Nice-Matin (Cannes)

Les années folles du prince

Entre fêtes, bals, casinos et maîtresses, le futur roi Edouard VII, a bien profité de la vie à Cannes et Monaco avant d’accéder au trône d’Angleterre en 1901

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Le 10 mars 1898, par une belle journée de printemps comme il y en a tant sur la Côte, la foule se presse sur la Croisette à Cannes. Des tribunes ont été montées pour que le public puisse voir. Des gens s’entassent aux balcons, d’autres se sont hissés sur les arbres et les réverbères. La pose de la première pierre de la grande digue délimitant le nouveau port de plaisance va avoir lieu. La population sent bien que l’événement est d’importance pour l’avenir de la ville. Mais ce qui l’intéresse surtout, c’est la personne qui va procéder à l’inaugurati­on – une personnali­té admirée et aimée de tous: le prince de Galles, fils de la reine Victoria. Le futur roi d’Angleterre Édouard VII est ce qu’on appelle «un personnage». Il a ses habitudes sur la Côte. Il est arrivé à Cannes au début des années 1870, avec son épouse Alexandra, fille du roi du Danemark.

Premier séjour à Cannes en 

Il a commencé à mener la belle vie, fréquenter les casinos, les régates, les courses hippiques, les bals, et... les femmes. Son épouse était sur ce point d’une incroyable indulgence ! Sa mère, en revanche, ne voyait pas les choses du même oeil. Elle détestait les incartades de son fils. On disait qu’elle faisait fermer les rideaux de son compartime­nt lorsqu’elle passait en train par Monaco, afin de ne rien voir de ce «lieu de débauche ». Le premier séjour à Cannes a lieu en 1872 à l’hôtel Gray d’Albion – qui demeure encore aujourd’hui l’un des grands palaces cannois. Édouard, surnommé « Bertie», y arrive avec son épouse et sa suite: un médecin, deux écuyers, deux valets de chambre, deux valets de pied. Il connaît là une première aventure. Jane Chamberlay­ne est une jeune américaine, originaire de Boston, qui voyage avec ses parents. Elle a le regard affectueux, les pommettes rougissant­es, le charme d’une jeune fille en fleur. Le prince, âgé de 31 ans, est attendri, lance une invitation. Jane trompe la surveillan­ce de ses parents, se laisse séduire. C’est l’une des premières incartades du prince de Galles. Alexandra, la femme, qui sera si tolérante par la suite, découvre avec colère cette première infidélité et met son époux à la porte. Celuici ira se consoler chez une autre maîtresse – dont Alexandra, semble-t-il, ignorait l’existence : la comtesse de Pourtalès, qui habitait dans sa villa sur les hauteurs de Cannes. Les aventures féminines vont se succéder. Le prince de Galles n’a pas un physique de Don Juan. Il est plutôt bedonnant, mais il a un charme fou. Son identité princière achève d’attirer les jolies femmes. Les rendezvous ont lieu dans des hôtels ou villas ou à bord du yacht Britannia, ancré à Cannes ou à Monaco.

Sa maîtresse présentée à la reine

Les historiens ont attribué cinquante-cinq liaisons au Prince de Galles. Le prince de Galles Édouard fut considéré comme une référence de la mode masculine. Il popularisa le tweed, les chapeaux Hombourg, les vestes Norfolk, ainsi que le smoking à la place de la queue de pie. Il lança également la mode du pli du pantalon à l’avant et le col haut retourné, ainsi que du dernier bouton de veste non boutonné – cela en raison de son embonpoint. Certaines ont été éphémères. Quelle est donc cette jolie brune au regard ravageur, accrochée à son bras au milieu des tapis verts au casino de MonteCarlo ? Lady Churchill, en personne! La mère de Winston, enjôleuse et brillante, se fait promener de bals en soirées entre Cannes et Monaco. Mais la femme est volage. La liaison ne durera pas. D’autres seront plus longues. Avec Lily Langtry en particulie­r. En 1877, « Bertie » rencontre cette célèbre actrice britanniqu­e au regard nostalgiqu­e, portant le chapeau à ravir, lors d’un dîner en présence de son mari. Coup de foudre. « Bertie » et Lily se rencontren­t le plus souvent possible. La vie est belle pour les amants dans l’ambiance mondaine et feutrée des tapis verts monégasque­s ou sous l’ombrage discret des pinèdes de la Côte. La liaison dure si longtemps que le prince ose présenter sa maîtresse à sa mère la reine. Un jour, Lily est enceinte. Il n’est pas sûr qu’Édouard soit le père. Mais celui-ci s’arrangera pour que l’enfant, prénommé JeanMarie, naisse discrèteme­nt dans une clinique française. Lily Langtry finira sa vie à Monaco, à la villa le Lys, où elle mourra en 1929. La villa, située près de l’escalier Sainte-Dévote, a été démolie en 2 017. Édouard ne compte pas son argent lorsqu’il a un caprice. Un jour, en 1893, une « amie » américaine, Mrs Ogden Goelet, séjournant au Bristol à Cannes, lui demande ce qui lui ferait plaisir. Il réclame un concert de la chanteuse Yvette Guilbert. On téléphone à l’artiste à Paris. L’une des descendant­es de la maîtresse d’Édouard VII, Alice Keppel, est Camilla Parker Bowles, épouse de l’actuel prince Charles. Certains ont émis l’hypothèse qu’Édouard VII aurait eu une fille illégitime avec Alice et que c’est de cette fille que descendrai­t Camilla. Mais Édouard n’a jamais reconnu aucun enfant illégitime. Camilla Parker Bowles est donc une descendant­e d’Alice Keppel… mais pas forcément d’Édouard VII!

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Avant de devenir roi, Edouard VII 6, marié à Alexandra a eu pour maîtresse Lady Churchill 3 et Lily Langtry qu’il courtisait sur son yacht Britannia / ou dans les palaces tels le Gray d’Albion à Cannes
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