Nice-Matin (Cannes)

Annulation des élections au tribunal de commerce

Le tribunal d’instance a jugé que le président ne s’était pas conformé « à son devoir de neutralité» . On revotera donc. Une annulation sur fond de guerre ouverte avec le patronat

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Saisi par le préfet des Alpes-Maritimes, le tribunal d’instance de Cannes vientd ’annuler l’élection des juges consulaire­s du tribunal de commerce de Cannes, qui s’est tenue le 4 octobre dernier. Elle se rejouera donc les 13 et 27 décembre prochains. La saisine n’est pas banale. Le préfet reproche au président du tribunal de commerce de Cannes, Pierre Cousin, « d’avoir rompu son devoir de réserve, d’impartiali­té et d’égalité de traitement entre l’ensemble des candidats ». Dansuncour­rier du 19 septembre adressé au collège électoral, à entête de son cabinet et envoyé avec les moyens de son greffe, Pierre Cousin a tout simplement mené campagne.

Un bras de fer

Dans un bras de fer qui l’oppose à l’Union pour l’entreprise des Alpes-Maritimes (UPE06), il prend position. Il écrit : « L’UPE a décidé deprésente­r une liste concurrent­e de candidats. (...) C’est pourquoi nous vous demandons de soutenir notre liste dans l’intérêt du service de la justice commercial­e. » Problème, cette pratique va totalement à l’encontre de l’article L722-18 du code du commerce, qui prescrit aux juges consulaire­s un devoir général de réserve. « Cette exigence de réserve est particuliè­rement requise du juge président dont la qualité et la fonction appellent

un devoir de neutralité et s’opposent à toute action aux fins de propagande dans l’élection des juges consulaire­s. » C’est ce qu’a rappelé en substance le tribunal d’instance de Cannes. En déterminan­t son choix de liste et en l’opposant à une autre, « il ne s’est pas conformé au devoir de réserve et deneutrali­té

que lui imposait sa fonction », conclut le jugement estimant le scrutin entaché d’irrégulari­té. En relevant un problème de « neutralité » chez le président du tribunal de commerce de Cannes, le tribunal d’instance crée un mini séisme dans le milieu feutré des juges consulaire­s. « Je crains pour les entreprise­s justiciabl­es dans le ressort du tribunal de commerce de Cannes, compte tenu du fait que l’élection a été invalidée pour des irrégulari­tés reprochées au président », commente non sans acidité Philippe Renaudi.

« Points de vue divergents »

Pierre Cousin étant absent pour quelques jours, c’est Jean-Claude Lemalle, juge consulaire, quiapris la parole hier. Sur l’affaire du courrier litigieux, il reconnaît une « maladresse ». Aucun recours n’a d’ailleurs été formulé contre ladécision du tribunal. Sur le fond, il évoque « des points de vue divergents sur des questions de déontologi­e ». Ce dialogue de sourds entre le représenta­nt du patronat, Philippe Renaudi, et le président du tribunal de commerce de Cannes, Pierre Cousin, pourrait peser à l’avenir sur le fonctionne­ment du tribunal. L’UPE vient en effet dedéciderd­ese retirer du jeu sur le ressort deCannes. Elle ne présentera aucun candidat à l’avenir, ni pour cettenouve­lle élection, ni pour les prochaines années. « Onverra bien si le tribunal est capable d’en trouver tout seul », commente Philippe Renaudi. Depuis de nombreuses années, les tribunaux de commerce font en effet appel à l’UPE pour dénicher des juges consulaire­s. Sans son appui, la tâche risque bien de devenir très compliquée.

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