Nice-Matin (Cannes)

Souleyman Kerimov mis en examen

Le richissime sénateur du Daghestan à la Fédération de Russie, arrêté lundi soir à Nice, évite la détention, pourtant requise par le parquet, contre le versement d’une importante caution

- ERIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

Cinq millions d’euros. C’est le prix de la liberté pour Souleyman Kerimov. Le sénateur russe est finalement ressorti libre du palais de justice de Nice la nuit dernière. Le parquet avait pourtant requis son placement en détention. Le juge de la liberté et de la détention en a finalement décidé autrement. Souleyman Kerimov évite donc la prison. Mais il devra néanmoins respecter un contrôle judiciaire qui l’oblige à se maintenir dans les Alpes-Maritimes, à pointer régulièrem­ent au commissari­at et à verser donc une importante caution. Ce qui ne devrait toutefois poser aucune difficulté financière à ce milliardai­re russe de 51 ans, classé 21e fortune de Russie, et suspecté, sur la Côte d’Azur, d’être le propriétai­re occulte de plusieurs domaines au Cap-d’Antibes dont la valeur globale est estimée à près de 750 millions d’euros !

Suspecté de « blanchimen­t de fraude fiscale »

C’est la raison pour laquelle le sénateur du Daghestan au sein du conseil de la Fédération de Russie avait été interpellé lundi, tard dans la soirée, alors que son jet privé venait de se poser à Nice. Après avoir passé ces dernières 48 heures en garde à vue dans les locaux de la police judiciaire, tout aussi tard hier soir, Souleyman Kerimov a finalement été mis en examen pour « blanchimen­t de fraude fiscale » par le juge Alexandre Julien. Ce magistrat niçois a hérité d’un épineux dossier initié en 2014 par sa consoeur Valérie Tallone, appelée depuis à d’autres fonctions au TGI de Grasse. Il s’agit d’une tentaculai­re affaire financière dont le volet «Kerimov» n’est en fait que le dernier épilogue judiciaire en date. Depuis près de trois ans maintenant, la justice niçoise tente de décortique­r les montages financiers d’un avocat azuréen, Me Stéphane Chiaverini (voir ci-dessous). Ce fiscaliste de 45 ans aurait aidé ses clients à soustraire de l’argent au fisc français. C’est précisémen­t ce qui se serait passé en 2006 lors de la vente de la villa Hier, une propriété située au Cap-d’Antibes. Les enquêteurs de la PJ et du GIR ont acquis la conviction qu’un dessous-de-table de 90 millions aurait été versé sur les comptes en Suisse du vendeur… alors que le montant de la transactio­n déclaré auprès des services de Bercy n’excédait pas 35 millions d’euros. L’acquéreur officiel, un homme d’affaires suisse, «dément fermement» s’être prêté à une telle transactio­n occulte. Sa mise en examen a d’ailleurs «une première fois été annulée», précise-t-il, par la cour d’appel d’Aix auprès de laquelle il a également demandé la restitutio­n de la villa Hier saisie par la justice. Si tant est qu’il s’agit bien de sa propriété. Car, là est toute l’ambiguïté du dossier. Des éléments laisseraie­nt supposer que derrière le Suisse Alexander Studhalter se cacherait en réalité le sénateur russe Kerimov. Celui-ci aurait même multiplié les acquisitio­ns sur la Côte ces dernières années. Il serait ainsi le propriétai­re occulte d’un patrimoine estimé à près de 750 millions d’euros. Ce que Souleyman Kerimov dément lui aussi. Même si ses avocats n’ont souhaité faire, hier, «aucun commentair­e».

Incident diplomatiq­ue avec Moscou

En revanche la classe politique moscovite n’a pas tardé à réagir quant à elle. L’arrestatio­n à Nice du sénateur Kerimov a provoqué un véritable incident diplomatiq­ue entre la France et la Russie. Le chargé d’affaires de l’ambassade de France à Moscou a été « prié » de venir s’expliquer sur le champ au ministère des affaires étrangères russe. Konstantin Kossatchev, le président de la commission des Affaires étrangères du Conseil de la Fédération au sein duquel siège le sénateur Kerimov, a annoncé l’envoie d’une «note» peu amène au gouverneme­nt français pour lui rappeler qu’entant que « fonctionna­ire russe » le sénateur bénéficiai­t « d’une immunité contre les mesures exécutoire­s sur le sol d’autres États». « Dans le cadre de ses fonctions électives uniquement », a immédiatem­ent répliqué le Quai d’Orsay qui ne semble pas prêt à céder aux pressions du Kremlin. Pas plus que la justice niçoise d’ailleurs. Elle vient donc de mettre en examen cet oligarque qui, de source judiciaire, pourrait ainsi se voir réclamer « plusieurs dizaines de millions d’euros » par le fisc pour ne pas avoir acquitté ses obligation­s déclarativ­es en France.

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(Photo Sébastien Botella) L’oligarque serait le propriétai­re de la villa Hier, située au Cap-d’Antibes et d’un patrimoine estimé à près de  millions d’euros.
 ?? (Photo AFP) ?? Souleyman Kerimov a été interpellé lundi, tard dans la soirée, alors que son jet privé venait de se poser à Nice.
(Photo AFP) Souleyman Kerimov a été interpellé lundi, tard dans la soirée, alors que son jet privé venait de se poser à Nice.

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