La cohabitation intergénérationnelle
Zoom Véritable modèle de solidarité, l’habitat partagé prend progressivement de l’ampleur. Un double bénéfice pour les jeunes et les retraités
Selon une récente étude de l’Insee, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur pourrait compter 5 165 000 habitants en 2030, si les tendances démographiques se maintenaient. Au coeur de ce processus, l’augmentation de la part de seniors serait significative. Ainsi, la population en âge de travailler (de 20 à 64 ans) serait de moins en moins nombreuse dans tous les systèmes territoriaux. Cette baisse serait particulièrement importante dans le système azuréen (diminution de 6 % des actifs, deux fois plus vite que dans le système provençal). À l’inverse, comme le souligne l’étude, avec l’arrivée aux grands âges des générations du baby-boom (nées entre 1945 et 1975), le nombre de seniors augmenterait fortement d’ici 2030 en Paca (+ 35 %). Ils seraient près de 1,37 millions à avoir 65 ans et cette hausse serait particulièrement marquée dans le secteur alpin (+ 51 %). De plus, la progression du « quatrième âge » serait encore plus importante : le nombre de 75 ans ou plus augmenterait de 44 %. Parallèlement, la part des jeunes étudiants est également en augmentation : + 3,8 % depuis 2012 (chiffres ARI 2016). Deux catégories sociales qui souffrent souvent d’un manque de moyens pour se loger et se retrouvent également isolées. Une option à envisager La cohabitation intergénérationnelle est considérée comme certains acteurs de l’économie sociale et solidaire comme une innovation. Elle consiste à mettre en relation un jeune en recherche de logement avec un senior disposant d’une chambre. Un dispositif encadré, qui respecte une charte bien particulière. Il repose sur le partage, l’échange entre deux générations et a de nombreux avantages : prolonger le maintien à domicile, rompre l’isolement, se sentir en sécurité, sortir, manger ensemble. Sans parler des avantages pécuniaires. Sans entrer dans les détails officiels, l’important est de comprendre que le jeune n’a pas vocation à se substituer aux intervenants professionnels à domicile. Sa présence a pour but de rassurer la personne âgée et sa famille (et inversement d’ailleurs, lorsque les jeunes font des études loin de leurs proches). Des réseaux nationaux, avec des antennes locales sont d’ores et déjà structurés pour coordonner ces mises en relation et le bon fonctionnement du système. C’est d’ailleurs auprès de ces organismes que l’on peut mettre en route les démarches. L’initiative se développe tellement que l’Assurance retraite envisage de lancer, dès le mois de janvier prochain, une plateforme internet européenne destinée à mettre en relation des retraités avec des étudiants étrangers, à la recherche d’une chambre pour leur année Erasmus. La Caisse nationale d’assurance vieillesse souligne que le programme, intitulé « Toit + Moi », ne prévoit qu’une participation aux charges courantes (dans la limite de 150 euros mensuels). L’objectif est ici double : une présence et un échange avec une autre culture. Les premières villes concernées sont Bordeaux, Paris et Lille. Une expérimentation en Paca Si le dispositif existe déjà de particulier à particulier, et grâce aux associations locales présentes sur le département - notamment à Nice - Cannes est la première ville des AlpesMaritimes à mettre en place ce système de façon communale. En partenariat avec l’association Ensemble2générations Alpes-Maritimes, la ville propose la cohabitation intergénérationnelle. L’objectif étant de renforcer son offre d’hébergements estudiantins en vue de l’ouverture du futur campus universitaire cannois, sur le site de la Bastide Rouge. Avec pour ambition de créer dix binômes par un, dont la bonne entente sera contrôlée par le CCAS et GIP Bel âge (émanations municipales), Cannes mise sur un concept qu’elle espère gagnantgagnant, en s’investissant pleinement dans le projet. Le programme est proposé selon trois formules. « Le logement gratuit » avec engagement de présence de l’étudiant quatre soirs par semaine et deux week-ends par mois (trois semaines de vacances entre septembre et juin). « Le logement économique », dont la participation financière se limite aux frais d’usage en échange d’une présence régulière de l’étudiant, le partage des tâches et une participation de 80 euros par mois. Enfin, « Le logement solidaire », avec un loyer mensuel de 300 euros et des services spontanés de la part de l’étudiant. • MÉLISSA MARI / SOPRESS