Témoignage Interview
S’il ne dispose pas encore d’un diplôme d’animateur, Théo, 21 ans, a réussi à décrocher un contrat d’accompagnant au sein de l’hôpital gériatrique niçois Les Sources Hervé Ferrant, directeur général de l’hôpital Les Sources
Lorsque les personnes âgées me regardent, je leur rappelle leur jeunesse, les bons moments qu’elles ont vécus; elles oublient que j’ai une partie de trisomie 21». Les mots de Théo, 21 ans, se passent de commentaire. Les images aussi. Éclats de rire, échanges de regards complices, gestes bienveillants de part et d’autre… Ce que nous observons ne laisse planer aucun doute sur la sincérité et la qualité des relations entre Théo et les patients qu’il rencontre quatre jours par semaine, dans le cadre de ses fonctions. Depuis un an, le jeune homme travaille au sein de l’hôpital privé gériatrique Les Sources, à Nice, comme animateur. Enfin, pas tout à fait encore. « Ça me plaît beaucoup, mais c’est toujours un peu difficile… Je suis bien loin encore d’être animateur. Et je n’aime pas être seul, sans Christine [la responsable de l’équipe animation, Ndlr]. Je ne suis pas encore indépendant d’elle », admet-il, en allant chercher du regard la jeune femme.
« Ma trisomie me met un peu à l’épreuve »
Christine accompagne depuis le premier jour l’intégration du jeune homme dans l’établissement. Une intégration réussie. « Théo est très à l’aise dans sa relation avec les personnes âgées », commente l’animatrice. « Et elles sont aussi très ouvertes avec moi. C’est un partage au quotidien », complète Théo. Mais si sa présence rencontre un accueil très favorable du côté des patients âgés hospitalisés, son caractère, ses susceptibilités, peuvent induire quelques crispations parmi le personnel. « J’ai besoin que tout soit cadré, sinon c’est plus difficile à gérer », reconnaît le jeune homme. Et il ajoute : « Ma trisomie 21 me met un peu à l’épreuve. » Théo est aussi très impatient. Il voudrait que les choses aillent plus vite pour lui. Et surtout, il ne comprend pas vraiment pourquoi c’est Hugo, intégré plus récemment que lui dans l’équipe d’animation, qui remplace Christine pendant ses congés. « Hugo a un diplôme d’animateur », lui rappelle Christine. Théo en convient. Mais il dissimule mal son sentiment de frustration. « Je suis encadré par ma responsable. Pas par un collègue de travail… » Hugo, qui nous a rejoints, sourit. Le jeune homme de 23 ans, en service civique, ne fait pas vraiment cas du handicap de Théo «Lorsque je l’ai rencontré, je n’ai pas été plus surpris que ça… Mais, lorsque l’on travaille ensemble, je me contrôle un peu, je fais attention à ce que je dis. Certaines consignes qui peuvent me paraître logiques, ne le sont pas nécessairement pour Théo. » Pas besoin de longs discours. Ni pour l’un, ni pour l’autre. « Parfois, on n’a pas tout à fait le même point de vue. C’est un peu mon défaut : j’ai du mal à accepter… », reconnaît Théo. Accepter quoi ? Il ne va pas plus loin. Il se reprend même : « Ma qualité, c’est accepter les choses telles qu’elles sont… J’essaie de faire les tâches qu’on m’a confiées par la confiance qu’on a en moi et je dois rendre des comptes, c’est comme ça. »
« Quand c’est arrivé, j’ai dit “Waouhhh !” »
Théo ne se destinait pas à l’animation. C’est la cuisine qui le passionnait. Et il a même obtenu « un CAP adapté de cuisine ». « Je ne me suis jamais dit que je serai animateur, mais je me comporte en tant que tel… C’est les circonstances. La cuisine, j’en rêve encore, mais je la mets à l’écart… » À l’écart aussi, sa trisomie 21. «Je ne la montre que dans les situations difficiles… » Comme lorsqu’il est seul, une situation qu’il a beaucoup de mal à vivre. « Là, ça me fait de l’effet… »... Théo, c’est l’histoire d’un jeune homme comme les autres. Avec des forces, des faiblesses. Impatient, amoureux – même s’il ne concédera pas la moindre confidence dans ce domaine –, plein d’appétit pour la relation, et terriblement déterminé : « Je le voulais amèrement ce contrat… Le jour où c’est arrivé, j’ai dit “Waouhhh !” » Et à présent qu’il a signé son contrat, il veut que ça aille plus vite, il attend sa formation... Christine l’interpelle : «Tu vois, Hugo est plus patient que toi. » « Oui, mais il a plus confiance en lui ... » Pas si sûr, Théo.