Nice-Matin (Cannes)

Train de défoncer la porte du voisin »

- Grégory LECLERC Rachel DORDOR Grégoire BOSC-BIERNE

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Direction la salle de prières. Quatre cents mètres à pied, même trottoir. Numéro 113. Un rez-dechaussée anonyme, des volets fermés, une plaque «Associatio­n culturelle mentonnais­e.» Nous poussons la porte. « Bonjour, c’est la presse.» Le propriétai­re des lieux, Rachid el-Afghani, nous accueille avec le sourire. L’associatio­n est née le 26 octobre 2013. Son objet déclaré : « Proposer et gérer un lieu de culte décent et transparen­t pour des familles musulmanes de la région mentonnais­e, des actions sociales, sportives, éducatives et culturelle­s. » Dans le voisinage, les riverains évoquent un lieu sans problèmes. Plusieurs fois par jour, un imam guide la prière. Ils sont une trentaine à fréquenter régulièrem­ent les lieux. Une vingtaine y priaient hier soir. Sans succès, en mars 2014 et 2016, l’associatio­n a sollicité l’autorisati­on de transforme­r le logement en « établissem­ent recevant du public » (ERP). Alerté par des riverains, un agent assermenté de la Ville «avait constaté des travaux non autorisés», indique la mairie. Elle précise toutefois que, depuis cette date, «aucune activité n’a pu être constatée et aucune autre plainte des riverains n’a été reçue». Dattes fraîchemen­t arrivées de Tunisie, de l’eau, une chose est sûre, Rachid elAfghani soigne l’accueil des journalist­es que nous sommes. Et de ses visiteurs d’une manière générale, affirme-t-il. «Ici, nous sommes une communauté qui va vers le haut, pas vers ça», dit le propriétai­re, ponctuant son assertion d’un geste de la main, comme on chasserait une mauvaise image. L’émotion le dispute à l’incompréhe­nsion. «C’est quoi le projet de ces garçons, c’est quoi leur projet de vie», répète-t-il, atterré.

« Leurs parents ont tout fait pour les en sortir » Rachid el-Afghani connaît les deux frères de la résidence Jeanne-d’Arc depuis qu’ils sont bébés. Il se souvient qu’en 2015, ils étaient venus à la salle. «Pour moi, ils ne prenaient pas la bonne direction. Ils se cherchaien­t. J’ai essayé de les engager vers un islam modéré, je leur ai conseillé de trouver l’issue dans leur avenir profession­nel. Ils ont pris quelques cours d’arabe ici. Ils ne savent toujours pas l’écrire ! Assez vite, on ne les a plus vus. A l’évidence l’islam que nous pratiquons ici ne leur convenait pas. Leurs parents ont pourtant tout fait pour essayer de les en sortir.» D’après un membre de l’associatio­n, ils fréquentai­ent la salle de prières de Beausoleil. Il se souvient, en revanche, avoir vu l’un des deux frères, Sofiane, en compagnie de l’ancien légionnair­e de 65 ans arrêté hier. Un homme qui a brièvement fréquenté la salle et qu’ils ne voyaient plus depuis un an. Un converti. Qu’il ait été arrêté laisse tout le monde pantois. « Lui, le sportif, toujours à vélo ou à faire de l’aviron au club de Menton ? C’est incompréhe­nsible. Il disait avoir été pêcheur au Sénégal. Nous ne l’avons pas vu longtemps. Il n’a pas dû s’y retrouver non plus dans notre façon de voir l’islam. Il nous a même critiqués sur Facebook.» Un autre raconte qu’il supportait mal l’injustice et que cela pouvait générer en lui «pas mal de frustratio­n». Quel enfer, sur lequel ils se documentai­ent, ces hommes préparaien­t-ils ? A la salle de prières, on préfère plaindre leurs familles : «Ils ont pensé à leurs enfants, à leurs parents ? L’enfer, c’est pour eux maintenant.»

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(Photo G. B.-B.) La salle de prières hier soir.
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Un des immeubles où ont eu lieu les interpella­tions.
 ??  ?? La résidence Jeanned’Arc.
La résidence Jeanned’Arc.

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