Nice-Matin (Cannes)

Le romancier Romain Gary et sa mère réfugiés à Nice en 

- NELLY NUSSBAUM

Je suis niçois parce que j’ai été élevé à Nice, que mes premières amitiés se sont formées à Nice, que les premières filles que j’ai aimées étaient à Nice, et que je me sens toujours bien près de la Méditerran­ée », se plaisait à dire Romain Gary. Seul romancier à avoir reçu deux fois le prix Goncourt sous deux noms différents, il a été façonné par deux mères : Mina Kacew, sa mère biologique et Nice, qui sera sa muse. Roman Kacew, alias Romain Gary ou encore Émile Ajar (1914-1980), arrive à Nice en 1928, avec sa mère, Mina Kacew, ex-actrice russe chassée de Moscou par la Révolution de 1917 (lire le récit en pages suivantes). Il a alors 14 ans et jamais il n’oubliera sa première vision niçoise qu’il raconte volontiers en se remémorant cette époque : « Un porteur à la gare avec sa longue blouse bleue. » Installée dans un deux-pièces rue Shakespear­e, au coeur de la ville, Mina enchaîne les métiers pour nourrir son fils. Elle travailler­a à l’hôtel Negresco, où elle s’occupe d’une petite boutique d’articles de luxe. En 1930, elle prend la gérance de l’hôtel Mermonts (7, boulevard FrançoisGr­osso) - l’immeuble, rebaptisé Les Pervenches, est aujourd’hui divisé en appartemen­ts.

 lettres reçues de sa mère disparue

Dans sa chambre, le jeune homme, qui au lycée Masséna est un élève médiocre, rédige ses premiers textes et se rêve en grand écrivain. Il aime flâner dans cette ville, « cet oasis au bord de la mer », comme il la nomme dans La vie devant soi (Goncourt 1975). Dans ce même ouvrage, il raconte aussi sa fascinatio­n pour le Carnaval de Nice : «Ce carnaval où des clowns dansent dans les rues et des confettis tombent du ciel et n’oublient personne. Et où des princes russes et anglais se battent avec des fleurs. » Romain et Mina avaient une relation fusionnell­e, même si le fils racontait qu’elle était «colérique, anxieuse et déterminée ». Mais cette déterminat­ion et les nombreuses lettres écrites par sa mère et envoyées au front ont soutenu Romain – il était aviateur – pendant les quatre ans de la guerre. Lorsqu’en 1944 il revient à

Nice, il apprend que sa mère est décédée depuis trois ans. « Elle avait écrit 250 lettres et demandé à une amie de me les expédier régulièrem­ent, va-t-il écrire. Elle savait que je ne pouvais tenir debout sans me sentir soutenu par elle et elle avait pris ses précaution­s. » Cet artifice empreint d’amour maternel et sa tendresse pour Nice sont relatés dans La promesse de l’Aube, son roman le plus autobiogra­phique. Romain Gary va s’installer à Paris après la guerre, mais ne va cesser de revenir sur la Côte d’Azur, notamment à Saint-Jean-Cap-Ferrat, avec sa seconde épouse, l’actrice Jean Seberg. Il se suicide le 2 décembre 1980 d’une balle dans la bouche. On retrouve une lettre qui ne donne pas réellement d’explicatio­n, sinon : « Je me suis enfin exprimé autrement. » Il va aussi, par ses livres et sa correspond­ance, laisser de nombreux témoignage­s de son rapport affectif avec Nice.

Sources : Romain Gary. Promenade à Nice, par Carine Marret, éditions Baie des Anges ; Destin : Romain Gary, article dans Le Journal des psychologu­es, décembre 1991.

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(© collection particuliè­re Pierre Assouline et © Romain Gary. Promenade à Nice) Romain Gary en . 5Avec sa mère sur la terrasse de la pension Mermonts. 3 Photo de classe au lycée Masséna vers . 1 Avecungrou­ped’amis sur une plage de Saint-Jean-Cap-Ferrat en . 5 3 1 6
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