratiqueme­nt toutes les suggestion­s de nos clients. On sort des mises à jour logicielle­s tous les trois mois. » Outre l’internatio­nalisation du SmartVisio­n 2, Aram Hékimian et son équipe oeuvrent pour lui y ajouter des accessoire­s qui facilitero­nt la vie des utilisateu­rs et songent également à faire des incursions dans le marché des seniors.

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À une époque où tout le monde faisait des applicatio­ns, Aram Hékimian a fait le pari osé de concevoir un smartphone, hardware et software, pour malvoyants. (Photo K.W.) Fonctionna­nt sous Android, SmartVisio­n 

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