Chantiers à mener pour le Citron de Menton
Avec un nouveau président à sa tête, l’association de promotion du citron de Menton (APCM) vient d’établir un nouveau plan d’actions. Le fil conducteur est clair : augmenter la production
Nouvelle présidence, nouveaux objectifs. L’association de promotion du Citron de Menton (APCM) vient d’établir son nouveau plan d’actions. Une série de mesures ambitieuses pour augmenter la production du fruit labellisé, dans les cinq communes concernées (Menton, bien sûr, mais également Roquebrune, Gorbio, Castellar et Sainte-Agnès). De manière à ce que son exploitation soit plus viable. Conforme aux attentes d’une clientèle amoureuse de son goût et de la qualité de sa chair. De manière à ce que les agrumiculteurs puissent en vivre.
Multiplier les plants
Qu’est-ce qu’une exploitation pérenne ? Telle est la question que le nouveau président de l’APCM, Jean-Philippe Laurès, ainsi que son équipe, se sont posée en premier lieu. Afin de savoir sur quelle base s’appuyer. Les chiffres, évidemment théoriques, révèlent ainsi qu’il faut entre 100 et 150 arbres pour avoir un retour sur investissement – sans salaire néanmoins. Pour espérer obtenir une rémunération, il en faut entre 200 et 250. Pour un double salaire ? Entre 400 et 500 arbres. Autant dire qu’à ce jour, rares sont les agrumiculteurs à remplir les conditions. Pour satisfaire les besoins, il faudrait en fait obtenir entre 600 et 650 tonnes de citron labellisé par an. Bien loin des 40 tonnes d’aujourd’hui. À ce titre, le territoire de l’APCM souffre d’un déficit de 10 000 arbres. L’un des problèmes rencontrés par la filière agrumicole se niche dans l’obtention des bigaradiers (les porte-greffe), très réglementée. Seuls trois pépiniéristes corses sont en effet supposés pouvoir en fournir. «Les Corses sont très occupés par la clémentine. Or c’est notre fournisseur unique. Et nous, nous ne sommes qu’un tout petit client. Il devient important de se séparer de cette contrainte », souligne le président. Indiquant à demi-mot que les risques de contamination par la Xylella fastidiosa pourraient par ailleurs mettre un coup d’arrêt à l’import/export de tels plants. De quoi rêver à une part d’indépendance… botanique. La solution ? Elle pourrait être dans l’achat de graines. En vue d’obtenir 30 000 nouveaux plants dans les 3 à 4 ans, l’association utilisera ainsi les compétences de la Ville de Menton – partenaire de toujours – pour semer 50 000 graines de bigaradier. Quand les tiges auront la taille d’une cigarette, la greffe deviendra possible. « L’APCM et la Ville n’ont pas vocation à devenir pépiniéristes pour autant. C’est juste une manière d’amorcer la pompe et de démontrer la viabilité du marché. »
Recenser les arbres Parmi les principales actions à mener rapidement : l’identification de tous les citronniers existant sur le secteur. «Nous souhaitons les recenser et les remettre en production. Nous n’avons pas de base de donnée, les arbres ne figurent pas au cadastre. Or on sait qu’il en existe parfois sous des ronces, explique Jean-Philippe Laurès. Il n’est plus possible de perdre ce potentiel. On peut accompagner ceux que les procédures d’habilitation inquiètent. Ce dont on a besoin, c’est de leur savoir-faire et de leurs arbres ». Tous les propriétaires sont ainsi invités à se rapprocher de l’APCM – qui siège au 38, rue Gréville. Davantage de personnes habilitées permettraient d’augmenter plus encore les rendements. Ne seraitce qu’au sein de l’association, où sur les 60 adhérents, seuls 16 sont allés au bout de la démarche. Un exemple trotte dans la tête de Jean-Philippe Laurès : sur la baie d’Amalfi, également connue pour son citron, les chiffres de production sont étourdissants. 3 300 tonnes par an. Alors que la majorité des agrumiculteurs n’est pas professionnelle. « Cela légitime notre ambition », souffle le responsable. Lui qui – spécialisé dans le conseil aux chefs d’entreprise – invite tout de même à se diversifier au maximum. Pourquoi pas en plantant d’autres espèces dans les quatre mètres qui doivent séparer un citronnier d’un autre, comme dicté par le cahier des charges.
Élever des abeilles « Sans avoir plus d’arbres, plus d’eau ou plus de main-d’oeuvre, on peut avoir une augmentation de production », assure le représentant. Grâce… aux abeilles ! Sans qui la pollinisation est impossible. Une exploitation locale, dont le rendement est excellent, a ainsi subi une baisse de 30 % après que ses ruches sont passées d’une douzaine à trois ou quatre. Par empirisme, on peut tout à fait envisager que l’inverse fonctionne. « Il nous faut farcir la ville de ruches. Elles vivent leur vie, il n’y a même pas besoin de relever le miel », clame Jean-Philippe Laurès. Indiquant qu’il serait aussi profitable d’améliorer l’accès à l’eau. En rouvrant des canaux, voire en effectuant des forages.
Former de la main-d’oeuvre Pour mener à bien le plan d’actions, il faudra également compter sur de la main-d’oeuvre. Les besoins sont ainsi évalués à 40 personnes. Et si l’APCM mise sur l’expérience du lycée horticole d’Antibes ainsi que sur la Mission locale pour parvenir à ses fins, il demeure évident que la formation ne se fera pas en un claquement de doigt. « La main-d’oeuvre prend autant de temps à pousser que les arbres », assume Jean-Philippe Laurès. Conscient que les formations courtes seraient les meilleures. Ne serait-ce que pour tester le métier (difficile) avant de s’y engager pour de bon.
Créer une coopérative ? Pour bien relancer la filière, l’APCM pense par ailleurs à créer une coopérative. Une centrale d’achat et de vente qui pourrait faire office de colonne vertébrale. Et agglomérer petits comme grands exploitants. «On pourrait tout à fait envisager y faire de la transformation, avoir un ingénieur agronome sur place… »