Nice-Matin (Cannes)

La semaine de Roselyne Bachelot

Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité

- SIGNÉ ROSELYNE

Lundi

L’entretien accordé par Laurent Wauquiez hier au Journal du Dimanche l’eût-il été en des termes mesurés et programmat­iques, l’impact aurait été celui d’un crachat dans l’Océan Pacifique. Le – presque sûrement – futur président de Les Républicai­ns a choisi une violence verbale qui laisse les lecteurs pantois mais pas vraiment surpris. Que celui qui s’est posé au début de sa carrière comme un militant caritatif, allant épauler Soeur Emmanuelle au service des pauvres du Caire, recueillan­t toute chaude la succession du démocrate chrétien Jacques Barrot, s’en aille chasser aujourd’hui sur les terres lexicales de la droite maurrassie­nne, ma foi, celui-là ne serait pas le premier à abjurer les idées et les amitiés qui lui ont permis d’exister. Ne nous plaçons donc pas sur le terrain de la morale, ni même de la bienséance tant les propos sont extravagan­ts. Parler à propos d’un homme, que très probableme­nt Wauquiez n’a jamais rencontré, de désert de l’âme, d’absence d’amour charnel de la France, l’accuser d’être coupé du monde des hommes et de n’avoir pour projet que lui-même, pourrait, l’indignatio­n passée, prêter à sourire quand on se souvient que Wauquiez avait qualifié de cancer de l’assistanat les politiques qui permettent aux Français molestés par le chômage et la relégation de tout juste garder la tête hors de l’eau. La morale ayant donc été laissée à ceux qui en font profession, plaçons-nous sur le registre de l’efficacité politique. Il n’est pas douteux que l’attaque personnell­e et l’outrance idéologiqu­e sont les seuls angles possibles à l’heure actuelle pour Les Républicai­ns. Ils ont deux adversaire­s, la séduction d’un président qui mène clairement une politique de droite et la fascinatio­n d’un populisme identitair­e incarné encore par le Front national. Coincés dans une équation impossible, certains s’en sortent par le haut, Laurent Wauquiez a choisi de le faire par le bas. Certes, ce n’est pas glorieux, mais le pire est que cela devrait marcher à tout le moins pour le porter sans coup férir à la présidence de son parti. Pour le reste,  est encore loin !

Mardi

Mes amis, ce n’est pas avec cette réforme de l’Université en peau de lapin que l’on va mettre fin à l’effroyable gâchis que constitue l’entrée libre dans les filières où s’entassent tous ceux qui n’ont rien à faire sur les bancs de nos facultés. Certains bons apôtres – pour des raisons idéologiqu­es – prennent nos enfants pour des gogos en refusant la sélection à l’université et en assurant avec un cynisme incroyable qu’avec un taux de réussite au bac de  %, chacun de nos enfants est promis à la réussite universita­ire et aux diplômes ronflants qui les protégeron­t

du chômage. S’ils échouent, ce serait uniquement une question de moyens, jamais de l’inadéquati­on des parcours et des capacités pour les formations rêvées. Arrêtons de raconter des carabistou­illes : la sélection existe et durement sur tous les parcours « haut de gamme ». Rayon « au dessous », style IUT, la sélection se fait plus soft, résultat, on monte à  % d’échec à la fin de la première année… La catastroph­e est pour tous les autres :  % de jeunes sont éliminés et ceux qui ont vocation à suivre ces filières travaillen­t dans des conditions éprouvante­s. Il faut que ça s’arrête ! Oui, trois fois oui à la sélection. La sélection n’est pas une procédure élitiste, elle est bien au contraire la volonté d’orienter au mieux un jeune vers un chemin de réussite, la non-sélection est au contraire la certitude d’envoyer valdinguer une bonne partie de nos jeunes dans le ravin de l’échec et de la révolte. Les mesures du plan présenté par le gouverneme­nt ne sont pas inintéress­antes et sont bonnes à prendre. Mais elles semblent surtout menées par la volonté d’éviter l’embrasemen­t de la jeunesse et obéir à la formule fameuse qui fait florès au Ministère de l’Education nationale : les lycéens, c’est comme le dentifrice, quand ils sont sortis du tube, c’est impossible de les faire rentrer… Toutefois, il en est un qui doit également regretter que la réforme ne soit pas plus musclée car il espérait bien se refaire la cerise en mettant nos gamins dans la rue, c’est JeanLuc Mélenchon. Caramba, encore raté.

