Nice-Matin (Cannes)

Tension avocat et parquet autour d’un dossier de personnali­té

- CH. P.

C’est un incident somme toute mineur mais révélateur d’une justice au bord de la crise de nerfs. En comparutio­n immédiate, chacun travaille dans l’urgence. Et cela peut provoquer des tensions. Me Christian Scolari défend un couple de Vallauris accusé d’avoir permis l’entrée illégale en France de jeunes Marocains pris en auto-stop à Vintimille. Dans le cadre d’une comparutio­n immédiate, à Nice, constituer un dossier de personnali­té relève parfois de la gageure. À la fin de la période de garde à vue, le pénaliste disposait d’à peine deux heures pour préparer la défense de ses clients. Il fallait rassembler notamment les contrats de travail. Parce que le tribunal est comme saint Thomas : il ne croit que ce qu’il voit. Lui est livreur. Elle est employée dans une maison de retraite. Ils n’ont pas de casier judiciaire. Au début de l’audience, l’avocat s’est approché de la procureure pour lui remettre le dossier. Il s’est fait rabrouer. La magistrate qui représente la société a refusé de jeter un oeil aux pièces, jugées trop nombreuses, et demandé à l’avocat de faire le tri.

« Les pizzas meilleures qu’à Vallauris »

Alors, quand au moment de l’instructio­n du dossier, la même magistrate demande des pièces de personnali­té, le volcanique Me Scolari s’étrangle. Le ton monte au point que la présidente suspend l’audience. Le temps que chacun se calme et prenne connaissan­ce des éléments de personnali­té des prévenus. Après cet intermède, la procureure requiert finalement un an de prison ferme assorti d’un mandat de dépôt et la confiscati­on du véhicule. Elle ne croit pas à l’argument du couple qui serait venu à Vintimille, « parce que les pizzas sont meilleures qu’à Vallauris. » Elle doute aussi du motif humanitair­e, le couple ayant lâché les deux jeunes en pleine nature, une fois la frontière franchie. Me Christian Scolari regrette qu’il y ait dans ce dossier « une présomptio­n de culpabilit­é ». « Ce n’est pas écrit sur moi que je suis marocain, que je suis mineur, que je suis sans papiers », plaide l’avocat, auxiliaire de justice : « Je ne suis pas là, avocat, pour tromper le tribunal. » Le couple est finalement condamné à huit mois de prison. Une peine aménageabl­e qui lui permet de sortir libre du palais de justice. Le dossier de personnali­té confection­né à la hâte a sans doute pesé dans la balance.

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