Nice-Matin (Cannes)

Faben, l’accroche-coeur

Faben, le street-artiste niçois qui signe d’un bonhomme avec une tête de coeur, expose des dessins et un tank (et un éléphant rose et…), jusqu’au 15 novembre dans la plaine du Var. Visites sur rendez-vous

- LAURE BRUYAS lbruyas@nicematin.fr

Pour l’expo de Faben, prenez la première à droite après le tank. Impossible de rater ces 5 tonnes d’acier arc-en-ciel, arme de séduction massive aux canons désarmés. Passez le portail. Entreprise Bermont et fils. Garezvous à côté de l’éléphant rose et bleu et vert et violet. Voilà, c’est là, le dernier repaire des gangsters de l’amour, Mister graffeur et Mister Lover se font un squat dans une boîte de recyclage. Anti-galerie pour love accrochage. Faben, le street-artiste niçois qui signe d’un bonhomme avec une tête de coeur, présente On n’est rien sans les autres. Une expo, soixante-huit oeuvres, des inédits, quatre ans de taf, de graffes et un message : « Que l’amour vous submerge ! » Pas une punchline, un mantra, un combat pour l’amour, love fight.

Une dépression a tout fait basculer

Tout a commencé par des tags. C’était bien avant les hashtags et les Facebook live. C’était il y a quinze ans. Peut-être plus. Ou moins. Faben n’était alors que Benjamin, gamin rebelle, adolescent pirate. Il a fait le mur et les murs. Après ceux de sa chambre revisités avec des bombes chourées dans la carrosseri­e paternelle, il a pris la rue, posé son blase dans ses coins, ses cours, ses terrains vagues. Signer. Laisser une trace. Des ego trips by night, bad boy du paraphe, bombe sous le bombers, courses poursuite avec des maîtres-chiens émaillés, parfois, de petits matins gueule de bois en garde à vue. Il y a six ans, une dépression a tout fait basculer. Au fond, tout au fond de ses démons, là où tout est sec et noir, là où tout s’éteint. Sur le fil, est né un étrange petit homme coloré, tête de coeur et bras ouverts en grand. Mister tagueur a accouché de Mister Lover, sorte de double positif et salvateur, virus de l’amour, qu’il a peint, collé, viralisé sur les murs du monde entier, des US à l’Asie en passant par la très rigide Assemblée nationale. Après les murs du soi, les murs du sens. Faben a délaissé la nuit en catimini et les ambiances de cambrioleu­rs de l’aube pour un combat artistique au grand jour. Aujourd’hui, ses bombes ne lui servent plus qu’à sa bataille peace and love.

Des calligraph­ies inédites et un salon

À 33 ans, il s’offre sa première expo en (très) grand. Pas dans une galerie convention­nelle. Les cases, trop étroites, c’est pas son truc. Il accroche dans un hangar, celui d’Yves Bermont, chef d’entreprise et amateur d’art et de folies. Ça commence par une série de dessins originaux et jamais exposés au public. Puis, une poubelle avec un écriteau : « Jetez vos sentiments négatifs et autres produits de consommati­on » et trois ordinateur­s mangeurs d’hommes. Viennent ensuite des toiles qui sont autant de messages : On est milliardai­res… en amour ou Fight for love. Et, à un tournant de l’entrepôt, on bascule dans la démesure. Ici, une roue énorme, pesante, qui figure la routine. Là, un salon avec des fauteuils à mémé tagués, des canevas passés à la bombe ou une télé poubelle, écran noir qui dégouline : « Nothing to watch on your TV ». Faben se lâche, s’amuse, titille les philistins et ceux qui moquent les bons sentiments autant que les voyeurs de Kardashian. Il détourne les objets du quotidien, dézingue la société de consommati­on à outrance et balance les raccourcis de la bien pensance. En sortant, on tombe sur l’éléphant qui veut juste vivre sa vie, « Let me live my life » ,revendique le pachyderme au derme coloré par Faben et Kosh, complice et artiste niçois. Le placide animal tourne le dos au char qui n’a plus que des assauts d’amour depuis que « l’heartist army » l’a (re) barbouillé à sa sauce. L’amour, ça dégoupille même le pire…

Savoir +

Entreprise Bermont & fils : 880, boulevard du Mercantour à Nice. Visite sur rendez-vous (07.60.02.40.75.) jusqu’au 15 novembre.

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(Photo Franck Fernandes) Fauteuils à mémé tagués, canevas passés à la bombe et télé poublle : Faben dans son salon anti-consommati­on et anti bien-pensance.
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