Nice-Matin (Cannes)

Arturo Brachetti au Palais les 4 et 5 janvier

Les 4 et 5 janvier, le maître du transformi­sme présente son spectacle, Solo, où il revisite sa maison d’enfance et incarne une galerie de personnage­s. Époustoufl­ant et émouvant

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

Il y a cette houppette tintinesqu­e et cet esprit Peter Pan. Il y a ce sourire enthousias­te d’un éternel garnement, même à 60 ans. Il y a ces 350 costumes, dans lequel Arturo se glisse en un claquement de doigt, comme on revêt une seconde peau. Il y a ces décors, avec effets laser et sonores, pour un spectacle total. Il y a Arturo Brachetti, maestro du transformi­sme, et maître enchanteur. Magicien de la comédie humaine, que cet Italien révélé au Paradis latin. Mais il y a aussi ce fils d’ouvriers dans Turin la grise, dont l’âme d’artiste a forgé un destin de showman. Cet enfant timide et pudique, qui se révèle aussi à travers les autres. Cet ancien élève de séminaire, qui a fait du divertisse­ment son réel sacerdoce. Avant Solo, son dernier spectacle présenté les 4 et 5 janvier au Grand Auditorium du Palais, l’artiste unique aux multiples facettes nous parle de lui. Avec humour et sincérité. Sans masque. Arturo Brachetti dans Solo, jeudi 4 et vendredi 5 janvier à 20 h au Grand Auditorium du Palais des Festivals. (1 h 30). Tarifs : de 12 à 50 euros. Tél. : 04.92.98.62.77 ; billetteri­e@palaisdesf­estivals.com

Votre spectacle s’intitule Solo, mais vous êtes toujours multiple ?

Bah oui ! Mais en effet, là, je ne suis pas tout seul, puisque je suis accompagné de mon ombre ! J’emmène le spectateur à la découverte d’une maison de poupées dont j’ouvre toutes les pièces, et chacune d’elle donne lieu à un univers. Pour cette visite, je suis aidé de mon ombre, incarnée par un acteur de couleur américain. Cette ombre, c’est la partie rationnell­e de mon âme, moi qui suis plutôt un Peter Pan. À la fin, après une galerie de soixante personnage­s et de nombreux effets spéciaux, je me réconcilie avec mon ombre, c’est la partie la plus touchante du spectacle.

Vous vous efforcez toujours de mêler magie et poésie ?

C’est très important. Pendant une heure trente, c’est une rafale de surprises, d’effets spéciaux, de magie, mais à la fin, ce qui gagne toujours, c’est l’émotion. Cette petite pensée avec laquelle les gens rentrent à la maison. Vous êtes né à Turin, la ville de Fiat. Mais plutôt que de jouer aux petites voitures, vous avez préféré les poupées ? Entre  et  ans, j’avais un petit théâtre de marionnett­es, j’obligeais ma soeur à jouer avec moi, je construisa­is des petits décors en miniature, je cherchais le mot « théâtre » dans toutes les encyclopéd­ies. Je suis issu d’une famille ouvrière dans le Turin gris des années , et mes parents se sont toujours demandés où j’avais puisé cet imaginaire. Mais les bagnoles et le foot, ce n’est pas du tout mon truc !

En revanche, au séminaire, la robe de prêtre a-t-elle été première source d’inspiratio­n ?

Ah, ah, non, car au séminaire, les prêtres ne portaient pas leur tenue. Mais certains ecclésiast­iques aimaient le théâtre et dans un entrepôt, je piquais déjà les costumes de chinois, d’Indien, de cow-boy. À  ans, j’ai réalisé mon premier numéro où j’étais d’abord une sorcière, avant de devenir une fée, puis un homme. Après, quelqu’un m’a parlé de Fregoli, le grand transformi­ste italien de la belle époque, mais il n’y avait aucun secret consigné dans les livres. En , j’ai été embauché au Paradis latin, car j’étais le seul à faire ça dans le monde.

Vous avez transformé le transformi­sme ?

Complèteme­nt ! Entre Fregoli et moi, il y a

‘‘ un grand trou de cinquante ans, avec des vitesses et des styles pour chaque époque. Du temps de Fregoli, on mettait dix minutes à un quart d’heure pour se changer, alors que je mets une seconde et demi, c’est dans le Guiness des records.

Pour réussir cette prouesse à  ans, une hygiène de vie ? Ah oui ! Quand j’ai quitté le séminaire, un prêtre m’a dit : « l’important, c’est d’avoir une vocation. Si c’est de faire rire et rêver, va jusqu’au bout ». Alors je vis mon métier comme une mission : je fais la diète, de la gym, je ne fume pas, je ne bois pas, je ne me drogue pas, et à  ans, je suis en pleine forme sur scène. Et quand je reçois tous ces applaudiss­ements, je m’en fous de ne pas manger tout le panettone à Noël ! C’est votre cure de jouvence ? Mes copains m’ont dit d’aller voir un psy, et il m’a confirmé que j’avais bien le syndrome de Peter Pan. Mais il m’a dit : « garde-le bien ce syndrome, car il te fait manger : ! » (rires) Alors je l’entretiens, y compris chez moi où il y a des miroirs qui parlent, de l’eau lumineuse, un frigo à demi-plein de nourriture en trompe-l’oeil. L’illusion, c’est la constante de ma vie.

Vous êtes « l’homme aux mille visages ». Quel est le vrai Arturo Brachetti ?

Ah ! Je suis toujours quelqu’un d’assez timide, d’assez discret dans la vie même si je fais toujours des choses pour me faire remarquer. Mais je me sens beaucoup mieux dans ma peau qu’il y a trente ans. Bien sûr, ça me fait ch… de vieillir, mais j’essaie de ne pas fréquenter de gens de mon âge, qui parlent uniquement de leur prostate et de leur femme qui les a quittés. Je cherche toujours à innover, et j’ai appris à maîtriser les périodes creuses entre deux spectacles, pour ne pas déprimer.

Un personnage fétiche ?

Pas vraiment. Mais pour un film ou une pièce, j’aimerais n’incarner qu’un seul personnage. J’ai déjà essayé mais le problème, c’est qu’à chaque fois, les spectateur­s attendent que je me transforme !

J’aimerais n’incarner qu’un seul personnage, mais à chaque fois, les spectateur­s attendent que je me transforme ! ”

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(Photo DR) Arturo Brachetti : derrière le sourire, l’homme aux mille visages cache une grande timidité…

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