Le monde de l’art rivé sur un tableau de Rybolovlev « Le marché décidera de son prix »
Propriété du président de l’AS Monaco, un tableau attribué à Léonard de Vinci est mis en vente aux enchères, ce soir à New York. Une oeuvre mystérieuse estimée environ 100 millions de dollars
Le Rockfeller Center de New York est en ébullition. Ce soir, Christie’s espère à nouveau y dynamiter le marché de l’art lors sa grandmesse annuelle de l’art contemporain. Une vente aux enchères d’exception lors de laquelle les plus grands collectionneurs se disputeront des chefs-d’oeuvre inestimables. Le résultat au marteau du lot n°9B est particulièrement attendu. Huile sur toile – un panneau de noyer –, le Salvator Mundi (Sauveur du Monde) représente le Christ en robe bleue et ocre typique de la Renaissance, bras droit levé en signe de bénédiction et main gauche tenant un globe (orbe). Toute fin du XVe siècle ou peu après 1500, sa datation fait encore débat au sein du collège d’experts qui l’a attribué à Léonard de Vinci en 2011. Une chose est sûre, l’oeuvre, en possession de Dmitri Rybolovlev – ou plutôt du Family Trust Rybolovlev – a connu un parcours chaotique.
De livres sterling à millions de dollars
On trouve sa trace en 1649 dans la collection de Charles Ier d’Angleterre, puis dans celle de Charles II et du duc de Buckingham, qui le présente aux enchères en 1763. En 1900, la toile atterrit chez Sir Francis Cook, dont les descendants la vendent en 1958 à Sotheby’s, pour 45 livres sterling! Attribué à un groupe d’artistes florentins en 1999, le Salvator Mundi voit sa valeur grimper à 332500 dollars. Il retrouve de son prestige en 2005 après son acquisition par un fonds américain et Robert Simon, historien de l’art et marchand privé, qui parie que ce tableau «lourdement repeint», «aux airs de copie», est unique. «C’était une ruine sombre et lugubre», alors attribuée à Giovanni Antonio Boltraffio, l’un des disciples de Léonard. Après rénovation en 2010 et attribution à Léonard, ce consortium américain estime l’oeuvre à près de 200 millions de dollars, soit 138 millions d’euros, selon le magazine d’art américain, et référence, ARTnews. Moins de 20 toiles signées de Léonard sont recensées dans le monde, dont une seule dans une collection privée, c’est dire si le montant de l’adjudication fait saliver. D’autant plus que son estimation est en deçà de la somme déboursée en 2013 par Rybolovlev pour l’acquérir (lire ci-contre). Une valeur aussi mystérieuse que son origine, voilà tout le charme de la vente selon son chef d’orchestre, L’authenticité des plus grands chefs-d’oeuvre est toujours source de débats enflammés dans le monde de l’art. Souvenez-vous ainsi de la polémique née en novembre après l’annonce par le directeur de l’Hôtel des ventes de Monte-Carlo, Franck Baille, de la découverte de dessins inédits attribués à Van Gogh. Une paternité contestée par le Van Gogh Museum et un différend, à ce jour, non tranché. Imaginez donc l’excitation et les tensions autour du Salvator Mundi. Une oeuvre d’un grand maître, Léonard de Vinci, et un tableau vieux de ans porté disparu pendant un laps de temps non négligeable. Longtemps considéré comme une copie, le Salvator Mundi fait-il aujourd’hui l’unanimité sur le marché? Est-ce un risque d’en faire la pièce phare de sa session pour Christie’s ? Questions auxquelles l’expert Loïc Gouzer nous a répondu. « L’authenticité de ce tableau exceptionnel a été confirmée durant la majeure partie d’une décennie. Notre semaine de ventes dédiées au XXe siècle à New York est l’événement le plus important pour les plus grands collectionneurs, donc c’est le moment idéal pour proposer un tel chef-d’oeuvre.» Quant à sa mise à prix aux alentours de millions de dollars, inférieure aux , millions d’euros prétendument payés par Dmitri Rybolovlev au marchand d’art Yves Bouvier en , Loïc Gouzer coupe net : « Il n’y a aucune comparaison possible pour une oeuvre de cet artiste. Notre estimation est bien plus élevée que n’importe quel tableau de maîtres anciens vendu aux enchères (par exemple M£ pour un Rubens en ). En fin de compte, c’est le marché qui décidera de son prix ». Loïc Gouzer, directeur du département après-guerre et contemporain de Christie’s. «C’est un véritable honneur de présenter cette oeuvre, cette opportunité ne se présente qu’une fois dans une vie. Devant les toiles de Léonard de Vinci, il devient impossible de déchiffrer ou de percer le mystère qui en émane, La Joconde
et Salvator Mundi en sont de parfaits exemples. Personne ne sera jamais capable de saisir pleinement le monde merveilleux de Léonard de Vinci, comme personne ne sera jamais capable de connaître les origines de l’univers.»