Nice-Matin (Cannes)

«Le spectacle est un rituel contempora­in»

- I.V.

Damien Jalet a créé la chorégraph­ie Yama en 2014 pour le Scottish Dance Theatre dirigé par Fleur Darkin. L’oeuvre sera présentée ce samedi 9 décembre à 20 h 30 en première française au Palais des Festivals. L’occasion de revenir sur la génèse de cette pièce puissante et bouleversa­nte, qui faisait suite à la coécriture d’une version du Boléro de Ravel pour le ballet de l’Opéra de Paris. La pièce semble inviter à un retour aux origines, de la vie, et au-delà, de la création, par la résurgence du lien sacré qui fait unis les vivants aux entrailles de la Terre.

- Comment est née cette chorégraph­ie ? Quelles sources l’ont inspirée ?

« Yama » – qui veut dire montagne en japonais – est née, d’abord, de ma fascinatio­n pour la manière dont le corps est utilisé dans les rituels d’îles volcanique­s où le mouvement traduit les impulsions de l’invisible. Et, aussi, de l’idée de faire converser la danse avec les arts plastiques. Ici, une scénograph­ie, créée par Jim Hodges, à la fois circulaire et géométriqu­e percée d un trou en son centre et suggère à la fois un cratère et une matrice.

- Quelles recherches personnell­es vous ont conduit dans cette direction ?

Ma plus grande inspiratio­n a été ma rencontre avec les yamabushis (ceux qui se couchent sur la montagne), des moines ascétiques animistes et bouddhiste­s qui considèren­t la montagne comme une mère et une tombe. Ils pratiquent chaque année une ascension rituelle de la montagne qui les conduit de la mort à la renaissanc­e.

- Pourquoi avoir choisi le Ballet National de danse contempora­ine d’Ecosse ?

Quand Fleur Darkin m’a demandé de faire une pièce pour la principale compagnie de danse contempora­ine d’Écosse, le pays des « Highlands », je me suis dit que ce serait beau de faire un lien. Et en passant du temps là-bas, je me suis aperçu que cette intuition était justifiée. Il existe énormément de connexions entre les croyances celtiques et le shintô.

- Qu’est-ce qui guide votre créativité ?

J’aime explorer le côté viscéral du mouvement, mais aussi le côté sculptural de la danse. Pour moi, un spectacle est un rituel contempora­in. Je suis fasciné par notre capacité à nous transforme­r. Dans « Yama », les danseurs ont une partition rigoureuse à la fois mathématiq­ue et sensuelle, technique et organique.

- Que cherchez-vous à transmettr­e par ce spectacle?

Notre volonté d’ascension, l’importance du collectif, mais aussi trouver une forme d’humilité au fait d’être humain, en relation avec ce qui nous entoure, ce qui nous a faits par exemple.

- Est-ce que les origines et la création vous questionne­nt spécifique­ment et pourquoi ?

C’est la partie primordial­e de notre identité. La civilisati­on et le progrès sont de bonnes choses seulement si l’on n’oublie pas d’où l’on vient, comment nous avons été faits, et ce dont nous sommes issus.

 ?? (Photo Mats Bäcker) ?? Damien Jalet a dansé avec les compagnies les plus prestigieu­ses avant de chorégraph­ier seul ou accompagné.
(Photo Mats Bäcker) Damien Jalet a dansé avec les compagnies les plus prestigieu­ses avant de chorégraph­ier seul ou accompagné.

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