Mercredi

Il doit y avoir du désespoir dans la haute administra­tion française. Pensez-donc, tous ces officiers, préfets, directeurs d’administra­tions centrales, magistrats qui se voyaient remettre la Légion d’honneur de façon systématiq­ue quand ils arrivaient à un certain niveau d’ancienneté, de la même façon qu’on apporte des fleurs à une maîtresse de maison même si sa tambouille est quelconque. Et voilà qu’Emmanuel Macron veut diviser par dix le nombre de récipienda­ires qui seraient choisis uniquement « au mérite » ! Fatalitas… Plus sérieuseme­nt, il faut convenir que les clichés en ce domaine ont la vie dure. Non, la Légion d’honneur n’a pas été créée pour récompense­r uniquement des faits militaires et non, on ne la remet pas à n’importe qui, chaque dossier faisant l’objet d’une analyse serrée de la part de la Grande Chanceller­ie. La phrase d’André Maurois qui assurait que les décoration­s, comme les obus, tombent toujours au hasard relève donc du bon mot. Les attributio­ns « people », même s’il est tout à fait légitime de récompense­r un artiste ou un sportif, sont en fait marginales. Me revient en mémoire toutes ces personnes magnifique­s que j’ai ainsi distinguée­s et qui m’ont avoué à la fin de la cérémonie que ce jour était le plus beau de leur vie et qu’elles auraient rêvé que leurs parents les voient avec cette croix si belle, telle une goutte de sang au revers d’un modeste costume qui s’en trouvait ainsi magnifié. J’espère que cette cohorte des simples gens ne sera pas

celle qui paiera les frais d’un rationneme­nt offert en pâture aux démagogues frustrés.

Vendredi

Je ne vais pas vous raconter d’histoires et au risque de paraître incorrecte, le verdict du procès d’Abdelkader Merah me laisse un goût de cendre. Durant toutes ces semaines d’audience, nous avons vu une famille pathogène qui avait érigé la violence en mode de fonctionne­ment, une mère bornée dans ses mensonges, un accusé enfermé dans son monde de haine, incapable du moindre de mot de compassion pour les victimes, en totale solidarité avec les crimes abominable­s commis par son frère. En face d’eux, la dignité des victimes et de leurs familles était au-delà des mots et c’est à juste titre que, à maintes reprises, l’auditoire fut submergé par l’émotion. Pour moi, il ne fait pas de doute que Abdelkader Merah fut le complice actif des crimes de son frère mais que l’accusation ne put jamais en apporter la preuve. Le verdict est donc logique dans un état de droit en ce qu’il n’a pas retenu la complicité d’assassinat. La façon dont ce procès fut mené est à l’honneur de la grande démocratie qu’est la France, mère des arts, des armes et des lois, à l’honneur des juges de la Cour d’assises spéciale qui se refusèrent à se laisser tirer par la manche d’une opinion publique qui criait vengeance et des menaces dont ils étaient l’objet. Néanmoins, l’interpella­tion de Latifa Ibn Ziaten, mère du soldat français Imad qui fut assassiné par Mohammed Merah, dénonçant notre « naïveté » restera comme une blessure qui ne se refermera pas de sitôt. Au fronton des tribunaux, la justice est représenté­e les yeux bandés mais les nôtres sont pleins de larmes.

« Au fronton des tribunaux, la justice est représenté­e les yeux bandés mais les nôtres sont pleins de larmes. »

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