Jean Gilletta : un oeil de reporter visionnaire
Le dernier ouvrage paru aux éditions Gilletta révèle un talentueux preneur d’images de la vie azuréenne au quotidien, mais également un entrepreneur des temps modernes
Plus qu’un recueil de photographies. Un livre… très révélateur. D’une époque plus douce, plus calme, plus sereine. « Jean Gilletta et la Côte d’Azur»(1). Images magiques qu’on se repasse en boucle pour rêver. Dans les photos de Jean Gilletta, à l’instar de Mary Poppins devant les dessins à la craie, on saute à pieds joints. Portails magiques vers un autre temps. Quand la terrasse du café Monnot, noir de monde, donnait une allure élégante et vivante aux arcades. Quand le marché aux fleurs de la rue Saint-François-de-Paule, croulait sur les oeillets des collines. Quand les bugadières faisaient du Paillon un lavoir autant qu’un séchoir à linge. Quand le tramway grimpait jusqu’à Sospel. Quand le président de la République Sadi Carnot attirait des milliers de Niçois en 1890, place Masséna. Hivernants, gens de la terre, personnalités, sportifs, pêcheurs, chasseurs alpins, fêtards du carnaval, rivages, montagnes, ponts, routes, palaces… 600 photos de Nice et des villes azuréennes sont regroupées dans ces paysages et reportages de 1870 à 1930. Choisis, présentés, commentés par Jean-Paul Potron, conservateur et commissaire de l’exposition similaire, présentée actuellement et en résonance au livre, au musée Masséna. «Cela fait 20 ans que je travaille avec les éditions Gilletta et que je compulse leurs collections.» Une intimité de laquelle s’échappent avec délice, l’amour de Jean Gilletta pour son pays, son humour, sa bonhomie. Sacré bonhomme d’ailleurs! Qui transparaît dans les 5 chapitres. «On ne se limite pas à la très belle photographie de paysage. Il y a aussi des cartes postales, des chromos, des photos industrielles et commerciales.» Jean Gilletta est souvent en vadrouille. Sur le terrain. Parcourant villes et campagnes, perché sur son tricycle Deudion Bouton. C’est pour cela que des sociétés lui confient des reportages, d’où les photos d’ouvrages d’art, de tramways, de chemins de fer… «C’est ce travail global sur un territoire qu’on a voulu montrer. Chaque virage, chaque ligne droite, chaque site est représenté. C’est Google map avant l’heure. Les images ont fait le tour du monde grâce aux cartes postales et à l’édition de brochures touristiques. En outre, certaines photos, comme celles du carnaval, étaient achetées par des journaux.»
Une marque, une patte
Gilletta, un visionnaire. Qui adapte la photographie à la vie locale, aux besoins d’alors, aux loisirs évoluant: ski, régates, courses de voitures… Un bon photographe également. «Il avait un oeil, savait choisir l’angle et amener le premier plan par des personnages. Il ne travaillait pas en studio et composait ses paysages comme les peintres.» On le rencontre souvent dans les villages. «Lorsqu’il n’y a pas de librairie, il sollicite un bar, un hôtel, une épicerie… prend en photo l’établissement, met la carte postale au nom de ce dernier qui la vend. Du coup, Gilletta devient une marque. Qui est restée le nom de l’entreprise. C’est pour cela qu’il est aussi un entrepreneur moderne…»