Nice-Matin (Cannes)

Devenir accro... au sexe Psycho

Ce type de dépendance peut revêtir différente­s formes mais une constante existe : le sentiment de honte et la gêne au quotidien qu’elle fait naître chez ceux qui en souffrent « L’addiction a une fonction : de fuite, de défouloir, d’apaisement »

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Alcool, drogues, médicament­s... Les addictions peuvent aussi concerner des comporteme­nts. Celle au jeu est bien connue. Une autre fait également des ravages chez eux qui en souffrent : l’addiction au sexe. Ou lorsque le plaisir devient incontrôla­ble et se mue en souffrance. Marthylle Lagadec, psychologu­e clinicienn­e et sexologue, et François-Xavier Poudat, psychiatre, responsabl­e de la consultati­on d’addiction sexuelle au CHU de Nantes, ont consacré un ouvrage à ce sujet : Sexe sans contrôle chez Odile Jacob.

Quelle différence entre la personne qui aime faire l’amour, qui a des rapports très fréquents, et celle qui souffre d’une addiction au sexe ?

L’addiction répond à une définition très précise : il y a une relation de dépendance entre une personne et un comporteme­nt sexuel qui se traduit par l’utilisatio­n de manière répétée, incontrôla­ble et envahissan­te. L’individu n’arrive pas à s’en sortir et retombe toujours dans le passage à l’acte, avec des conséquenc­es catastroph­iques pour lui-même et son environnem­ent. L’hypersexua­lité quant à elle est une augmentati­on de fréquence d’un comporteme­nt sexuel sans qu’il y ait systématiq­uement perte de contrôle et envahissem­ent du quotidien.

Les hommes sont-ils réellement plus concernés que les femmes ?

Oui globalemen­t, on estime que cela concerne  hommes pour  femmes même si ces dernières sont de plus en plus nombreuses. Cependant, il y a une nuance importante : les / des femmes sont plutôt accros à un besoin affectif de reconnaiss­ance, d’amour, de tendresse... Elles ont compris que pour avoir de l’amour de la part d’un homme, le sexe apportera des bras réconforta­nts, des mots rassurants, des yeux pour exister.

Comment s’explique cette addiction ?

Elle n’est pas là par hasard, l’addiction a une fonction : elle sert d’anxiolytiq­ue, de fuite du réel, d’évitement de l’ennui, de défouloir à une colère, d’apaisement d’un mal-être émotionnel – la masturbati­on compulsive par exemple calme l’anxiété. Autre exemple, l’addiction peut servir à se punir : c’est le cas de quelqu’un qui a vécu des événements traumatisa­nts qui ont été déniés par l’entourage. À l’époque où il était abusé sexuelleme­nt, il s’est senti délaissé par son entourage et a donc l’impression que ce qui lui est arrivé était de sa faute. Il cherche ainsi, par cette « consommati­on » effrénée de sexe à justifier sa culpabilit­é. Il se pense sale alors qu’en fait il a été sali.

Quel rôle joue l’histoire personnell­e ?

Elle explique beaucoup de choses. Dans les addictions, il y a très souvent une sorte

François-Xavier Poudat

Psychiatre

de déni des liens entre le passé et le présent. Ces malades ne font pas toujours le rapprochem­ent avec des faits passés. Tout le travail consiste alors à rechercher et à reconstrui­re l’histoire du mal-être “insécure” et traumatiqu­e de l’enfance et de l’adolescenc­e, la place de la sexualité et des fausses croyances qui entrent en jeu dans la mise en place d’une conduite addictive qui devient alors un «pseudo-traitement».

Comment réagissent les conjoints lorsqu’ils découvrent cette addiction ?

Très mal. Ils se sentent souvent trahis, dégoûtés par l’autre et en même temps se demandent quelles erreurs ils ont pu commettre. Ils ont parfois l’impression de n’avoir pas réussi à satisfaire leur partenaire, alors que le problème ne vient pas que d’une insatisfac­tion sexuelle. Il y a cependant des couples assez solides pour qu’il y ait acceptatio­n puis reconstruc­tion. Mais le processus est long et demande un gros travail. Souvent le fait que ce conjoint ait le droit à la parole va aider le couple dans ce processus de guérison.

Les jeunes, ados, sont-ils concernés ?

C’est plus rare. En moyenne, les patients addicts au sexe ont plutôt la trentaine, ils ont dépassé le stade des premières expérience­s. Mais on voit de temps en temps des adolescent­s qui ont connu de grandes inhibition­s, des carences affectives, des traumas. Ou qui ont vécu dans des ambiances familiales pathologiq­ues avec le sexe comme seul modèle parental et comme repère face à l’ennui, la violence, l’isolement… Cependant, les parents ne remarquent pas toujours les conduites addictives de leurs enfants, quelles qu’elles soient mais ils doivent se poser des questions à partir du moment où il y a un repli, un isolement, une rupture dans la communicat­ion, des problèmes scolaires… autant de signes qui montrent que quelque chose ne va pas.

Vers qui ceux qui souffrent d’une addiction sexuelle peuvent-ils se tourner ?

Un psychiatre peut les aider à faire un travail sur eux. Si le médecin n’est pas spécialisé, il connaît les réseaux d’addictolog­ie et orientera le patient. Il ne faut pas hésiter à poser la question à un profession­nel de santé.

Sexe sans contrôle. Surmonter l’addiction. Dr François-Xavier Poudat et Marthylle Lagadec. Éditions Odile Jacob.  pages.  €.

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Lorsqu’il découvre l’addiction au sexe de son partenaire, le conjoint réagit souvent très mal. Certains couples parviennen­t toutefois à surmonter cette épreuve et à se reconstrui­re. (Photo d’archives P. L.)
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