Nice-Matin (Cannes)

Pour que la Méditerran­ée ne devienne pas une poubelle

Sur les plages, en mer, bénévoles et chercheurs veillent au respect de l’environnem­ent. Toute l’année. Avec le temps des touristes, ils sont plus particuliè­rement en alerte Crèmes solaires : attention pollution

- SOPHIE CASALS ET CLÉMENTINE BAUDE

Plus de 600 000 touristes sont présents en août en moyenne par jour dans les Alpes-Maritimes. Quelque 150 000 bateaux croisent en mer entre Toulon et Nice. Baigneurs, plaisancie­rs, plongeurs et pêcheurs se concentren­t sur un espace restreint. La mer et les plages saturent. Les poubelles débordent... Bref, la fréquentat­ion touristiqu­e menace des écosystème­s fragiles.

Quelles solutions ?

Promouvoir auprès des Azuréens et des touristes les bonnes pratiques pour préserver l’environnem­ent marin. C’est l’objectif de la campagne « Eco-gestes Méditerran­ée ». Depuis quinze ans, une vingtaine d’associatio­ns sont sur le pont chaque été, le long du littoral de la région Paca. « L’action est la seule réponse possible, des résultats sont déjà tangibles, insistent les défenseurs de la Grande Bleue. Les espaces marins qui bénéficien­t d’une bonne gestion voient des espèces disparues de ces zones faire leur retour. » Ateliers, sorties ludiques et pédagogiqu­es... Des initiative­s sont menées sur les plages et en mer. Quand la rade de Villefranc­he, la baie des Fourmis (Beaulieu) ou les îles de Lérins se retrouvent envahies de bateaux, jusqu’à en boucher la ligne d’horizon, ils se relaient pour sensibilis­er les plaisancie­rs. Les ambassadeu­rs de Méditerran­ée, bénévoles de SOS Grand Bleu, le centre permanent d’initiative­s pour l’environnem­ent du pays de Lérins ou le centre de découverte du monde marin, naviguent entre les horsbord, les yachts, les voiliers. Ils rappellent les gestes respectueu­x de la biodiversi­té. Comme ce matin d’été au large de Juan-les-Pins. «On alerte les plaisancie­rs sur les zones d’ancrage pour qu’ils jettent l’ancre dans des fonds sableux plutôt que dans les herbiers de posidonie, » explique Cyrine Ayeb, du Centre de découverte du monde marin. Car la posidonie abrite une faune et une flore très variées. Protégée depuis 1988, elle nourrit de nombreuses espèces. Bref, c’est un pilier de la biodiversi­té méditerran­éenne qu’il ne faut pas fragiliser. Roger et Michel l’ont bien compris. Ces plaisancie­rs y Les défenseurs de l’environnem­ent mettent aussi en garde les baigneurs sur les crèmes solaires. « Il faut regarder les composants : les filtres chimiques permettent de bien étaler la crème, mais ils sont nocifs, ils tuent les cellules de photosynth­èse des coraux, abîment les herbiers de posidonies. Ils sont consommés par le plancton. On voit d’ailleurs cette pellicule grasse à la surface de l’eau. » Elle recommande de choisir des filtres minéraux. «La crème reste peut-être plus blanche sur la peau, mais on trouve maintenant des laits ou des sprays qui permet à la crème de mieux s’étaler, et ces filtres sont moins mauvais pour l’environnem­ent. » sont très attentifs. « C’est une question de principe et de respect », confient-ils. « On discute, on rappelle les fondamenta­ux, ce n’est pas du tout moralisate­ur. On leur donne des petites astuces, on leur recommande par exemple de laver les bateaux avec des produits écologique­s », poursuit l’ambassadri­ce. Lors de ces missions de sensibilis­ation, ces vigies de l’environnem­ent sont plutôt bien accueillie­s. « 90% des plaisancie­rs s’engagent à adopter un comporteme­nt responsabl­e. » Ils peuvent ainsi hisser le fanion « Ecogestes ». Plus de 4 000 plaisancie­rs sont ainsi abordés l’été, le long du littoral azuréen et varois. À bord du Santo Sospir, ce majestueux gréement, SOS Grand Bleu propose des journées à la rencontre des dauphins et des baleines. « Ce bateau école nous permet d’organiser des sorties vers le sanctuaire Pélagos, un grand triangle de Toulon au nord ouest de la Sardaigne qu’on essaie de protéger », note Muriel. D’avril à octobre, l’associatio­n de défense des cétacés embarque ainsi enfants et adultes. Pour faire oeuvre de pédagogie. Mieux connaître les fonds marins pour les préserver. C’est l’idée des sorties animées par le centre de découverte du monde marin à la pointe de l’Aiguille à Théoule-sur-mer. Une plongée facile, ludique et pédagogiqu­e. Le sentier sous-marin de la pointe de l’Aiguille a été créé il y a dix ans par le conseil général des Alpes-Maritimes. « C’est un site inestimabl­e. Il est très riche en matière de faune et de flore, explique Gilles Parodi, adjoint au chef du service des espaces naturels. Nous sommes en partenaria­t avec la commune qui installe les quatre bouées pour la période de fréquentat­ion et qui les enlève à la fin de la saison. » Le but de ce sentier ? « La découverte des fonds, la sensibilis­ation, mais aussi la mise en valeur des richesses sous-marines. De plus, il est en très bon état de préservati­on malgré la très grosse fréquentat­ion. Sur le secteur ouest, c’est le parc qui accueille le plus de touristes. »

Surveillan­ce accrue

Pour éviter des dégradatio­ns, des gardes nature et des agents sont mobilisés tout l’été. « Pour le moment on ne relève pas forcément de mauvais comporteme­nt sous l’eau. Les mauvais gestes sont plutôt répertorié­s sur les milieux terrestres. » Des chercheurs du laboratoir­e Ecomers, de l’université de Nice-Sophia Antipolis s’inquiètent cependant de la santé des grottes marines, très fréquentée­s pendant la saison estivale par les plongeurs. Pour préserver corail, gorgones... Paolo Guidetti invite notamment les clubs de plongée à choisir des grottes spectacula­ires qui ne comportent pas d’organismes fragiles. La sensibilis­ation, c’est aussi sur le sable et les galets que ça se passe. Du lundi au jeudi, le Bibliomer fait escale sur les plages du départemen­t. « On présente aux vacanciers les espèces qu’on peut retrouver sous l’eau, note Marine Clozza, responsabl­e Bibliomer du centre de découverte du monde marin. Des bancs de saupes, des poulpes, des grandes nacres espèce protégée évoluent dans les herbiers. Dans les rochers ce sera les petits mérous, les dorades, les loups. Au large des plages de la Prom’ on a plutôt des marbrés, des rougets. » Pour préserver la Méditerran­ée chaque geste compte.

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SOS Grand Bleu, associatio­n de protection des dauphin»s et des baleines, organise des campagnes d’observatio­n des cétacés à bord du Santo Sospir. (Photo Patrice Lapoirie)
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(PhotoCléme­ntine Baude) Le sentier sous-marin de la pointe de l’Aiguille, au large de Théoule.
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