Londres : Djouhri obtient sa libération sous caution
Il devra verser plus d’un million d’euros. Les juges veulent entendre l’homme d’affaires à propos du financement de la présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007
L’homme d’affaires Alexandre Djouhri, arrêté à Londres dans le cadre de l’enquête sur des soupçons de financement libyen de la campagne électorale de l’exprésident français Nicolas Sarkozy en 2007, a obtenu sa liberté sous caution, hier, en attendant une audience d’extradition. Il devra s’acquitter d’une caution d’un million de livres (1,13 million d’euros) avant d’être effectivement libéré, a décidé le tribunal londonien de Westminster. L’audience d’extradition a été fixée au 17 avril. Une première audience procédurale a été fixée au 22 février. Cet intermédiaire financier, familier des réseaux de la droite française et des affaires politico-judiciaires, avait été arrêté dimanche à l’aéroport de Heathrow en vertu d’un mandat d’arrêt européen pour « fraude » et « blanchiment d’argent » émis par la justice française. A l’issue d’une audience lundi devant le tribunal londonien de Westminster, il avait été placé en détention provisoire. Le procureur Stuart Allen a réclamé, hier, son maintien en détention, arguant du fait qu’il était l’objet d’accusations graves, qu’il avait deux nationalités – française et algérienne – et de nombreux liens hors du Royaume-Uni ainsi que les moyens financiers nécessaires pour fuir à l’étranger. Son avocat anglais Mark Summers a, lui, réclamé sa remise en liberté, soulignant qu’Alexandre Djouhri avait deux enfants habitant à Londres. Déplorant un mandat d’arrêt insuffisamment étayé et des accusations au caractère « politique », il a proposé une caution de 200.000 livres. Après paiement de sa caution, Alexandre Djouhri, 58 ans, qui a comparu vêtu d’un costume foncé et d’une cravate bleue sur une chemise blanche, lunettes vissées sur le nez, devra résider chez sa fille et sera soumis à un couvre-feu, a précisé la juge. Ses documents d’identité ont été saisis et il devra se présenter quotidiennement au commissariat de Notting Hill. La défense n’a pas fait de commentaire à l’issue de l’audience. A l’audience, assis derrière une paroi de verre, Alexandre Djouhri s’est contenté de décliner son identité et sa date de naissance, secondé d’un interprète.
Personnage clé
Résident suisse, il fait figure de personnage clé de l’enquête ouverte à Paris depuis 2013 pour vérifier les accusations lancées deux ans plus tôt par l’ancien président libyen Mouammar Kadhafi et son fils Seif el-Islam, selon lesquelles Nicolas Sarkozy avait bénéficié de leurs fonds pour sa campagne de 2007. L’ancien président français rejette ces accusations tandis que son entourage nie qu’Alexandre Djouhri figure parmi ses proches. L’homme d’affaires, dont le nom apparaît dans une transaction suspecte avec la Libye ainsi que dans l’exfiltration hors de France d’un personnage clé du régime Kadhafi, s’est jusqu’à présent soustrait aux demandes de la justice et n’a ainsi pas répondu à la convocation des enquêteurs en septembre 2016. A cette époque, après trois ans d’investigations, les juges d’instruction du pôle financier de Paris ne disposaient pas de preuves irréfutables d’un financement libyen, mais d’une série de témoignages et d’éléments troublants.
Vente d’une villa à Mougins
Parmi eux, la vente suspecte en 2009 d’une villa située à Mougins (Alpes-Maritimes), pour environ 10M €, à un fonds libyen géré par Bachir Saleh, l’ancien grand argentier du régime de Kadhafi, évincé du pouvoir et tué en 2011. Or les juges soupçonnent Alexandre Djouhri d’être le véritable propriétaire et vendeur de ce bien et de s’être entendu avec Bachir Saleh pour fixer un prix d’achat «très surévalué», selon les éléments de l’enquête rapportés. Le parquet national financier avait alors étendu ses investigations à de possibles détournements de fonds commis à la faveur de cette vente, en lien avec l’affaire.