Nice-Matin (Cannes)

Francis, son garde du corps niçois : « Il aimait profondéme­nt les gens »

- ERIC GALLIANO

Quand le téléphone a sonné, Francis Moya a hésité. Au bout du fil «c’était Jimmy» ,le directeur de la sécurité de Johnny Hallyday. «Il m’a dit : “il faudrait que tu viennes à Paris nous donner un coup de main”... » L’appel remonte à trois jours. Alors que la France venait d’apprendre la disparitio­n de l’une de ses idoles, en coulisse se préparait déjà l’organisati­on d’un hommage. Forcément populaire. On se doutait qu’ils seraient descentain­es de milliers à vouloir dire adieu à Johnny. Avec tous les enjeux de sécurité que cela allait représente­r. Et évidemment, dans l’ombre comme toujours, Jimmy était à la manoeuvre pour faire en sorte que tout se passe bien. Jimmy, c’était l’ange gardien attitré de Johnny Hallyday. Et Francis, en quelque sorte son alter ego azuréen. Durant plus de 20 ans, ce profession­nel niçois de la sécurité rapprochée a marché dans les pas de la star à chacun de ses déplacemen­ts sur la Côte. Alors, lorsqu’il s’est agi d’escorter Johnny vers sa dernière demeure, Jimmy l’a appelé en renfort. Mais, cette fois, Francis le Niçois n’a pu se résoudre à accepter cette ultime mission. «Ce n’est pas l’image que je veux garder de ce grand homme», souffle-t-il. Car, son Johnny a lui, «il aimait la vie et surtout les gens».

« Il était juste normal » C’est « aussi simple que ça », résume Francis qui, de par son métier, en a côtoyé bien d’autres des stars. Des « prétentieu­ses », parfois. De «capricieus­es », souvent. Au point que s’il devait un jour rompre ses voeux de silence il pourrait, assure-t-il, « remplir des livres entiers avec les frasques » de certaines d’entre elles. Mais Johnny Hallyday n’était pas de celles-là. «Tout au long de ces années, je ne l’ai jamais entendu avoir un mot plus haut que l’autre. Il était toujours poli, correct et surtout extrêmemen­t à l’écoute des gens qui l’entouraien­t. » «Je crois en fait que c’était juste quelqu’un de normal», résume Francis. En dépit d’un succès qui, lui, n’avait rien d’ordinaire. Évidemment, le garde du corps niçois se souvient des mouvements de foule que pouvait déclencher une apparition de Johnny sur la place des Lices ou à SaintPaul-de-Vence. Il garde même quelques sueurs de ce printemps 2009 où Johnny avait décidé de traverser la foule d’un Stade de France plein à craquer pour rejoindre la scène. « On était quarante gars autour de lui pour faire barrage. Tout le monde voulait l’approcher, le toucher. C’était de la folie. Je ne pensais plus qu’à une seule chose: essayer d’arriver au bout ! »

« Je ne l’ai jamais vu dire non à quelqu’un » Mais Johnny, lui, « aimait pardessus tout ce contact humain ». Que ce soit lors de ses concerts où à l’occasion d’une soirée en marge du festival du film. « Comme cette fois où on s’est retrouvé jusqu’à 4 heures du matin dans une boîte de nuit cannoise, se souvient Francis .Il était manifestem­ent épuisé et serait bien allé se coucher, mais il n’arrivait pas à se résoudre à couper court aux sollicitat­ions des gens qui l’entouraien­t. » « Je ne l’ai jamais vu dire non à quelqu’un. Je crois que l’idée même de repousser les gens l’embêtait. Jimmy le comprenait d’ailleurs d’un regard et nous faisait signe. C’est nous qui coupions alors gentiment court. Pour qu’il ne rate pas l’avion par exemple. Je ne compte pas le nombre de fois où on l’a ramené in extremis à l’aéroport de Mandelieu, deux minutes seulement avant qu’ils ne ferment les pistes pour la nuit. » «Il était comme ça Johnny, souffle son ancien garde du corps azuréen. Profondéme­nt humain. Il aimait le contact avec les autres. Au point qu’il n’était pas rare qu’il sorte brusquemen­t de sa loge ou de sa chambre d’hôtel juste pour demander “comment ça va ?”. Je répondais “bien Johnny, merci” et il repartait en disant “tant mieux”...» Si la voix éraillée du chanteur pouvait encore lui poser la question aujourd’hui, Francis répondrait que, comme beaucoup de Français il ressent « une profonde tristesse» aujourd’hui parce que c’est un « homme de valeur » qui s’en est allé.

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