Éthique et esthétique peuvent-elles rimer ? Débat
Le dernier café éthique, organisé juste avant Noël, a abordé ce sujet, pour le moins complexe ou comment la chirurgie plastique trouve à s’accorder avec la morale
L’éthique occupe une place centrale en médecine. Personne n’en doute. Cependant, il existe des spécialités où les règles éthiques sont plus complexes à appliquer parce que subjectives. C’est le cas de la chirurgie esthétique. L’Espace éthique azuréen, présidé par le Pr Gilles Bernardin, consacrait son dernier café santé à cette thématique « éthique et esthétique ». Dans le rôle des experts, d’un côté un philosophe, Jean-Jacques Wunenburger, de l’autre, un chirurgien plasticien et esthétique, le Dr Baptiste Bertrand (Assistance publique des hôpitaux de Marseille). En préambule, et pour poser les termes du sujet, le Dr Bertrand citait l’éminent chirurgien Raymond Vilain : « La chirurgie plastique ramène l’anormal au normal et la chirurgie esthétique ramène le normal à la beauté. C’est-à-dire que la première corrige les difformités et la seconde les effets du vieillissement. du résultat», Bertrand. « Les hommes sont très difficiles à contenter. On rencontre souvent un peu le même archétype de patient : célibataire, pas heureux dans sa vie, ni dans son travail, qui se regarde beaucoup dans la glace. Or, la chirurgie esthétique ne peut pas résoudre tous leurs problèmes.» » L’esthétique est donc presque superfétatoire.
Satisfaire toutes les demandes ?
« Nous, les chirurgiens esthétiques, ne répondons pas à un problème médical, mais à une demande du patient. Il nous voit comme un juge de la normalité. Mais ce n’est pas à nous d’induire un besoin. Par exemple lorsqu’une femme me demande : “que pouvez-vous faire pour moi ?”, je lui réponds : “qu’estce que vous voulez que je fasse?”». Concernant la déontologie, chirurgien et philosophe admettent que « parfois, les règles sont un peu floues. En principe, il est interdit de faire de la publicité. Pour autant, pour être bien référencé dans les moteurs de recherche, des confrères créent leur propre site Internet, une page Facebook professionnelle, des comptes Instagram... Pour l’instant, le Conseil de l’ordre ne dit rien.» En revanche, une chose est admise par tous, l’information du patient doit être complète. Il doit connaître les risques encourus et comprendre que le résultat peut être différent de celui auquel il s’attendait. Jean-Jacques Wunenburger a abordé la question de l’autonomie du patient : « Êtes-vous au service de n’importe quelle demande ?» Réponse du Dr Bertrand : « On a des normes de beauté mais on n’est pas des magiciens. A une patiente sur 5 ou 6, je réponds que je ne toucherai pas à sa poitrine ou à son nez, que je ne lui ferai pas de cicatrice parce que j’estime qu’elle n’a pas besoin d’une intervention. Je lui fais comprendre que parfois les désirs sont illusoires.» Il confesse toutefois, qu’exerçant à l’hôpital il n’a « aucun intérêt financier à pratiquer si ce n’est pour enseigner aux internes. En revanche, je sais que cette patiente trouvera toujours un confrère pour lui faire ce qu’elle demande... » Serait-il opportun de conditionner l’opération de chirurgie esthétique à une visite chez un psychologue ? Le Dr Bertrand n’y est pas favorable. « Cela signifierait que l’on empêche les gens de prendre des décisions par eux-mêmes. C’est à nous, chirurgiens, d’être vigilants quant aux demandes. Certains patients « Ce qu’on appelle la chirurgie de l’intime (lèvres, pénis) est compliquée. Personnellement, je ne la pratique pas. En revanche, je connais bien la chirurgie du transsexuel. Celle-ci intervient à l’issue d’un long processus et d’une réflexion menée par une équipe pluridisciplinaire composée de psychiatre, psychologue, endocrinologue, etc. On ne peut par exemple pas poser des prothèses mammaires à un homme sans l’autorisation de ce comité d’experts. Toutefois, on sait que ces patients, s’ils essuient plusieurs refus, peuvent se faire opérer à l’étranger.» Jean-Jacques Wunenburger s’interroge sur le fait que le chirurgien «change la condition sexuée d’un être humain». « Je m’autorise à pratiquer ces interventions en me basant sur des faits, répond le Dr Bertrand. Le taux de suicide, la mal-intégration sont plus importants chez les non-opérés. Cette chirurgie est un service rendu pour les patients».
souffrent de dysmorphophobie, c’est-à-dire que leurs défauts leurs paraissent démesurés, mais c’est parfois difficileW à déceler. C’est avec la pratique qu’on apprend à bien cerner et le patient et sa demande. » Et assumer de la débouter.