Nice-Matin (Cannes)

Le masculin continuera-t-il à l’emporter sur le féminin? Sur la Côte

Un appel d’enseignant­es et d’enseignant­s vient d’être lancé, pour que ne plus respectée la règle, selon laquelle le masculin l’emporte sur le féminin dans la grammaire française

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Le masculin ne l’emportera pas sur le féminin». C’est le titre d’une pétition lancée hier en même temps que la publicatio­n d’un manifeste qui a déjà recueilli quelque 300 signatures d’enseignant­es et d’enseignant­s, mais aussi de personnali­tés et d’élu(e)s. Un texte relayé dans les AlpesMarit­imes. Lancé par Eliane Viennot, professeur­e de littératur­e de la Renaissanc­e à l’Université de Saint-Étienne (1), son objectif est d’obtenir que la règle de la prédominan­ce du masculin sur le féminin soit remplacée par celle de la proximité, du nombre ou du libre choix (voir l’infographi­e). Ce que préconise le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes depuis 2015 (2). Les hommes et les femmes sont égaux. Mais alors pourquoi les hommes et les femmes ne pourraient-elles pas être égales, se demandent en effet de plus en plus de femmes. Parce que la grammaire française l’interdit, leur répond-on.

Vous êtes une élue (), pourquoi avoir signé ?

J’ai toujours agi pour l’égalité des droits des hommes et des femmes. J’ai notamment créé l’associatio­n Les Mariannes lorsque la loi sur la parité a été votée. Au nom de quoi le masculin l’emporterai­t-il sur le féminin ? Il faut que cette formule disparaiss­e. C’est bien plus qu’une question de grammaire, car cela formate les esprits depuis le plus jeunes âge. Les femmes sont toujours les deuxièmes partout derrière les hommes, du numéro de sécurité sociale jusque dans la grammaire.

Et comme ex-enseignant­e ?

J’ai enseigné le français au collège et au lycée. Il y a longtemps que je me suis dit que la règle de la proximité pouvait être la solution. C’est ce que j’expliquais à mes élèves même si je ne pouvais pas leur dire de l’appliquer en Cela n’a pas toujours été le cas, objecte le manifeste. Car dans la grammaire française, le masculin ne l’emporte sur le féminin que depuis le XVIIe siècle. Auparavant, on avait le choix et on appliquait souvent la règle de proximité. Pourquoi les choses ontelles changé au XVIIe siècle? classe. J’ai toujours dénoncé cette injustice, ce qui était une belle occasion de discussion­s sur l’égalité des droits. Je leur ai promis qu’un jour ça changerait ! Dans mes écrits, j’applique l’accord avec le mot le plus proche de l’adjectif. Et je pratique l’écriture inclusive depuis des années. « Pour des raisons politiques », accuse le manifeste. « Parce que le mâle est supérieur à la femelle », n’hésitait pas à affirmer Beauzée dans sa Grammaire générale de 1767. Une affirmatio­n erronée et à l’opposé des valeurs de la République, souligne le manifeste. Le langage induit des représenta­tions mentales, protestent ses auteures. Par exemple, quand on dit «Les ouvriers manifesten­t », on s’imagine des hommes, ce qui n’est pas le cas quand on le met au féminin, ou quand on dit «Les ouvrières et ouvriers manifesten­t ». Pourquoi le mot entraîneus­e n’a-t-il pas du tout le même Un précédent : Cette action n'est pas une première. Déjà le 6 mars 2012, pour la Journée de la femme, une pétition "Que les hommes et les femmes soient belles !" avait été lancée à l'initiative de " L'égalité, c'est pas sorcier ! ", de " La Ligue de l'enseigneme­nt "et de l'associatio­n " Le Monde selon les femmes " . Mais elle n'avait recueilli que 6153 signatures sur petitions2­4.net sens que son homologue masculin (entraîneur), comme l’a rappelé Michaël Youn dans un clip de Fatal Bazzoka qui a fait un tabac sur Internet ? Pourquoi n’y at-il pas de féminin au mot vainqueur, ni pour beaucoup de noms de profession­s? Le manifeste arrive en pleine campagne contre les violences faites aux femmes à la suite de l’affaire Weinstein, et alors que la polémique sur le manuel scolaire utilisant l’écriture inclusive édité par Hatier à la dernière rentrée n’est toujours pas retombée. Derrière tout cela, demeure la question de l’égalité des sexes et de la place des femmes dans la société française. L. Q. Vous n’avez pas signé. Pourquoi ? Je suis professeur agrégé (retraitée à Nice), traductric­e, blogueuse et j’ai écrit huit livres. Je trouve que c’est une source de confusion. Les enseignant­s ont déjà énormément de mal à faire comprendre une règle qui est pourtant simple. C’est une source supplément­aire de complicati­on, voire de dysorthogr­aphie, qui obligera sans arrêt à se poser des questions, alors qu’il suffit souvent de dire «ceux et celles», ou d’inverser les termes. Ensuite, le genre n’est pas le sexe. Pourquoi dit-on une table, pourquoi un tabouret? Enfin, ce n’est pas forcément rendre service aux femmes. Je suis la première à défendre nos droits, mais je ne pense pas qu’on puisse imposer le respect de cette façon. Non seulement on ne résoudra pas le problème, mais on en posera beaucoup L’auteure Laurence Dionigi est le relais du texte dans les Alpes-Maritimes. Pourquoi ? « En juin, mon fils de  ans avait des exercices de grammaire à faire. Il ne comprenait pas pourquoi un seul masculin l’emportait sur plusieurs féminins. Ça a réveillé ma colère. Coïncidenc­e? Quelques jours après, Eliane Viennot m’a proposé de participer au lancement du manifeste. J’étais tombée sur son livre à l’été  à la Fête du château de Nice. J’avais échangé avec elle sur Facebook et j’étais allée la rencontrer à Paris. Il y a encore beaucoup de sexisme en France. En étant inégalitai­re, la langue y contribue ». Pourra-t-on rencontrer Eliane Viennot ? « A ma demande, elle donnera deux conférence­s le  février prochain : à la bibliothèq­ue Nucera à  h, puis à Skema à Sophia Antipolis à  h  avec Femmes ». d’autres. Les enseignant­s dénoncent les inégalités et éduquent à la parité. Mais il y a mille autres manières de le faire. Nous avons la chance d’avoir une langue vivante, qui s’enrichit de termes du quotidien et une Académie qui les valide, tout en empêchant des dérives qui existent dans d’autres langues. Nous verrons si la langue évolue dans ce sens . Si l’Académie le cautionne, je l’appliquera­i.

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(Photo E. Ottino) Pourquoi hommes et femmes ne pourraient-elles pas être égales ? « Il y aura des résistance­s mais j’ai bon espoir ».(DR) Lire et signer :
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« Une source de confusion ». (DR)

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