Un poilu identifié cent ans après grâce à l’ADN
Pour la famille Allard de Cannes, le grand-père Fournier avait à jamais disparu à Verdun l’été 1916. Un siècle plus tard, grâce à l’ADN, la gendarmerie a mis un visage sur ce héros de la Grande guerre
En 2015, à la faveur des travaux de restructuration du mémorial de Verdun, des ossements sont exhumés de la glaise. Les ouvriers fouillent un peu et découvrent une plaque: «Claude Fournier, 1900, Mâcon». C’est le début d’une formidable enquête, bouleversante, émouvante pour la famille Allard de Cannes. Certes, le sergent Claude Fournier, tombé au champ d’honneur le 4 août 2016 n’a pas la célébrité de son homonyme, Alain Fournier, l’auteur du Grand Meaulne, dont la dépouille avait été découverte dans un bois meusien en 1991. Mais à l’instar de l’écrivain, le jardinier Claude Fournier, mobilisé à Mâcon, est resté des décennies porté disparu. « Ma mère, Jeanne, fille unique, avait quatre ans quand son père est mort à la guerre. Elle n’en avait aucun souvenir », explique Robert Allard, oenologue cannois à la retraite. Élevé au rang de mythe familial, Claude Fournier sergent du 134e RIT, né le 27 décembre 1880 à Colombier-en-Brionnais, commune de Saône-et-Loire de 300 habitants, demeurait une figure nimbée de mystères. «Je n’ai plus qu’une photo, un groupe de soldats. Les autres ont été perdues avec son livret militaire dans les inondations d’octobre 2015 », regrette Robert Allard. Cette semaine, le chef d’escadron Jean-Paul De Azevedo, commandant de la compagnie de Cannes, a remis officiellement à la famille Allard le portrait du glorieux aïeul. Le résultat d’une enquête hors du commun et d’un travail de haute technicité de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) à partir des prélèvements ADN. Pour la première fois, les empreintes génétiques ont été appelées à la rescousse pour identifier un soldat tombé lors de la Guerre 1418. « Pas n’importe quel soldat, précise le commandant De Azevedo. Il avait fait la démonstration de sa bravoure puisqu’il était décoré de la Croix de Guerre et de la Médaille militaire. » Robert Allard, très ému, raconte comment le grandpère Fournier est réapparu: « Un beau matin, je reçois un appel de M. Malatier, le maire de Colombier-enBrionnais, le bourg natal de mon grand-père. Il m’annonce que l’on a retrouvé trois corps. Par élimination, il pense que le plus âgé est celui de mon grand-père. » La taille d’1,66 mètre correspond exactement à la taille indiquée dans le livre d’incorporation et il y a cette fameuse plaque. Il m’a alors demandé si je pouvais me soumettre à un test ADN pour en être sûr. Ce que j’ai évidemment accepté. » La comparaison génétique avec l’ADN de Robert Allard mais également avec celui d’une cousine de Saône-et-Loire confirme, sans le moindre doute, l’intuition du Dr Frémont, le médecin légiste de Verdun. Dans le même temps, JeanPaul Malatier, le maire, se passionne pour cette histoire de poilu retrouvé par hasard et recherche les états de services du sousofficier. Le parcours du sergent Fournier, 35 ans, tué au feu le 4 août 1916 à Fleury-devant-Douaumont, et dont le nom est gravé sur le monument aux Morts, resurgit. Saint-Mihiel, bataille de la Woëvre, bataille de Champagne, Commercy, citation en 1916. Verdun, à partir de juillet 1916 et Fleury où il succombe comme 362 000 autres combattants. Dans le même temps, l’adjudant Franck Nolot, du département anthropologie hématomorphologie travaille sur le crâne du défunt. Soixante-dix points de mesure permettent une reconstitution du visage. Le capitaine Amaury Pussiau du service central d’analyse génétique de la gendarmerie, réalise, lui, le portrait-robot génétique en comparant les ADN du soldat et de son petit-fils. Claude Fournier de type européen, inhumé pendant presque un siècle, apparaît en pleine lumière, les yeux bleus et les cheveux blonds. Le 21 février 2018, pour la commémoration de la bataille de Verdun, le sergent Claude Fournier reposera dans une sépulture à la mesure de son histoire. Ses compagnons d’infortune non identifiés ont rejoint la nécropole de Douaumont. La famille Allard est conviée à la cérémonie. Robert Allard n’a qu’un regret : que sa mère, Jeanne, malgré sa longévité (elle est décédée à 101 ans en 2011), n’ait pu connaître l’heureux épilogue de cette douloureuse histoire familiale.