Nice-Matin (Cannes)

Le défi de Mado la Niçoise et sa marionnett­e

Noëlle Perna a co-écrit La Vraie Histoire du pan bagnat à découvrir dès demain au Théâtre des Oiseaux à Nice. Mais sur scène, elle laisse la place, pour la première fois, à sa marionnett­e

- PROPOS RECUEILLIS PAR SAHRA LAURENT slaurent@nicematin.fr

Elle est assise sur l’un des fauteuils cosy de son Théâtre des Oiseaux, au coeur du VieuxNice. Dans la salle, elle observe, note. Intervient : « Les attaques, soigneles», « ne dis pas “le” mais “un”, c’est plus percutant». Sans une once d’autorité, mais avec bienveilla­nce, comme un guide. Dans la lumière, sur scène: les comédiens Karine Thibault, Laurence Meini et Kévin Pastore. C’est la première répèt’ de La Vraie Histoire du pan bagnat à découvrir dès demain. La toute nouvelle «comédie historico-burlesque» de Noëlle Perna alias Mado la Niçoise, écrite avec Wilfried Raby, son bras droit aux Oiseaux. Si l’enfant du pays reste dans l’ombre pour cette nouvelle création, Mado est bien là. Dans l’écriture, à la mise en scène et un peu sur scène. Mais pas physiqueme­nt. C’est sa marionnett­e qui est sur les planches actionnée par Laurence Meini. Elle imite aussi la voix de Mado distillant ses inimitable­s expression­s à l’accent d’aqui et ses jeux de mots efficaces.

Comment est née cette création?

Elle est née de deux choses. D’abord avec Wilfried [Wilfried Raby est son coauteur, ndlr], nous avions envie d’écrire une pièce en lien avec l’histoire de Nice. Ensuite, depuis longtemps, j’ai le projet de m’amuser autour de la marionnett­e. [L’artiste a d’ailleurs inséré depuis quelques mois, sa marionnett­e dans la pièce VieuxNice.com qui était à l’affiche aux Oiseaux, ndlr]

D’où vous vient cette envie d’évoquer, l’histoire de Nice?

À l’heure de la mondialisa­tion, nous sommes dans une période où nous avons besoin de revenir aux essentiels, de se réencrer dans nos spécificit­és pour mieux les partager. Cela doit permettre des échanges culturels dynamiques.

Alors que certains défenseurs de la culture niçoise s’inquiètent de voir disparaîtr­e le nissart (lire notre édition de Nice du lundi  décembre), un des personnage­s

parle niçois… C’est un parti pris ? Il s’agit plutôt d’expression­s. Du parler populaire. C’est très important de ne pas perdre nos spécificit­és, nos fondamenta­ux. En plus, les expression­s niçoises sont naturellem­ent drôles et j’aime la musicalité des mots. La première de La Vraie Histoire du pan bagnat a lieu demain aux Oiseaux. Comment présenteri­ezvous ce spectacle encore jamais joué ? C’est un mesclun de Nice, avec la marionnett­e de Mado, des expression­s d’ici, de l’histoire de la cité – des choses vraies et des choses surréalist­es –, avec des personnage­s niçois comme Catherine Ségurane. Tout cela présenté ici, au coeur du Vieux-Nice.

Justement, un personnage comme Catherine Ségurane est une figure de proue des partis extrémiste­s à Nice (). Quel est votre message quand vous vous réappropri­ez son histoire?

Je ne fais pas de politique. Je suis à mille lieues de reprendre Catherine Ségurane comme peuvent le faire ces partis. Ce n’est pas un monopole, elle appartient à tout le monde. Comme tous les personnage­s, je la place dans une vraie contempora­néité. Ce n’est pas Rococo, ni même passéiste avec l’idée de « c’était mieux avant ».

Pourquoi ce spectacle est-il contempora­in?

La grande nouveauté, c’est la marionnett­e de Mado. Faire jouer les comédiens avec ce pantin, c’est un concept nouveau.

Un renouvelle­ment pour vous?

Rien qu’à la mise en scène: cela m’a demandé de travailler dix fois plus. Il faut toujours que la marionnett­e soit présente, sans troubler le jeu, le rythme des comédiens. C’est le danger aussi: qu’ils se laissent happer par elle.

C’est aussi une écriture nouvelle, puisque c’est une pièce?

Oui, tout à fait. C’est une vraie pièce et non pas une succession de sketches, comme j’aime, habituelle­ment le faire. C’est nouveau parce que c’est la première fois que j’écris avec Wilfried. Puis, nous avons aussi beaucoup plus travaillé sur la dramaturgi­e. C’est aussi cela qui m’a intéressée: découvrir une expérience nouvelle.

Est-ce spécial de jouer ce spectacle ici, lieu même de sa création?

C’est spécial dans le sens où, ici, je n’ai aucunes contrainte­s, je n’ai aucunes obligation­s de résultats, contrairem­ent aux salles nationales. Nous sommes uniquement dans le plaisir.

Quelle est la vocation première de cette comédie?

La vraie vocation – et je l’ai pensé comme ça en tant que metteur en scène – c’est vraiment de réunir les enfants et les adultes autour de choses communes. L’idée aussi est de donner envie aux adultes de retrouver leur coeur d’enfants. D’ailleurs, dans La Vraie Histoire du pan bagnat, on parle aux « enfultes ».

Redonner de l’espoir, une touche de magie?

J’ai envie que le spectateur touche un peu à cet univers merveilleu­x. Et, le merveilleu­x est partout, c’est à nous de le regarder et de le contempler, comme avec une sorte de pureté enfantine. C’est mon coeur d’enfant qui me fait utiliser la marionnett­e. Je la travaille avec mon coeur de gamine. Et à partir de là, toutes les portes s’ouvrent. C’est cette part d’onirique qui m’importe avec toutes les sensations autour. L’amusement, l’émotion, le rire... C’est une banalité, en fait, c’est ce qui importe tous les artistes.

Des projets?

Mon rêve, c’est de continuer avec la marionnett­e. En fonction de l’expérience avec cette pièce, cela permettra le prolongeme­nt, ou non, de cette envie.

Se réencrer dans nos spécificit­és pour mieux les partager ” C’est mon coeur d’enfant qui me fait utiliser la marionnett­e ”

1.Aujourd’hui, vice-président du Groupe FN au conseil régional, Philippe Vardon, se présentait, lors des élections législativ­es 2017 en indiquant : « Je suis né à Nice, mes origines sont niçoises (...) J’ai oeuvré à restaurer l’identité nissarte avec le défilé rendant hommage à Catherine Ségurane. » Une procession organisée, en mémoire de la lavandière qui fit reculer l’envahisseu­r turc en 1543. En 2014, Philippe Vardon, alors leader du groupe identitair­e Nissa rebela expliquait que « l’évocation de Catherine Ségurane ne relève pas du folklore mais de la mémoire. » Et d’ajouter : « C’est elle la lavandière nous rappelant qu’à Nice comme ailleurs c’est toujours le peuple qui se dresse quand les gouvernant­s trahissent ou renoncent . »

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