Cap vers le Nord !
Amis depuis l’âge de trois ans, deux Cannois de 25 ans se lancent dans une aventure sportive et humaine : relier à pied leur mer Méditerranée natale à la mer de Norvège
Un ciel bleu azur. Une rue piétonne bordée de cafés. Dehors, les passants sont emmitouflés dans leur manteau. Il est 14h30 en cet après-midi de fin janvier quand Rémi More s’installe en terrasse au coin de la rue Hoche. À peine assis, il retire son manteau. Regard franc, moustache anglaise et mèche sur le côté, le jeune homme inspire calme et confiance. «Loïc!» lance-t-il à son ami d’enfance arrivé en retard. Les cheveux bruns ébouriffés et le regard malicieux, Loïc Corlouer prend place à côté de son compère. Deux physiques, deux personnalités, un projet commun: rejoindre Le Cap Nord à pied. Un seul moyen de transport toléré: le ferry qui relie le Danemark à la Norvège.
Voyager lentement
«On est tellement pressé dans notre vie quotidienne que j’avais envie de partir marcher, confie Rémi, la marche, c’est la vitesse naturelle de l’homme.» C’est dans l’esprit de ce réalisateur en herbe, diplômé d’une licence de STAPS, qu’a germé le projet. Été 2017, il propose à Loïc de se joindre à lui. Encore sous contrat dans une banque à Buenos Aires, le jeune spécialiste en finance d’entreprise ne réfléchit pas longtemps avant de dire oui. Combien de temps durera le voyage? Ils n’en savent rien. Sept, peut-être neuf mois. Ils se laisseront porter par leur rythme. Chacun son café à la main, les deux Cannois livrent leur vision du monde dans laquelle s’inscrit leur projet. «Nous voulons profiter de chaque instant, se défaire du dispensable», explique Rémi. Loïc, montre Casio altimètre au poignet et doudoune bleue sur les épaules poursuit: «Faire cela sur une aussi grande distance transforme ce voyage en un mode de vie» Le sourire aux lèvres, il ajoute: «peutêtre que l’on va être drogué à ça et ne plus jamais sortir de ce mode de vie… ou pas».
Voyager ensemble
Conscients de leurs différences, ils en ont fait une force. «Pour Loïc, cette aventure est une recherche de soi alors que moi c’est une remise à ma place». Rémi se connaît aussi bien qu’il connaît son ami. Un mot pour décrire l’autre? «Fiable, exigeant, perfectionniste», le regard en coin, Loïc jauge la réaction de son ami. Il a l’air satisfait. Rémi choisira l’adjectif généreux pour qualifier son compagnon de route. Malgré leur complicité évidente, les deux jeunes adultes sont conscients des difficultés qui les attendent. «Avec cette promiscuité et les moments difficiles, il y aura forcement des frictions. Mais aussi des instants de partage et de rire», lance Loïc. Et si l’un devait abandonner? Le sujet a déjà été abordé et la réponse est sans appel: l’autre continuera seul pour mener leur projet commun à terme.
Voyager léger
Quinze kg pour Rémi, 18 pour Loïc. Tout compris. Avec le plein d’eau et de nourriture, la tente, les duvets pour braver des températures proches de -20 °C et les raquettes pour affronter les Alpes. «On a un T-shirt et un caleçon de rechange chacun» explique le plus sage des deux. «Et un savon de Marseille» ajoute son copain en riant. Le doigt en l’air, Rémi, pragmatique, précise: «Mais on est léger, chaud, imperméable et respirant. Pas de synthétique donc pas besoin de se changer tous les jours.» Malgré la contrainte du poids, ils ont fait le choix d’emporter un livre chacun. L’axe du loup et la marche dans le ciel. Des récits de voyages de l’explorateur Sylvain Tesson et de son camarade Alexandre Poussin. Un carnet et un stylo viennent également alourdir chaque sac. Mais ces quelques grammes supplémentaires permettront à ces deux graines d’aventuriers de coucher leur pérégrination sur le papier. Et qui sait? Peut-être devenir les prochains Tesson et Poussin. En attendant, bonne route!