Nice-Matin (Cannes)

« J’ai entendu des cris, le Raid était en

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Le bouquin traîne là, à l’arrière d’une Audi A8 grise. « L’enfer et ses supplices » indique la couverture rougeoyant­e. Ce livre. Ce titre... La voiture, immatricul­ée dans le Haut-Rhin, vitre arrière cassée pendant la perquisiti­on, stationne en face de l’immeuble où le Raid et la BRI sont intervenus à l’heure du laitier. L’Audi appartient à l’un des suspects. Vêtements, livres, sacs, elle est sens dessus dessous. Étonnammen­t, les hommes de l’antiterror­isme n’ont pas tout emporté. Le pamphlet, rédigé par un savant sunnite du XIVe siècle, décrit ce qui attend les mauvais croyants qui ne suivraient pas le chemin fixé par Allah. Quel enfer les hommes, interpellé­s dans l’immeuble situé juste en face, prévoyaien­t-ils de déclencher ? En tout cas, c’est un réveil mouvementé qui attendait cette vallée populaire du Careï, qui mène au coeur de Menton depuis l’A8. Marqué, Maurice, un riverain, raconte. «À 6 heures du matin, j’ai entendu un bruit dans les escaliers. J’ai vu les hommes du Raid intervenir au septième étage, au domicile d’un jeune homme qui vivait ici depuis pas mal de temps. Mais je ne le connaissai­s pas alors que je suis là depuis trois ans. Puis, à 7 h 20, en emmenant mon fils à l’école, j’ai vu les policiers cagoulés casser la vitre de sa voiture et tout déballer devant lui. C’était un jeune homme avec des cheveux longs et une barbe, mais quand je l’ai vu ce matin, il ne portait plus de barbe. C’était en quelque sorte un MonsieurTo­ut-le-Monde…»

« Ça fout les jetons » Partout, hier, nous n’avons croisé qu’incompréhe­nsion, consternat­ion, et beaucoup de frissons. «Vous êtes marrants vous les journalist­es à poser vos questions, ça fout les jetons cette histoire, vous vous rendez compte, des terroriste­s à côté de chez moi ?» L’octogénair­e ne traîne pas, et file se claquemure­r chez elle, pour échapper à d’autres micros qui, déjà, se rapprochen­t. Laurent, un autre riverain, a croisé les hommes du Raid vers 7 h 30, à l’heure de sortir ses chiens. « En descendant, j’ai aperçu, regroupés dans la cage d’escalier de l’immeuble à côté, une dizaine d’hommes du Raid et de la police judiciaire, équipés et lourdement armés. Ils venaient d’interpelle­r un jeune homme d’environ 2025 ans.» Laurent se souvient de lui. Il l’avait déjà croisé dans le quartier. Plutôt un solitaire. « Je ne lui avais jamais parlé, je ne soupçonnai­s pas qu’il faisait partie d’un réseau. Il était toujours avec une barbe assez caractéris­tique, cheveux longs. Il n’avait jamais fait parler de lui…» Un voisin, qui travaille dans le quartier, se souvient d’avoir vu l’un des interpellé­s en djellaba blanche, barbe longue. « J’en avais parlé à ma femme, la barbe avait soudaineme­nt poussé, c’était plus que suspect ce changement d’attitude. Je l’ai déjà vu fréquenter la salle de prières qui se trouve plus bas.» Quelques dizaines de mètres plus loin, résidence Jeanne-d’Arc, bâtiment « A », même réveil en fanfare. «J’ai entendu des cris, le Raid était en train de défoncer la porte du voisin », témoigne une adolescent­e. Elle est bouleversé­e. «Je les connais, je les croise. Ce sont des gens comme tout le monde,

... ils sont sympas.»

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Dans la voiture d’un suspect, après la perquisiti­on, un livre abandonné dans le capharnaüm.
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Maurice : «J’ai vu les policiers cagoulés. »
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Laurent : «Un solitaire».

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