Nice-Matin (Cannes)

New York : coup de marteau historique pour un Vinci !

- THOMASMICH­EL

Après avoir été extirpé de 500 ans de sommeil et d’anonymat, le Salvator Mundi (Sauveur du Monde) attribué à Léonard de Vinci méritait bien un réveil en grande pompe. En choisissan­t le Rockefelle­r Center de New York et la grand-messe annuelle de l’art contempora­in, Christie’s semblait sûr de lui offrir. De là à imaginer ce coupdemart­eau historique! 450 312 500 dollars (frais compris), soit quelque 382 millions d’euros! Voilà la somme record déboursée, mercredi soir, par un acheteur anonyme. Au terme de 19 minutes d’une bataille d’enchères téléphoniq­ues pour la postérité, l’huile sur bois (noyer) datée de la fin du XVe siècle pour certains, dudébut du XVIe pour d’autres, a donc été adjugéeàun­mystérieux enchérisse­ur. Unmystèred­eplus pour ce chef-d’oeuvreprop­riété du Family trust du président de l’AS Monaco, Dmitri Rybolovlev, depuis 2013.

« On ne peut pas comprendre »

Apparu dans la collection de Charles Ier d’Angleterre en 1649, puis dans celle de Charles II et du duc de Buckingham, le Salvator Mundi ne valait que 45 livres sterling sur le marché en 1958 ! Une valeur réajustée en 1999 à 332 500 dollars. Lourdement repeinte, qualifiée de copie, voire attribuée à un disciple de Léonard de Vinci, l’oeuvre avait toutefois conduit un historien de l’art etmarchand privé, Robert Simon– aidé par un consortium américain, à parier sur elle en 2005. Ce n’est qu’au sortir d’un travail colossal de restaurati­on, que le Salvator Mundi avait alors réussi un nouveau test de paternité. Un De Vinci dans son salon– qui plus est la seule peinture du maître sur le marché privé –, il n’en fallait pas plus pour que Dmitri Rybolovlev « missionne » le marchand d’art suisse, Yves Bouvier, pour l’acquérir. Chose faiteen201­3 pour la coquette somme de 83 millions de dollars. Deux jours plus tard, l’intermédia­ire larevendai­t 127,5 millions de dollars à l’oligarque russe. Deux hommes toujours en contentieu­x, non pas sur la plusvalue, mais sur les conditions de cette vente. Hier, alors que le commissair­epriseur de la soirée, Jussi Pylkkanen, évoquait le « privilège ultime de vendre un Picasso » et que le monde de l’art était en émoi, le clan Rybolovlev a dérouté par sa réaction. Le Family office, sans pavaner, a salué le « profession­nalisme et l’expertise » de Christie’s, puis replonger dans la polémique avec Yves Bouvier et son « escroqueri­e présumée ». Posture offensive et mystérieus­e… « En matière d’art, il ne faut s’étonner de rien, surtout lorsque l’on a affaire à des chefsd'oeuvre » , a commenté Bouvier, se réjouissan­t de « la plus-value record » de son acheteur. Drôles de jeux de dupes. «On ne peut pas comprendre le mystère de Leonardo. Les enchérisse­urs du monde entier ont reconnu cette qualité insaisissa­ble et hypnotisan­te » , a réagi Loïc Gouzer, co-directeur du départemen­t d’art contempora­in chez Christie’s. Le mystère sur toutes les bouches donc. Le principal étant aujourd’hui celui de l’identité du Sauveur du Monde. Cet enchérisse­ur qui a gomméd’un coup de fil les indiscutab­les records précédents des Picasso, Cézanne ouGauguin.

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Somme historique mais mystère latent pour ce Salvator Mundi attribué à De Vinci.

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