Nice-Matin (Cannes)

Ehpad au bord de l’explosion ?

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

Sabrina travaille depuis 5 ans au service «long séjour» du CHU de Nice. La jeune aide soignante a connu, dit-elle, « des jours ensoleillé­s ». Mais ce n’est plus le cas. Plus du tout. « À l’époque, nous étions quatre pour 50 résidents. On pouvait faire les toilettes, la kiné, les animations, faire manger en salle les résidents. Il y avait de la vie ! » «Depuis le mois de mai, ça s’est dégradé d’un seul coup », insiste-t-elle. Et les situations « exceptionn­elles de flux tendu sont devenues des situations... normales ». «Parfois, nous ne sommes plus que deux! Et c’est même arrivé qu’une aide-soignante soit seule», déclaret-elle. Sabrina évoque des cadences infernales, les remplaceme­nts sur les jours de repos et les heures qui se transforme­nt en jour supplément­aire. «Tout ça pour 1500 euros par mois» et avec une immense frustratio­n. « C’est de la maltraitan­ce institutio­nnelle. Nous, on ne prend plus de pause pour essayer de continuer à travailler correcteme­nt. C’est une vocation. Mais on ne fait plus que la base, il n’y a plus de vie pour les résidents. » Ce témoignage est copié-collable dans tout le départemen­t. De Grasse à Cannes. De Nice à Menton. De Cagnes à Vence. Dans les villages et les vallées, aussi. De La Brigue à Saorge...

« Conditions abominable­s de travail »

Saorge, par exemple, où Richard coordonnat­eur de la vie sociale, raconte les mêmes tourments, les mêmes structures à l’agonie, les mêmes « conditions abominable­s de travail ». Il commente : « Sur l’Ehpad Le temps des cerises, on a perdu dix emplois entre 2009 et 2017». Certains postes sont devenus mutualisés. Comme le cadre de santé : un seul désormais pour La Brigue, Breil et Saorge. «On est frustrés, plus assez de temps pour tout, on priorise. Avant une toilette pouvait durer 20 minutes, maintenant on se dépêche en quelques minutes ». À Grasse, encore, où Agnès, secrétaire FO, parle de personnel maltraité. Ça lui fait mal au coeur. «Je vois les filles sourire devant les patients, tenir le coup. Et puis dès la porte refermée, elles pleurent, elles craquent. » Idem à Cannes, avec Sylvie, aide-soignante, qui décrit «une vie épuisante, et toute cette pression subie par le personnel ». Ou ailleurs, partout ailleurs, où ce sont les familles qui doivent nettoyer la chambre de leur aîné, où le personnel est en burn-out, où même les intérimair­es ne veulent plus venir travailler et où les aides-soignantes font le travail des infirmière­s…

« Ils deviennent des mouroirs»

Les Ehpad, établissem­ents d’hébergemen­t pour personnes âgées dépendante­s, sont-ils au bord de l’explosion dans les Alpes-Maritimes? « Oui», dénonçait, hier matin, une fois de plus, le syndicat Force Ouvrière, qui avait réuni l’ensemble des établissem­ents azuréens, en présence de Gérard Bram, animateur départemen­tal de l’AD-PA (Associatio­n des directeurs au service des personnes âgées) et président de l’APMESS (Associatio­n des petits et moyens établissem­ents publics sanitaires et sociaux des A.-M). Ensemble, tous ensembles, ils ont décidé d’une journée de mobilisati­on et de grève pour alerter la population. Ce sera le 30 janvier. Chaque Ehpad participer­a à sa façon dans son établissem­ent. À Nice, le personnel se donnera rendez-vous place du palais de justice pour distribuer une lettre ouverte à la population. «La prise en charge des personnes âgées coûte-t-elle trop cher à la société pour qu’elle les délaisse à ce point ?», s’insurge Michel Fuentes, secrétaire général du syndicat FO du CHU de Nice, mais aussi secrétaire départemen­tal FO des Services publics et de santé des AlpesMarit­imes. «Nos anciens n’ont-ils pas gagné, par des décennies de cotisation­s et de travail, le droit de vivre dignement le reste de leur vie ? », grognet-il encore. Avant de lâcher : « Les Ehpad sont en train de devenir des mouroirs. » Heureuseme­nt, assure Michel Fuentes, les familles comprennen­t et apportent leur soutient. «J’ai l’habitude de dire, la France c’est bleu, blanc, rouge. Bleu pour la police, rouge pour les pompiers et blanc pour les soignantes. On défend la République et l’accès aux soins pour tous et des conditions dignes de travail.»

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(Photo Sébastien Botella) À l’appel de FO, une réunion s’est tenue, hier matin pour dénoncer les conditions de travail dans ces structures pour les personnes âgées dépendante­s. Une grève est prévue le  janvier.

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