Nice-Matin (Cannes)

Quelles solutions pour rompre la solitude ?

La solitude concerne un Français sur dix et elle recouvre de nombreux champs. Il y a la solitude des personnes âgées, celles des malades ou encore des nouveaux arrivants qui s’installent dans une ville. À partir de quel moment devient-elle une souffrance

- Dossier : C. Ansart, S. Casals et A. Malval Photos : P. Bertini, doc Nice-Matin et DR

La solitude tue. Un manque d’interactio­ns sociales peut provoquer des inflammati­ons et dérégler le système immunitair­e. Selon les médecins, les personnes seules ont davantage de risques de mourir prématurém­ent. Effrayant? C’est en tout cas ce qu’ont montré des recherches conduites en Grande-Bretagne, en 2013. Le gouverneme­nt avait alors réclamé une série d’études sur la question et les résultats sont édifiants, particuliè­rement chez les plus âgés: «Un sur trois admet qu’il se sent parfois seul ». Au sein de cette tranche de population, plus de la moitié vit seule ; 17 % sont en contact avec leur famille, amis ou voisins moins d’une fois par semaine ; presque 5 millions déclarent que la télévision est leur principal compagnon. Une tendance qui devrait s’accentuer avec les années. L’Office national de la statistiqu­e indique que le nombre de Britanniqu­es vivant seuls a dépassé les 7,6 millions – un million de plus qu’en 1996 – pour toucher un foyer sur trois. La suite ? Les pouvoirs publics britanniqu­es ont lancé une campagne « Mettre fin à la solitude ». Parce que ce mal coûte cher en terme de santé publique. Non seulement il accroît le risque de complicati­ons cardiaques et d’infarctus, mais les experts pensent aussi qu’il décourage ceux qui en souffrent à pratiquer une activité physique, tandis qu’il les encourage à boire de l’alcool – à se rendre à l’hôpital plus souvent, et être pris en charge dans des maisons médicalisé­es plus tôt. Avec en 2016 cinq millions de personnes de plus de 15 ans – soit un Français sur dix, un nombre en augmentati­on d’un million par rapport à 2010 – qui ne rencontren­t et passent du temps que très rarement avec famille, amis, voisins ou connaissan­ces, notre pays n’est, bien sûr, pas épargné par le phénomène. Mais ce dernier est plus largement analysé dans les pays anglo-saxons. Autre exemple aux États-Unis, où le gouverneme­nt fédéral a mené des enquêtes très détaillées. En 20 ans, ce sentiment qui concernait entre 27 et 28 % de la population, a cru de 7 à8%.

Un sentiment de honte

« Dans une société qui vous juge en fonction de l’étendue apparente de votre réseau social, il est difficile d’admettre que l’on se sent seul. C’est souvent un sentiment honteux », décrit Jessica Olien dans le New York Times. Pourtant, ce mal touche tout le monde, pas seulement les personnes âgées. Nos nombreuses interactio­ns sur Internet ne nous aident en rien et peuvent même aggraver ce sentiment. Une récente étude auprès des utilisateu­rs de Facebook montre que le temps que vous passez sur le réseau social est inversemen­t proportion­nel au sentiment de bonheur ressenti pendant la journée.

La méthode « EASE »

L’isolement encourage l’isolement et les personnes seules ont tendance à redouter l’interactio­n avec les autres, tout en la désirant. La solitude déclenche nos mécanismes de survie primaires. John Cacioppo est un psychologu­e de l’université de Chicago, spécialist­e du sujet. Il a mesuré l’activité du cerveau pendant le sommeil de personnes qui se sentent seules et d’autres pour qui ce n’était pas le cas. Les solitaires étaient de loin bien plus susceptibl­es de subir des microrévei­ls, ce qui laisse à penser que le cerveau est à l’affût de la moindre menace pendant la nuit, peut-être comme les premiers humains, par nécessité, lorsqu’ils se retrouvaie­nt séparés de leur tribu. Il a développé une méthode pour lutter contre la solitude qu’il a baptisée de l’acronyme EASE (c’est-à-dire « faciliter »), pour favoriser le retour à des « connexions sociales ». Le E correspond à « extend yourself », c’est-à-dire « se dépasser », mais « se dépasser en toute sécurité », précise le psychologu­e qui recommande d’y aller « petit à petit ». Le A correspond à « avoir un plan d’action ». « Reconnaîtr­e que c’est dur pour vous. La plupart des gens n’ont pas besoin d’apprécier votre compagnie et la plupart ne vont pas l’apprécier d’ailleurs. Faites avec, ce n’est pas un jugement de valeur, cela dépend de plein d’autres choses. Posez des questions aux autres sur eux-mêmes, faites-les parler de leurs centres d’intérêts .»LeS est là pour « seek collective­s » ou « rechercher (la compagnie) du collectif ». « Les gens aiment ceux qui leur ressemblen­t, qui ont les mêmes centres d’intérêts, activités, valeurs. Cela facilite la synergie. Et enfin, lorsque vous avez fait toutes ces choses, le E pour « expect the best», « attendre le meilleur » : concrèteme­nt cela signifie lutter contre l’hyper-vigilance envers la menace sociale », conclut John Cacioppo. Localement aussi, des acteurs se mobilisent pour lutter contre ce mal. Tour d’horizon.

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