Nice-Matin (Cannes)

« En quelques semaines, je vois les gens sortir de leur solitude »

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Nul n’est à l’abri, un jour, de se sentir très seul. Frappé par l’âge, la maladie, le chômage, une mobilité profession­nelle qui déracine, un divorce. Comment agir, à part multiplier les activités ? Quelles sont les fausses bonnes idées ? Sommes-nous tous égaux ? Le psychanaly­ste niçois Saverio Tomasella nous aiguille… Selon lui, le phénomène est clairement plus répandu depuis ces dernières décennies, crise économique et nouvelles technologi­es aidant. « Ce n’est pas une vue de l’esprit mais une réalité sociale grave. » Mais le profession­nel l’assure: « Dans chaque situation, on peut s’en sortir. Il y a

vraiment de l’espoir .» Il faut se mettre en mouvement, évoluer, faire « un pas » –« du théâtre, de l’aide sociale, en tout cas quelque chose de nouveau pour soi

», cite Saverio Tomasella. Comme un défi à relever, la démarche provoque un changement de sa façon de se comporter, de se considérer, de considérer les autres. On rencontre des personnes nouvelles, on se fait d’autres types d’amis. C’est explorer de nouveaux territoire­s, ouvrir son horizon.

L’altruisme et la solidarité salvateurs

« Certaines personnes ont un mode de relation à l’autre qui n’est pas le leur, qui peut être hérité d’une famille par exemple. On peut avoir beaucoup d’amis, dîner avec eux, sortir avec eux, aller au théâtre, mais ça reste un peu mondain. Pas dans un sens péjoratif mais c’est une habitude de sortie. » En innovant, «on va trouver des personnes qu’on n’aurait jamais fréquentée­s avant parce qu’elles ne sont pas du même milieu social, de la même culture, etc. Ce seront peut être des gens qui ne vont pas au théâtre, mais qui pique-niquent, qui font des soirées jeux… des façons d’être entre amis qu’on n’avait pas avant. » De quoi se sentir de nouveau en harmonie avec son environnem­ent social, en cohérence. Parmi les pistes privilégié­es par Saverio Tomasella se trouve l’altruisme, sous toutes ses formes, la solidarité. L’idée : s’investir pour les autres pour se sentir utile, mieux se considérer, concentrer son attention et son énergie ailleurs que sur sa solitude, avec du résultat. « Des causes il y en a plein : l’écologie, le social, l’alphabétis­ation, on peut aider un SDF dans son quartier… Si on s’implique sans vouloir du pouvoir, sans vouloir une place importante dans l’associatio­n, mais pour faire pour les autres ou pour un groupe, en quelques semaines je vois les gens sortir de leur solitude, de leur marasme.

Arrêter la dictature du positif : j’ai le droit d’être mal !

Ces dernières années, l’heure est définitive­ment au positivism­e. Il faut penser positif, manger positif, vibrer positif. Pour notre psychanaly­ste, ç’en est trop, c’est la dictature. « C’est important

d’être optimiste, c’est beaucoup mieux d’être enthousias­te et spontané, c’est sûr, on est d’accord. Mais si c’est imposé de l’extérieur comme une dictature sociale qui dirait “À partir de maintenant dans notre société on ne doit dire que des choses positives, avoir que des pensées positives et des émotions positives”, comme ce que nous proposent certains magazines, cela a un effet inverse. Il y a des gens, même sans en avoir conscience, qui ont besoin de dire “Non, moi ça ne va pas” ,ou “j’ai envie de mieux” .Etces gens vont forcer le trait .» C’est le principe de la destructiv­ité, cette tendance psychique à faire en sorte que ça n’aille pas bien : je vais tomber malade, faire rater ma relation amoureuse, créer des problèmes au travail… ou être seul et le rester. « Comme ça ne va pas bien dans sa vie, on préfère détruire », résume Saverio Tomasella. Saverio Tomasella a consacré un livre sur le sujet, Le Syndrome de Calimero, éditions Albin Michel, 246 pages.

Dans chaque situation, on peut s’en sortir”

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Selon le psychanaly­ste niçois, Saverio Tomasella, « il y a des gens qui ont besoin de dire “Non, moi ça ne va pas” ».

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