Nice-Matin (Cannes)

Lola, ex-Laurence : « A Londres, on m’appelait “Monsieur” »

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« Je n’y pense même plus. Pour moi, je suis Lola, point ! J’ai tourné la page. » Elle s’appelle Lola. Mais elle s’appelait Laurence. C’est ainsi que cette Niçoise de 45 ans apparaissa­it, début 2017 encore, aux yeux de l’administra­tion. Pour son entourage en revanche, voilà belle lurette que Laurence est devenue Lola. « Je n’ai pas l’impression d’avoir changé d’identité. C’est plutôt une officialis­ation de quelque chose qui existait déjà... » Une officialis­ation qui découle d’un processus intime, long et tortueux. Car pour Lola, les conflits autour de son prénom avaient débuté avant même... sa venue au monde. « Mon père voulait un garçon. Or quand ma mère était enceinte (à l’époque il n’y avait pas d’échographi­e), on lui a dit que ce serait un garçon. Mon père en a été convaincu. Ils ont choisi un prénom : Laurent. Et ils l’ont changé quand je suis sortie du ventre de ma mère. » Lola se confie par téléphone, depuis la région paternelle où elle passe ses vacances. Mais la souffrance des questionne­ments intérieurs transpire de son témoignage.

Soucis administra­tifs

« Quand j’étais petite, tout le monde m’appelait Lola - ou Lolita, car ma mère était d’origine italienne. On ne m’appelait Laurence qu’à l’école », se souvient la désormais quadragéna­ire. Parvenue à l’âge adulte, elle est partie travailler en tant que libraire à Londres, puis en Ecosse. « Et là, ça me posait problème. Car dans le monde anglosaxon Laurence est un prénom masculin ! » Laurence Fishburne, Laurence Olivier... L’histoire du cinéma traduit ce décalage culturel. De quoi susciter des situations bien plus embarrassa­ntes que cocasses. « Ça me posait des soucis au niveau administra­tif. On m’écrivait : “Monsieur...” Des contacts profession­nels s’attendaien­t à voir un homme, or je ne suis pas très masculine !» Lola soupire : « À chaque fois, je devais expliquer que je m’appelais Lola, pas Laurence. J’en avais marre d’être appelée “Monsieur”. »

« J’étais au taquet ! »

Déjà alors, ses interlocut­eurs américains lui suggèrent l’idée. « Chez eux, c’est très facile.

‘‘ Alors que chez nous, cela passait par un avocat, avec des frais au tribunal... Un frein pour beaucoup de personnes. Dont moi. » Voilà deux ans, une tante informe Lola que la législatio­n française va s’assouplir. Elle scrute alors de près le processus législatif. En mars, sitôt la loi promulguée, Lola contacte le service de l’état civil. « J’étais parmi les premières à faire la démarche, j’étais au taquet ! » Les décrets d’applicatio­n sont alors tout frais, les formulaire­s encore en attente. « Ils ont été hyper patients avec moi », salue Lola, avant d’énumérer ses démarches. « J’ai rédigé une lettre de motivation. J’ai fourni une attestatio­n de membres de mon entourage profession­nel. Mais aussi les photocopie­s de mes contrats de travail, fiches de paie, badges, documents administra­tifs... sur lesquels Lola était mon prénom d’usage. » La réponse tant attendue arrive une semaine plus tard. Laurence est désormais officielle­ment Lola. « Un sacré soulagemen­t ! » Mais Lola n’a pas renoncé à son identité d’origine. « J’ai juste rajouté ce prénom avant. C’est beaucoup plus facile pour les papiers. Si j’ai un conseil pour ceux qui veulent changer, c’est celui-là : si possible, gardez l’ancien prénom. » Lola le conserve toujours avec elle. Son acte de naissance actualisé fait foi, en cas de contestati­on. Il n’a rien pu, en revanche, contre la colère paternelle. Ni contre ceux qui persistent ostensible­ment à l’appeler Laurence. « Certaines personnes ont du mal à accepter. Que des femmes puissent décider de leur prénom, peut-être que cela passe mal ? »

Précédents familiaux

D’une certaine manière, Lola n’a fait que prolonger une tradition familiale. Côté maternel, certains aïeuls avaient en leur temps francisé leur prénom : « Michel-Angelo est devenu Michel, Giuseppe est devenu Joseph... Pour éviter le racisme. Peut-être que c’était inconscien­t dans ma tête. » La soeur de Lola, elle aussi, s’était vue destiner un prénom de garçon. Leurs parents avaient prévu de l’appeler Valentin. Elle est finalement devenue Valentine. « Et elle est très contente de son prénom ! »

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