15 ans de réclusion pour une bagarre mortelle
Une banale querelle sur fond d’ivresse avait dégénéré en bagarre dramatique. La Cour et les jurés ont suivi les réquisitions et condamné pour meurtre Alain Moya, l’auteur des coups de couteau
C’est une affaire à la fois tristement banale et profondément tragique qui était examinée depuis lundi par la cour d’assises des Alpes-Maritimes. Deux amis, quinquagénaires au chômage, avaient bu plus que de raison dans une HLM avenue de Cannes à Vallauris. Deux hommes cabossés par la vie qui se réfugiaient dans les paradis artificiels quand la vie ne leur souriait pas. Une dispute futile a éclaté le 16 février 2015 vers 17h30. Une scène d’une incroyable violence s’est terminée par la mort de Vincent Hamon, un jardinier. Alain Moya, 51 ans, célibataire, sans enfant, chauffeur-mécanicien de profession, est accusé de meurtre. Il exprime des remords depuis deux jours. Il est plutôt convaincant dans sa manière de se présenter, de dire qu’il ne souhaitait pas commettre l’irréparable. Des élans de sincérité qui ne pèsent plus rien au regard de la bouleversante déposition de Marie, la fille de la victime, venue hier exprimer son chagrin et sa détresse.
«Tout s’est écroulé»
La jeune fille s’approche de la Cour et des jurés avec la fraîcheur de ses 17 ans. «Il n’a pas eu le moyen de se défendre… On était vraiment complice. » La belle adolescente, très vite rattrapée par l’émotion, poursuit « Il m’a fait partager toutes ses passions. J’étais très proche de lui. En dehors du fait qu’il était alcoolique, il avait le coeur sur la main et s’est occupé de mon éducation. » La mort de son père est un séisme pour cette jeune fille à l’époque collégienne de 14 ans. «J’étais en cours. Un surveillant est venu me chercher. Et on m’a expliqué que j’avais perdu mon père dans ces circonstances. » Dépression, année de Seconde catastrophique, «tout s’est écroulé », rappelle Marie. A ces mots, un juré se liquéfie, un autre est en larmes. Dans le box, Alain Moya baisse pour la première fois la tête. « J’ai passé trois ans dans le doute, je vais partir d’ici sans savoir ce qui s’est passé», regrette la jeune fille. Le président Patrick Véron tente de l’apaiser: «Beaucoup ici pensent trouver la vérité avec un grand V. Ca n’arrive jamais parce que chacun a sa propre vérité. » Me Philippe Soussi, avocat des parties civiles, porte aussi une vérité et elle est semblable à celle de l’accusation. Il interpelle l’accusé lors de sa plaidoirie : « Cela aurait été bien de dire à Marie pourquoi et comment vous lui avez enlevé son père. Vous n’êtes pas obligé. On aurait pu mieux comprendre. On ne tue pas un ami à coups de couteau parce qu’il a renversé de la bière.» Le conseil des proches du défunt s’attarde sur les constatations médico-légales. Une manière de répliquer à un accusé qui assène depuis le début qu’il n’a jamais eu l’intention de tuer.
«C’est une boucherie»
«La lame est partie cinq fois au visage. Rien que sur le visage, il y a dix lésions, quatre lésions au thorax et à l’abdomen, détaille Me Soussi. Pour parler vulgairement, c’est une boucherie. Alors que Vincent a mis son blouson pour sortir. C’est un acharnement, il l’a massacré. » L’avocat général Caroline Blasco insiste à son tour: « M. Hamon a un visage couvert d’hématomes. » Aucune légitime défense dans ce dossier. L’intention de tuer est caractérisée», affirme le magistrat de l’accusation qui rappelle que ce «crime aux conséquences irréversibles est puni de trente ans.». Me Ludovic Loyer n’a qu’un but quand il entame sa plaidoirie: démontrer que son client doit être condamné pour «des violences avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner.» Pas pour meurtre. La Cour et les jurés, eu égard au nombre de coups portés sur des organes vitaux n’ont pas suivi son raisonnement. Ils ont suivi les réquisitions en infligeant quinze ans de réclusion à l’accusé.