Greffe de peau d’un enfant : possible à Nice ? À la une
La greffe de peau du petit Hassan pourrait-elle être réalisée à Nice, centre expert épidermolyse bulleuse? Oui, si sont levés les obstacles réglementaires et financiers
Un enfant âgé de 8 ans atteint d’une épidermolyse bulleuse « sauvé » par une greffe de peau génétiquement modifiée sur 80 % du corps. La nouvelle a fait le tour de la planète cette semaine, présentée à juste titre comme une prouesse médicale et technologique. Mais cette intervention, réalisée en Allemagne, a d’abord été rendue possible grâce à la découverte des gènes en cause dans la maladie rare de la peau dont souffre le petit Hassan. Une découverte que l’on doit à une équipe de dermatologues et chercheurs niçois, dirigée par le Pr Jean-Paul Ortonne et Guerrino Meneguzzi. « Dès que nous avons identifié les gènes de la laminine 332 (protéine mutée, responsable des problèmes de jonction entre le derme et l’épiderme, chez les malades, Ndlr), il y a 25 ans, nous avons envisagé à Nice la possibilité d’une thérapie génique. Et c’est cette idée qui a guidé la création de notre UTCG (unité de thérapie cellulaire et génique) du CHU de Nice », relate le Pr Jean-Philippe Lacour, responsable depuis sa création, en 2007, du Centre de Référence Maladies Rares consacré aux épidermolyses bulleuses (aujourd’hui dirigé par le Dr Christine Chiaverini). Experts de cette maladie rare – ils ont traité des dizaines de patients, enfants et adultes – les dermatologues niçois et leurs équipes sont en réalité depuis des années dans les starting-blocks pour démarrer des essais d’auto-greffe à partir de cellules souches génétiquement modifiées, semblables à celle dont a bénéficié Hassan.
« Nous sommes prêts »
«Même si c’est techniquement difficile, nous sommes prêts. Mais il persiste des obstacles réglementaires et financiers.» Si les équipes niçoises maîtrisent parfaitement le prélèvement de cellules souches chez les patients, la réglementation française s’oppose en effet à l’utilisation de fibroblastes de souris comme support pour la fabrication de feuillets épidermiques (comme cela a été le cas pour le petit Hassan). « Le second frein réside dans le «vecteur» utilisé pour apporter le gène «sain» dans les cellules malades. Celui utilisé en Allemagne est le plus performant, mais il n’est plus possible de l’utiliser en France. » Ilyadix ans en effet, des «bébés bulles» qui avaient bénéficié d’une thérapie génique avec ce type de vecteur, avaient développé des leucémies. «Dans le cas de l’épidermolyse bulleuse, les risques sont bien moindres, puisque c’est la peau qui est traitée », note le Pr Lacour. Le succès de la greffe dont a bénéficié le petit Hassan conduira-t-il les autorités à assouplir la réglementation ? Il est trop tôt pour le savoir. Mais, si c’est le cas, Nice pourrait rapidement emboîter le pas de l’Allemagne et essayer d’inclure des patients dans des essais cliniques… À condition qu’elle parvienne à lever le dernier obstacle: l’argent. «Notre UTCG devrait d’abord passer par d’importants aménagements pour remplir tous les critères de sécurité, à la fois pour le personnel et les patients traités. » Plus de 400000 euros seraient nécessaires. Une somme certes importante, dans une période de restriction budgétaire. Mais à la clé, sinon la survie, au moins une amélioration de la qualité de vie pour des centaines de malades en France dont le quotidien n’est que plaies à panser.