Nice-Matin (Cannes)

Cristòu, ex-Christophe : « Garibaldi aussi a changé le sien »

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« Après examen de votre demande de changement de prénoms (...), il apparaît que cette demande revêt un intérêt légitime au sens de l’article 60 du Code civil. Par conséquent, vous êtes désormais autorisé à vous prénommer : Cristôu. » Il s’appelait Christophe. Il s’appelle Cristôu. « C’est toujours Christophe, mais dans une autre langue. Simplement, j’aurais préféré “Cristòu” avec un accent grave, et non circonflex­e », précise celui qui se nomme désormais, officielle­ment, Cristôu Duchesne. Impossible, pour les services de l’état civil, d’enregistre­r un « ò » qui n’existe pas en français. Alors, le temps d’un témoignage, accordons le bénéfice de l’accent grave à ce Niçois de 42 ans qui, lui, affiche un air plutôt jovial. Car c’est en tant que Cristòu Daurore (même son nom a été « nissardisé ») qu’il préside la Republica de Nissa. Une République purement symbolique, mais une associatio­n qui revendique un patrimoine historique bien réel. Cristòu, on l’aura compris, est nissart jusqu’au bout des ongles, lui qui arbore un t-shirt à l’effigie de Garibaldi. « Lui aussi a eu un problème de

‘‘ prénom !, s’amuse Cristòu. Quand il est né en 1807, Nice était occupée par l’empire français. Il est donc né Joseph Garibaldi, avant de devenir Giuseppe. » « Occupée », « empire » : tous les Niçois ne partageron­t pas les choix sémantique­s de Cristòu Duchesne. Mais tout citoyen doit lui reconnaîtr­e sa nouvelle identité. Depuis le 11 juillet dernier, Christophe est bel et bien devenu Cristôu aux yeux de l’administra­tion française. « J’étais très content et très fier. J’ai montré l’acte de l’état civil à mon travail », sourit ce quadra aux deux casquettes : Cristòu enseigne le niçois au lycée Sasserno d’un côté, intervient de l’autre dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile, via l’associatio­n ATE. Il est aussi à l’origine d’une opération qui a fait le buzz récemment : la mise en circulatio­n de billets nissarts.

« Ne pas devenir schizo »

Mais d’où lui vient donc ce gène niçois ? « De mon enfance, explique Cristòu. Je suis né à Nice, d’un père venu d’Eure-et-Loir et d’une mère d’origine italienne. Quand j’avais 12 ans, elle a été mutée à Auxerre. Nice m’a beaucoup manqué. Je l’ai redécouver­te avec un nouveau regard. Alors, à 14 ans, j’ai pris la décision de changer mon prénom et mon nom, en traduisant “Duchesne” en niçois. Bon, pour le nom, ça a été plus compliqué... » Cristòu entend affirmer ses origines. Sans pour autant renier son identité. « Je préfère traduire qu’inventer autre chose. Par respect pour mes parents », explique Cristòu. « Quand on m’appelle “Christophe” en connaissan­ce de cause, ça vient de gens qui ne sont pas contents de moi », sourit-il. Et de relativise­r ce délicat équilibre : « Avec ces deux identités, il ne faut pas devenir trop schizo ! »

« Compliqué à l’époque »

Puisque la chose lui tenait tant à coeur, pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt ? « Parce qu’en prenant contact avec un avocat, j’avais pris conscience que ce serait compliqué, justifie Cristòu. À l’époque, ça coûtait 240 euros de mettre un pseudo avant son nom. Je trouvais ça un peu cher... Une fois la loi promulguée, j’ai sauté le pas. » Parmi les questions posées : « Ils voulaient savoir si j’avais des enfants. Car ça aurait modifié leur état civil. » Cristòu s’apprête justement à devenir papa, en mars. D’ici là, il envisage sérieuseme­nt d’effectuer les démarches auprès d’un notaire afin de changer son nom. Finalement, Cristòu n’aura fait que transposer dans la vie quotidienn­e un exercice vieux comme l’école : prendre un prénom d’emprunt. Comme il le faisait, au collège, à la demande de son prof d’anglais. Comme le font, aujourd’hui, ses élèves en niçois. « Certains parents m’ont demandé de leur suggérer un prénom en niçois, témoigne Cristòu. Et je pense qu’ils sont nombreux à avoir baptisé ainsi leur enfant. »

 ??  ?? A gauche, sa carte d’identité française au nom de « Christophe ». A droite, sa carte délivrée par une associatio­n nissarde mentionnan­t « Christòu »... Avec un H. « Je n’arrive jamais à avoir la bonne orthograph­e ! », grimace ce Niçois de  ans, fier...
A gauche, sa carte d’identité française au nom de « Christophe ». A droite, sa carte délivrée par une associatio­n nissarde mentionnan­t « Christòu »... Avec un H. « Je n’arrive jamais à avoir la bonne orthograph­e ! », grimace ce Niçois de  ans, fier...

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