Nice-Matin (Cannes)

Républicai­n en colère Eric Elbaz

Le militant LR du quartier République est un électron aussi libre que sa parole.

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Avec sa carrure de Goliath, cet enfant de David devrait jouir d’une certaine sérénité. Exposer ses idées, sans avoir besoin d’élever la voix. Mais Eric Elbaz n’est pas de cet acabit-là. Et les heures d’entraîneme­nt qu’il s’impose au Crossfit ne suffisent pas à calmer ses ardeurs militantes. Gros bras, mais aussi grosse gueule, l’insurgé de la République. Un homme en colère (souvent), qui se complaît à jouer les agitateurs du quartier. Un insoumis de la droite, qui veut rendre à la France ce que lui a donné sa seconde patrie. Le colosse au verbe agile (1,86 m pour 90 kg) est un dur à cuire «au service d’autrui», dit-il. Né à Beer-Sheva au Sud

‘‘ d’Israël, ce père de famille âgé de 46 ans n’entend pas prêcher dans le désert. Ni se prendre pour le messie local. Mais voilà trois ans que ce poil à gratter LR ne manque pas d’air. A coup de posts ravageurs sur Facebook, aussi reconnaiss­able qu’insaisissa­ble, le grand brun ténébreux. Lui nous éclaire d’abord sur son « exode » à l’envers. « Je ne suis pas du tout dans le Sionisme, et j’oeuvre en faveur d’un heureux melting -pot, confie ce fils de militaire, pour couper court à toute rumeur. Je garde l’empreinte de mes origines, mais je dois toute mon éducation à la République Française, et j’essaie d’établir un pont entre les deux ». Le pont sera d’abord un port. Marseille, pour laquelle ses parents ont largué les amarres lorsqu’il avait trois ans. Le carrefour provençal de toutes les cultures. Mais on est loin de la terre promise. «La première nuit, on a dormi dans la rue. Puis, on a trouvé refuge dans un petit appartemen­t dans un quartier mal famé, mais on y était bien… » Un enfant de la République qui n’affectionn­e pas ses bancs d’école. Mais le garçon se forge une première conscience politique aux jeunesses communiste­s (de 13 à 16 ans), avant de se rêver en Robin des cités. Au sein de SOS Drogue Internatio­nal dans un centre de désintoxic­ation pour mineurs, il mesure déjà l’écart entre les bonnes intentions administra­tives, et leur (mal) applicatio­n sans effet. « Les incohérenc­es des services sociaux alimentent la colère et créent des injustices ». À Lyon aussi, ce grand frère de quartiers étrenne son insatisfac­tion permanente. «J’ai vécu les émeutes de près : ce ne sont pas que des voyous qui cassent. Il y a aussi des gens qui vivent dans la misère et sont traités comme de la merde. Ça, c’est une réalité ». À Cannes, où il a suivi sa femme mutée, Eric Elbaz n’entend pas se déconnecte­r. Dans le quartier République où il a établi domicile, il préfère se poser en défenseur de la population, plutôt qu’être élu du peuple. Son collectif (aujourd’hui dissous) avait pour vocation de réveiller les bonnes volontés citoyennes, quitte à froisser les susceptibi­lités des représenta­nts municipaux, débordés par ce trublion venu de nulle part. Un danger ? « Dans une petite ville, quand un citoyen agit en électron libre, il est vu avec méfiance, comme un chien dans un jeu de quilles ». À la fois chef d’entreprise et employé d’une société informatiq­ue à Sophia, le chien enragé n’en démord pas. Dans un documentai­re parrainé par Azouz Begag, il a sillonné tous les quartiers de Cannes afin de donner la parole aux gens. Surtout les mécontents… «Ça me donne encore le mauvais rôle, mais il faut dire les choses qui dérangent. Le constructi­f n’émane que de la critique », justifie cet écorché vif. Adhérent LR depuis un meeting de David Lisnard, Eric supporte le maire. Comme la corde le pendu ? « Au-delà de l’homme, je me positionne sur le projet ». Mais il égratigne certaines actions locales. Et torpille le fonctionne­ment du parti au niveau départemen­tal. Ancien partisan de Bruno Le Maire à la Présidenti­elle avant de condamner son saut du train « en marche », Elbaz tape désormais sur Ciotti, Leroy, ou Wauquiez. Indigné, « le Républicai­n » ne craint même pas d’être répudié.

Il faut dire aussi les choses qui dérangent ”

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Textes : Alexandre CARINI acarini@nicematin.fr Photo : Gilles Traverso

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