Nice-Matin (Cannes)

L’original et la copie

- PHILIPPE CAMPS

Il va falloir se faire une raison. L’ASM d’aujourd’hui n’est pas celle d’hier. Entre les deux, la même différence qui sépare une mauvaise copie d’un original inestimabl­e. L’amateur d’art qu’est Dmitri Rybolovlev a dû tourner de l’oeil, mardi soir, en voyant le tableau. Un ratage, une croûte, un faux. Indigne d’une collection princière. Sifflé par la galerie. Le patron a peut-être même songé à porter plainte. Mais pourquoi ? Il n’y a pas l’ombre d’une injustice et encore moins d’une escroqueri­e. Et contre qui ? Cette fois, le sieur Bouvier n’y est pour rien. C’est le système de l’ASM qui est en cause. Un système qui joue avec l’argent et avec le feu. Un système qui crée de la richesse, mais peut susciter de l’instabilit­é. Tout dépend ce que vous regardez : les comptes ou le terrain. Ce système, vanté un jour, décrié le lendemain est connu et assumé. Il sert d’explicatio­n ou d’excuse. Le condamner serait oublier un peu vite un temps récent fait d’un titre national et de conquêtes hors frontières. Preuve que le modèle peut marcher. Mais il peut aussi se casser la figure. C’est le cas en Ligue des champions. L’Europe a démontré que l’ASM avait bel et bien changé de monde. En quelques mois seulement, l’équipe qui avait terrassé Tottenham, Manchester City et le Borussia Dortmund a été incapable de sortir d’une poule mouillée. Le moins courageux a été éliminé. Que ce soit Monaco paraît aussi incroyable que consternan­t. Les joueurs n’ont pas le droit de se servir du passé pour justifier le passif. Ils ont, en revanche, le droit d’être bons. Ce que ni les cadres, ni les recrues n’ont été. La voix officielle du club parle de cycles. De hauts et de bas pour clore le débat. La saison, elle, sera peut-être finie - ou presque - en cas de défaite, dimanche, face au PSG. On exagère : il restera la coupe de France et la coupe de la Ligue pour apaiser les coupures. Les supporters, eux, vivront dans l’attente et les souvenirs. C’est le risque lorsqu’on repart sans cesse de zéro. Cet été, l’AS Monaco a vendu pour  millions d’euros de joueurs. Une bonne affaire pour les acheteurs et les banquiers. Mbappé, Silva, Germain, Bakayoko et Mendy sont partis. Une grosse part des émotions aussi. Parce que c’est aussi ça le foot. Ce sentiment d’être emporté, renversé, transporté. Comme face à un Leonard de Vinci.

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