Le livre du jour Le Président qui parle (trop) cash
La sidération qui a accompagné l’élection de Donald Trump à la Maison-Blanche est un sentiment chaque jour renouvelé, ou presque, au gré des sorties souvent déroutantes du président des États-Unis. Philippe Corbé, correspondant de RTL outreAtlantique, fait l’inventaire de ce qu’il appelle les «trumptitudes» dans un livre qui recense les approximations et rodomontades du milliardaire-président, comme autant de mots qui « mentent, blessent » et, fréquemment, «nuisent». Toute sa crainte est résumée dans cette formule en exergue, empruntée non à Trump mais à L’Ecclésiaste : « Malheur à toi, pays dont le roi est un enfant. »
Car Corbé le dit gravement. Passé l’amusement initial,
« il faut prendre Trump au mot, ce sont ses mots qui l’ont fait Président de la première puissance mondiale. La politique, c’est de dire des choses aux gens. Lui a su parler et être écouté».
Trump a conçu la parole excessive comme le levier de son accession au pouvoir: «Le janvier , dit-il, restera dans
les mémoires comme le jour où le peuple a repris le pouvoir sur la nation. Les hommes et les femmes oubliés de ce pays ne seront plus oubliés. Tout le monde vous écoute maintenant.»
Il fait fi des critiques en posant, comme l’avait théorisé Richard Nixon avant lui, que « la presse est l’ennemie ».
« Je ne dois pas être si mauvais, car je suis Président et pas vous», réplique-t-il aux journalistes qui le mettent à mal, comptant avec délice les couvertures de magazines qu’il génère, quand bien même il s’y fait éreinter. Corbé nous montre un Président heureux et très content de lui. « Personne ne m’a jamais dit que la politique, ce serait aussi amusant », jubilait-il le mars dernier, même s’il pensait aussi que « ce serait plus simple ». Trump tweete à tout va, carburant en moyenne à près de messages par mois, balancés dès potron-minet, dont un tiers sont des attaques, que ce soit pour incendier Kim Jong-un, traiter Hillary Clinton de «crapule», dézinguer les journalistes comme autant d’auteurs de fake news, vanter son intelligence supérieure, célébrer ses parties de golf avec les puissants ou retweeter des vidéos douteuses. C’est bien cette approche jouissive et dilettante de la politique, cette gouvernance à l’instinct, cette façon de faire ce job comme un autre, qui n’en finit plus d’inquiéter. « Je veux juste rester à la Maison-Blanche et me casser le cul», poétisait Trump le février . Sa pensée «binaire, paranoïaque, belliqueuse » fait mouche, déplore Philippe Corbé. Ses électeurs l’aiment parce qu’il leur cause, coq de saloon, comme eux parlent au bar, cash et sans filtre.