Pour que la Méditerranée ne devienne pas une poubelle
Sur les plages, en mer, bénévoles et chercheurs veillent au respect de l’environnement. Toute l’année. Avec le temps des touristes, ils sont plus particulièrement en alerte Crèmes solaires : attention pollution
Plus de 600 000 touristes sont présents en août en moyenne par jour dans les Alpes-Maritimes. Quelque 150 000 bateaux croisent en mer entre Toulon et Nice. Baigneurs, plaisanciers, plongeurs et pêcheurs se concentrent sur un espace restreint. La mer et les plages saturent. Les poubelles débordent... Bref, la fréquentation touristique menace des écosystèmes fragiles.
Quelles solutions ?
Promouvoir auprès des Azuréens et des touristes les bonnes pratiques pour préserver l’environnement marin. C’est l’objectif de la campagne « Eco-gestes Méditerranée ». Depuis quinze ans, une vingtaine d’associations sont sur le pont chaque été, le long du littoral de la région Paca. « L’action est la seule réponse possible, des résultats sont déjà tangibles, insistent les défenseurs de la Grande Bleue. Les espaces marins qui bénéficient d’une bonne gestion voient des espèces disparues de ces zones faire leur retour. » Ateliers, sorties ludiques et pédagogiques... Des initiatives sont menées sur les plages et en mer. Quand la rade de Villefranche, la baie des Fourmis (Beaulieu) ou les îles de Lérins se retrouvent envahies de bateaux, jusqu’à en boucher la ligne d’horizon, ils se relaient pour sensibiliser les plaisanciers. Les ambassadeurs de Méditerranée, bénévoles de SOS Grand Bleu, le centre permanent d’initiatives pour l’environnement du pays de Lérins ou le centre de découverte du monde marin, naviguent entre les horsbord, les yachts, les voiliers. Ils rappellent les gestes respectueux de la biodiversité. Comme ce matin d’été au large de Juan-les-Pins. «On alerte les plaisanciers sur les zones d’ancrage pour qu’ils jettent l’ancre dans des fonds sableux plutôt que dans les herbiers de posidonie, » explique Cyrine Ayeb, du Centre de découverte du monde marin. Car la posidonie abrite une faune et une flore très variées. Protégée depuis 1988, elle nourrit de nombreuses espèces. Bref, c’est un pilier de la biodiversité méditerranéenne qu’il ne faut pas fragiliser. Roger et Michel l’ont bien compris. Ces plaisanciers y Les défenseurs de l’environnement mettent aussi en garde les baigneurs sur les crèmes solaires. « Il faut regarder les composants : les filtres chimiques permettent de bien étaler la crème, mais ils sont nocifs, ils tuent les cellules de photosynthèse des coraux, abîment les herbiers de posidonies. Ils sont consommés par le plancton. On voit d’ailleurs cette pellicule grasse à la surface de l’eau. » Elle recommande de choisir des filtres minéraux. «La crème reste peut-être plus blanche sur la peau, mais on trouve maintenant des laits ou des sprays qui permet à la crème de mieux s’étaler, et ces filtres sont moins mauvais pour l’environnement. » sont très attentifs. « C’est une question de principe et de respect », confient-ils. « On discute, on rappelle les fondamentaux, ce n’est pas du tout moralisateur. On leur donne des petites astuces, on leur recommande par exemple de laver les bateaux avec des produits écologiques », poursuit l’ambassadrice. Lors de ces missions de sensibilisation, ces vigies de l’environnement sont plutôt bien accueillies. « 90% des plaisanciers s’engagent à adopter un comportement responsable. » Ils peuvent ainsi hisser le fanion « Ecogestes ». Plus de 4 000 plaisanciers sont ainsi abordés l’été, le long du littoral azuréen et varois. À bord du Santo Sospir, ce majestueux gréement, SOS Grand Bleu propose des journées à la rencontre des dauphins et des baleines. « Ce bateau école nous permet d’organiser des sorties vers le sanctuaire Pélagos, un grand triangle de Toulon au nord ouest de la Sardaigne qu’on essaie de protéger », note Muriel. D’avril à octobre, l’association de défense des cétacés embarque ainsi enfants et adultes. Pour faire oeuvre de pédagogie. Mieux connaître les fonds marins pour les préserver. C’est l’idée des sorties animées par le centre de découverte du monde marin à la pointe de l’Aiguille à Théoule-sur-mer. Une plongée facile, ludique et pédagogique. Le sentier sous-marin de la pointe de l’Aiguille a été créé il y a dix ans par le conseil général des Alpes-Maritimes. « C’est un site inestimable. Il est très riche en matière de faune et de flore, explique Gilles Parodi, adjoint au chef du service des espaces naturels. Nous sommes en partenariat avec la commune qui installe les quatre bouées pour la période de fréquentation et qui les enlève à la fin de la saison. » Le but de ce sentier ? « La découverte des fonds, la sensibilisation, mais aussi la mise en valeur des richesses sous-marines. De plus, il est en très bon état de préservation malgré la très grosse fréquentation. Sur le secteur ouest, c’est le parc qui accueille le plus de touristes. »
Surveillance accrue
Pour éviter des dégradations, des gardes nature et des agents sont mobilisés tout l’été. « Pour le moment on ne relève pas forcément de mauvais comportement sous l’eau. Les mauvais gestes sont plutôt répertoriés sur les milieux terrestres. » Des chercheurs du laboratoire Ecomers, de l’université de Nice-Sophia Antipolis s’inquiètent cependant de la santé des grottes marines, très fréquentées pendant la saison estivale par les plongeurs. Pour préserver corail, gorgones... Paolo Guidetti invite notamment les clubs de plongée à choisir des grottes spectaculaires qui ne comportent pas d’organismes fragiles. La sensibilisation, c’est aussi sur le sable et les galets que ça se passe. Du lundi au jeudi, le Bibliomer fait escale sur les plages du département. « On présente aux vacanciers les espèces qu’on peut retrouver sous l’eau, note Marine Clozza, responsable Bibliomer du centre de découverte du monde marin. Des bancs de saupes, des poulpes, des grandes nacres espèce protégée évoluent dans les herbiers. Dans les rochers ce sera les petits mérous, les dorades, les loups. Au large des plages de la Prom’ on a plutôt des marbrés, des rougets. » Pour préserver la Méditerranée chaque geste compte.