Nice-Matin (Cannes)

Muriel, 51 ans: « Ce n’est pas à moi d’avoir honte »

Mariée durant trente ans, cette ancienne infirmière a vécu une véritable descente en enfer. Son exmari, un colosse, est devenu son « bourreau ». Témoignage d’une femme qui tente de se reconstrui­re

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Son prénom est Muriel. Et pas question pour elle de témoigner sous une identité d’emprunt. « Cela reviendrai­t à donner raison à ce qu’on m’a fait… Il ne faut pas se taire. Je n’ai pas honte. Ce n’est pas à moi d’avoir honte ! » Muriel aura bientôt 52 ans. Originaire de région parisienne, elle vit à Nice depuis dix-huit ans. Elle a été mariée trente ans, a eu quatre enfants, avant de divorcer fin 2014. Depuis, elle vit «une dégringola­de ». Une spirale infernale directemen­t liée aux violences conjugales. Son ex-mari est un colosse, témoigne-t-elle. « Et moi, je ne suis pas une petite femme. Heureuseme­nt : c’est grâce à ça que je dois d’être en vie ! » Il était son «dieu». Il est devenu son « bourreau ». Muriel a réalisé qu’elle avait eu affaire à un « super manipulate­ur », pratiquant « une forme de harcèlemen­t très pervers ». Muriel dit avoir été « quittée et battue pour une histoire d’argent ». Elle raconte « ces mains levées, ces meubles qui volent » pour des motifs futiles, tristes épisodes qui ont rythmé leur vie de couple. « Il y a toujours eu de la violence. Mais je ne la considérai­s pas comme telle… »

« Pas entendue »

Cette violence a atteint son paroxysme en septembre 2016, le jour de l’anniversai­re de son fils cadet. À cette époque, Muriel vit seule avec lui. Ses trois autres enfants lui ont tourné le dos, prenant le parti de leur père. Elle a « sombré » financière­ment, criblée de dettes à la suite d’un divorce inéquitabl­e. Ce jour-là, son ex-mari vient sonner à sa porte pour un différend financier. « Quand j’ai ouvert, j’ai su que ça allait être chaud pour moi. J’ai essayé de le calmer. Il a fait mine de partir. Puis il m’a attrapée par le cou, entraînée dans la salle de bains, m’a frappé la tête trois fois contre le lavabo. Je me suis raidie de toutes mes forces pour l’en empêcher. Alors il m’a jetée dans le salon. J’ai fermé les yeux pour faire croire que j’étais morte… » Muriel rampe jusqu’à son téléphone, parvient à appeler les secours. C’est le début d’un « parcours du combattant ». Pour déposer plainte, d’abord. Pour être entendue, ensuite. Son avocate lui obtient une ordonnance de protection jusqu’en avril dernier. Mais la procédure pénale tourne court. Muriel apprend incidemmen­t que

‘‘ son « bourreau » aurait fait l’objet d’un simple rappel à la loi. « A ce moment-là, le monde s’est écroulé à mes pieds… Toutes les portes se sont fermées. » Toutes, sauf celle de l’Abri Côtier. « Ils sont géniaux. Ils m’ont sauvée ! », insiste Muriel, en évoquant la structure d’accueil des victimes à Nice. Son salut, elle le doit aussi à ses parents, qui l’ont recueillie. Et à son fils cadet, rescapé d’une famille «détruite », où chacun a dû choisir son camp. Muriel se dit « amère, dépitée. Je n’ai pas été entendue, pas reconnue en tant que victime. Il faut être morte, pour cela! » Elle a tenté de mettre fin à ses jours à deux reprises. Muriel a « peur, souvent très peur ». Elle a dû cesser son activité d’infirmière. Elle ne supportait plus d’entendre les plaintes d’autres femmes battues, ne sachant plus quoi leur répondre. Sa bouée de sauvetage : cet appartemen­t que lui a trouvé «M. Estrosi », à Nice-Est, dans les HLM du quartier Saint-Roch. « Ce n’est pas l’idéal… Mais ça va me permettre de souffler un peu. » L’amorce d’une reconstruc­tion. D’une nouvelle vie. «Savieàlui n’a pas changé, soupire Muriel. Alors que la mienne... »

Je n’ai pas été reconnue en tant que victime”

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(Photo Cyril Dodergny) L’Abri côtier propose un accompagne­ment en toute discrétion.

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