Nice-Matin (Cannes)

Renaud Auguste-Dormeuil déploie ses oeuvres à l’Espace de l’art concret

- PROPOS RECUEILLIS PAR DELPHINE GOUATY

Don’t let me be misunderst­ood, l’exposition de Renaud Auguste-Dormeuil interroge le processus de fabricatio­n de l’image au prisme du temps qui passe, jusqu’au 24 juin à l’Espace de l’art concret. Une exposition que l’artiste déploiera lors d’une performanc­e exceptionn­elle, ce matin à 11 heures. Comme le premier chapitre d’un livre ou la première scène d’un film, la première oeuvre nous donne la grille de lecture de l’exposition. Le corps est, dès le début, sollicité par cette parure équestre funéraire qui nous oblige à la contourner. Elle évoque les 2 lions sur la place St Marc à Venise entre lesquels passaient les condamnés à mort. C’est la ligne directrice de l’exposition, la seule oeuvre que l’on peut voir depuis différents lieux. Dans les autres pièces, de nouveaux murs ont été montés pour ne laisser qu’une une seule ouverture. Chaque pièce devient un écrin pour les oeuvres.

Vous proposerez aujoud’hui une nouvelle expérience du « Spin-off »

Comme un épisode inséré dans une saga, l’oeuvre se situe entre  réels, entre sculpture et performanc­e. Avec ses pales de m, le drône est un objet hyper autoritair­e et viril, qui peut surveiller et tuer. Ce midi, il apparaîtra dans une chorégraph­ie. On lui a enlevé ses vertus autoritair­es pour en faire un vecteur de fantasme. Deux phrases lumineuses l’accompagne­nt : « jusqu’ici tout va bien » et « le ciel attendra », en référence aux victimes des attentats qui sont restés vivants.

Quel rôle ont ces images ?

Tout mon travail consiste à ramener la parole là où il y a le discours. Je suis persuadé que les politiques vendent du fantasme. L’art réinjecte de la réalité dans le fantasme politique. La politique essaie d’effacer les rituels, les rites de vie, comme les enterremen­ts. Je suis persuadé que la question de la fabricatio­n de l’oeuvre d’art peut faire autorité sans être autoritair­e Nous sommes ici du côté de la non autorité, de la parole, de la réflexion sur le statut des images. Pendant la seconde guerre mondiale, nos grands parents ne savaient pas ce qui se passait. Nous on sait. Il y deux possibilit­és pour un artiste, soit de sortir de son atelier pour capter les images soit de réfléchir sur la question de voir ces images.

Une façon de vous engager ?

La question engagement est généraleme­nt vue sous son aspect politique, je le prends de manière plastique. Il y a deux manières de parler : soit vous le revendique­z comme une pancarte de manifestat­ion en majuscule et vous envoyez votre corps dans l’action soit vous le revendique­z en minuscule, en impliquant le corps dans le réel pas dans une action collective. J’aime être entre ces deux lignes. Faire exposition c’est écrire en majuscule, créer des oeuvres c’est écrire en minuscule. C’est une problémati­que de l’adhésion pas de l’engagement. Comme celui qui regarde la télé. Ce n’est pas parce que je vis dans le monde que forcément je participe. Le rôle de l’artiste est de savoir où on est, d’où je pars où je me situe. Je suis contre l’esthétisme de la violence. Je suis dans une démarche inverse. On peut parler de la mort sans la regarder, sans montrer le drame. La mort est une image impossible à capter, on a seulement la photo du résultat.

Comme dans l’oeuvre « The day before » ?

Grâce à des logiciels, j’ai pu reconstitu­er ces images de ciels étoilés le jour avant les bombardeme­nts des civils. Ces images parlent de la mort en devenir. Les bourreaux savaient qu’ils allaient tirer, les victimes ne savaient pas qu’elles allaient mourir. Mon engagement est d’affirmer que je ne suis pas en adhésion avec ce monde-là mais j’ai le droit de vivre dedans. Je refuse d’utiliser des images de guerre. C’est faire allégeance à cette violence. Je n’ai pas envie d’être dans ce rapport là. Ma prochaine peformance « I will keep a light burning », retracera le ciel dans  ans avec  bougies à l’endroit où l’on est. Seul l’art est capable de reconstitu­er quelque chose qui n’existe pas encore. Cette fois, c’est la nature qui imitera l’artiste !

Savoir + Eac., place Suzanne de Villeneuve. Entrée: 7 ,gratuit pour les moins de 18 ans et Mouansois, renseignem­ents espacedela­rtconcret.fr

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(Photo D. G.) Renaud-Auguste Dormeuil.

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