Le présumé “homme de paille” de Kerimov reste en prison
L’homme d’affaires suisse Alexander Studhalter avait été placé en détention provisoire le 12 janvier dernier. Officiellement il est l’unique propriétaire des villas azuréennes au coeur du scandale
Il aurait servi de prête-nom au sénateur Kerimov pour acquérir plusieurs villas de luxe au Cap d’Antibes. C’est en tout cas ce qui a valu à Alexander Studhalter d’être placé en détention provisoire le 12 janvier dernier. Une décision dont l’homme d’affaires suisse s’est empressé de faire appel. En vain. La chambre de l’instruction a maintenu, hier, le mandat de dépôt qui avait été délivré à son encontre. Alexander Studhalter reste donc en prison. A la différence de l’oligarque russe Souleyman Kerimov qui avait évité, devant cette même cour d’appel d’Aix-en-Provence, un placement en détention provisoire moyennant le paiement d’une caution record de 40 millions d’euros.
Week-end à Moscou
Le sénateur du Daghestan qui se trouve au coeur de ce vaste dossier de blanchiment instruit par le juge niçois Alexandre Julien a également été assigné à résidence sur la Côte d’Azur. Seule entorse à ce très strict contrôle judiciaire, Kerimov a été autorisé par le magistrat à aller passer le week-end dernier à Moscou. Il en est revenu à bord de son jet privé lundi soir, peu avant les douze coups de minuit qui auraient pu changer le milliardaire en repris de justice sous le coup d’un mandat d’arrêt international. Il n’en est rien. Pour l’heure, le sénateur russe se conforme scrupuleusement à ses obligations légales en restant à la disposition de la justice française. Tout comme, d’ailleurs, son présumé homme de paille. Pour tenter d’obtenir la remise en liberté d’Alexander Studhalter, ses avocats n’ont pas manqué de rappeler à la cour qu’il a « toujours déféré aux convocations du juge d’instruction » .Et cela depuis deux ans et demi. Car le Suisse a été mis en examen dans ce dossier bien avant que n’y apparaisse le nom de Kerimov.
Retour de commission rogatoire
Il faut dire qu’officiellement c’est lui, Alexander Studhalter, qui est propriétaire de plusieurs parcelles contiguës au Cap d’Antibes et des villas bâties sur cet ensemble immobilier de plus de 20 000 m2 en front de mer. Selon l’entourage du Suisse, qui affirme n’être le prêtenom de personne, il serait même « l’unique bénéficiaire économique » du Swiru groupe. C’est cette holding helvétique qui détient dans ses actifs les fameuses propriétés azuréennes, dont la villa Hier. Elle est domiciliée à Lucerne, au n° 8 de la rue Matthofstrand. Or cette adresse est (ou a été) le siège d’une kyrielle d’autres sociétés, bien plus discrètes celle-là. Et pour cause, elles ont été constituées au Panama, aux Seychelles ou dans les Bermudes. Dans ce dédale de sociétés offshore, le travail des policiers de la division économique et financière de la PJ et du GIR ressemble à un véritable jeu de poupées russe. Ces derniers ont néanmoins acquis la conviction que l’ultime statuette cachée au coeur de ce montage complexe n’est autre que Souleyman Kerimov. Son nom apparaît d’ailleurs comme actionnaire de certaines des entités exotiques liées au Swiru group. Tout comme celui de Nariman Gadzhiev, présenté dans des documents bancaires suisses dont Nice-Matin a été rendu destinataire, comme le propre « neveu » du sénateur russe. Référencé par les « Panama papers » celui-ci est d’ailleurs également domicilié au... 8 Matthofstrand, à Lucerne. Dans un communiqué, « l’entourage d’Alexander Studhalter » a manifesté son « indignation » à la suite d’« un placement en détention provisoire qui, pour lui, ne répond à aucun des critères fixés par la loi »: « Alors qu’Alexander Studhalter ne s’est jamais défaussé face aux convocations répétées de la justice depuis près de trois ans, une telle décision est incompréhensible. Elle est d’autant moins fondée que la conservation des preuves n’est pas un sujet dans le cadre de cette instruction ouverte depuis plusieurs années, qu’aucune pression ne peut être exercée sur quiconque, compte tenu notamment de l’absence de victime dans ce dossier et qu’enfin, il n’existe aucun risque de concertation entre les différents protagonistes
Les affaires du Suisse... et celles du juge
C’est d’ailleurs là, de l’autre côté de la frontière helvétique, que le juge Alexandre Julien est allé poursuivre ses investigations en août dernier. Or les documents appréhendés dans le cadre de cette commission rogatoire internationale viennent à peine d’être transmis à la justice française. Ce serait d’ailleurs sur la base de ces nouveaux éléments qu’Alexander Studhalter, déjà mis en examen depuis des mois(1), a été reconvoqué à Nice le 12 janvier dernier. L’entrevue avec le magistrat s’est mal terminée. Alors que le Suisse était précisément interrogé sur l’une de ces entités sociétés offshore, il aurait eu le malheur de répondre – en substance – que ses affaires n’étaient pas celles du juge. La réaction ne s’est pas fait attendre. Elle tient en trois lettres : JLD. Alexander Studhalter s’est retrouvé devant le juge de la détention et de la liberté (JLD) qui l’a donc placé en détention. Une décision confirmée hier en appel. qui sont informés depuis plusieurs mois [...] des accusations portées à leur encontre. » Dans l’entourage du Suisse « on comprend d’autant moins la raison d’être de ce maintien en détention qu’Alexander Studhalter a été placé en détention provisoire il y a presque deux semaines et que, durant cette période, le juge d’instruction n’en a pas profité pour le reconvoquer, ni pour le confronter à quiconque. » Le communiqué annonce « que tous les moyens légaux seront utilisés pour défendre Alexander Studhalter contre les accusations sans fondement » et qu’un « pourvoi en cassation sera formé dans les plus brefs délais à l’encontre de cette décision symptomatique d’une procédure qui, manifestement, perd la sérénité nécessaire... »